Ouganda. Le Parlement doit rejeter le projet de loi contre l’homosexualité, qui viole le droit international

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR
10 mai 2011

Le Parlement ougandais doit rejeter le projet de loi contre l’homosexualité qui a fait l’objet, ces derniers jours, d’auditions publiques devant le Comité des affaires juridiques et parlementaires, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch mardi 10 mai. L’ordre du jour du Parlement indiquait que le texte pourrait être débattu et soumis au vote le 11 mai.

Ce projet de loi prévoit la peine de mort pour les relations sexuelles consenties entre partenaires du même sexe, comme pour le terrorisme et les actes de trahison. Par ailleurs, le fait qu’une personne ne signale pas aux autorités compétentes dans les 24 heures toute violation des dispositions de ce texte dont elle serait témoin constituerait une infraction. Le projet de loi incrimine la « promotion de l’homosexualité », ce qui compromet le travail légitime des militants et des groupes nationaux et internationaux qui œuvrent à la défense et à la promotion des droits humains en Ouganda.

L’une des dispositions obligerait cet État, qui est membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, à se retirer de tous les instruments juridiques internationaux en contradiction avec ce texte. En effet, le projet de loi allant à l’encontre, entre autres, du droit de ne pas être discriminé, il contraindrait l’Ouganda à se retirer de l’ensemble des traités relatifs aux droits humains, ont indiqué Amnesty International et Human Rights Watch. « Il est extrêmement inquiétant que le Parlement ougandais examine à nouveau ce projet de loi révoltant, qui ne respecte pas la dignité humaine et viole le droit international relatif aux droits humains, a expliqué Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

Les auditions du Comité se sont tenues les 6 et 9 mai. Cette instance a indiqué qu’elle finaliserait son rapport sur le projet de loi avant de soumettre au débat législatif le texte sous sa forme actuelle ou une version modifiée. Bien que le Comité soit resté évasif sur la durée de la procédure, le projet de loi sera vraisemblablement présenté pour examen et adoption avant le 18 mai, date de clôture officielle de la session parlementaire en cours.

L’auteur du projet de loi, David Bahati, parlementaire affilié au parti au pouvoir, a suggéré de modifier ou de supprimer certaines dispositions mais aucun nouveau texte n’a été rédigé. On ignore donc le contenu des modifications éventuelles.

David Bahati a présenté le projet de loi en octobre 2009. Le texte a été condamné par de nombreuses personnalités africaines et internationales, dont le président américain Barack Obama, qui l’a qualifié d’« odieux » début 2010. Le président Yoweri Museveni, qui entame un quatrième mandat et dont la cérémonie d’investiture aura lieu cette semaine, a réagi au tollé international en déclarant que le projet de loi était devenu une « question de politique étrangère ». Le texte est ensuite resté en souffrance au Parlement pendant plus d’un an.

L’empressement à faire avancer le projet de loi – que l’on constate depuis peu – est particulièrement troublant à la lumière des récentes manifestations contre les dépenses du gouvernement et la corruption, ont indiqué Amnesty International et Human Rights Watch. Depuis début avril, de nombreux Ougandais sont descendus dans la rue, se rendant à pied à leur travail pour protester contre les prix élevés des produits de base et du carburant. Le gouvernement a déployé l’armée et la police à Kampala, à Gulu et dans d’autres parties du territoire pour réprimer les manifestations. Les forces de sécurité ont opéré avec brutalité : au moins neuf personnes ont été tuées par balle dans des circonstances où le recours à la force meurtrière n’était pas nécessaire.

« La loi contre l’homosexualité et la répression violente des manifestations pacifiques par le gouvernement ces dernières semaines sont la preuve que la place accordée aux droits humains se réduit en Ouganda, a déclaré Graeme Reid, directeur du programme concernant les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transgenres à Human Rights Watch. Nous exhortons vivement le Parlement ougandais à rejeter immédiatement le projet de loi. »

En outre, le texte ferait obstacle aux efforts de prévention du VIH/sida et compromettrait leur efficacité alors qu’il s’agit d’une priorité nationale, selon Amnesty International et Human Rights Watch.

Lors des récentes consultations publiques portant sur la proposition de loi, des militants ont critiqué ses nombreuses dispositions horrifiantes. « Je vais être pendue à cause de ce que je suis ? » a démandé Kasha Jacqueline, lauréate 2011 du prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme.

« Non seulement le projet de loi institutionnalise la discrimination à l’encontre des personnes qui sont, réellement ou supposément, gays, lesbiennes, bisexuelles ou transgenres mais, s’il est adopté, il pourrait être interprété comme une incitation officielle à la violence contre ces personnes », a ajouté Graeme Reid.

Ces dernières années, des organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont constaté de nombreux cas de discrimination, d’arrestations arbitraires, de détentions illégales, de torture et d’autres formes de mauvais traitements se fondant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en Ouganda, et visant les militants qui dénoncent les atteintes dont sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transgenres.

Le 26 janvier, David Kato, défenseur des droits des gays en Ouganda, a été tué à son domicile. Un homme a été arrêté et inculpé de cet homicide, qui a fait naître de fortes craintes au sein de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre. David Kato avait exhorté les autorités à agir afin de mettre fin aux discriminations exercées contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transgenres en Ouganda, en particulier dans les journaux de la presse populaire qui publient le nom, la photo et les coordonnées de personnes qu’ils pensent appartenir à cette communauté.

« Le projet de loi aurait un impact extrêmement négatif, non seulement sur les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transgenres, mais aussi sur la vie de tous les Ougandais, a ajouté Michelle Kagari. Les autorités ougandaises ne doivent pas légaliser la haine contre un groupe quelconque. »

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