« Le transfert imminent de Dominic Ongwen, ancien commandant présumé de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) devant la Cour pénale internationale (CPI) constitue une étape vers la justice pour les victimes qui ont subi la brutalité de la LRA pendant plus de deux décennies », a déclaré Amnesty International dimanche 18 janvier.
« Cet événement est déterminant dans la quête de justice. La LRA a enlevé, tué et mutilé des milliers de personnes en Ouganda et commis des atrocités, notamment en ayant recours à des enfants soldats et à l’esclavage sexuel », a déclaré Sarah Jackson, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est.
« Cela fait presque dix ans que des mandats d’arrêt ont été décernés à l’encontre de plusieurs dirigeants de la LRA. Le transfert imminent de Dominic Ongwen à La Haye pour répondre de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre ouvre enfin la voie à la justice pour les victimes des atrocités commises par la LRA dans le nord de l’Ouganda. »
Le gouvernement ougandais a saisi la CPI de la situation concernant le conflit avec la LRA il y a plus de 11 ans. Le procureur de la CPI a par la suite ouvert une enquête dans le nord de l’Ouganda et cette juridiction a décerné des mandats d’arrêt à l’encontre de cinq dirigeants présumés de la LRA en 2005.
Le 5 janvier 2015, l’armée américaine, en coopération avec la Force régionale d’intervention de l’Union africaine (UA) en République centrafricaine, a capturé Dominic Ongwen. Le 14 janvier, il a été livré au contingent de l’armée ougandaise de la Force régionale d’intervention.
Le 17 janvier, Dominic Ongwen a été officiellement remis aux mains de la CPI dans la capitale centrafricaine, Bangui, et il devrait être transféré à La Haye dans les prochains jours. Il devra répondre de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre devant la CPI.
Dominic Ongwen a lui-même été enlevé par la LRA, vraisemblablement à l’âge de 10 ans. Les enlèvements, le lavage de cerveau et l’initiation brutale des enfants au meurtre sont au centre du mode opératoire de la LRA.
« Les circonstances de la participation de Dominic Ongwen aux crimes commis par la LRA, en tant que victime et en tant qu’auteur présumé, pourraient faire partie de sa défense. S’il est reconnu coupable, son enlèvement et son enrôlement dans la LRA pourraient également être pris en compte pour la détermination de sa peine », a déclaré Sarah Jackson.
Maintenant qu’il a été transféré aux mains de la CPI, celle-ci doit tenir les victimes et les populations concernées en Ouganda au courant des évolutions de la procédure engagée contre Dominic Ongwen.
« Ayant récemment réduit ses contacts avec les victimes en Ouganda en raison du manque de progression des procédures, la CPI doit maintenant renouer le dialogue avec les personnes les plus directement concernées par l’affaire, au moyen d’informations publiques et d’activités de proximité », a déclaré Sarah Jackson.
Les autorités ougandaises pourraient ultérieurement tenter de contester la procédure de la CPI afin de juger elles-mêmes Dominic Ongwen. Pour cela, elles devraient démontrer aux juges de la CPI qu’elles sont véritablement aptes et disposées à instruire ce dossier.
Complément d’information
La LRA est un groupe armé dirigé par Joseph Kony. Créée vers 1987, elle a d’abord combattu le gouvernement dans le nord de l’Ouganda. À partir de 2005, les opérations militaires de l’Ouganda ont repoussé le groupe dans les pays voisins.
Depuis plus de deux décennies, Amnesty International rassemble des informations sur les crimes commis par la LRA et leurs terribles conséquences sur la vie de milliers de civils en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud et en Ouganda.
Amnesty International a également relevé des violations des droits humains perpétrées par les Forces de défense populaire de l’Ouganda (UPDF) contre des villages où la LRA était présente et contre des membres capturés de celle-ci.
Il incombe à l’Ouganda de mener des enquêtes et d’engager des poursuites pour les crimes commis dans le nord du pays par l’armée ougandaise et la LRA. Une Division des crimes internationaux a été créée à cet effet, mais son premier dossier concernant le commandant de la LRA Thomas Kwoyelo a été suspendu après que la Cour constitutionnelle a statué que ce dernier était éligible pour bénéficier de la Loi d’amnistie promulguée en Ouganda en 2000. Cette décision est en instance d’appel devant la Cour suprême.
Dominic Ongwen est inculpé de trois chefs d’accusation de crimes contre l’humanité (meurtre, esclavagisme et actes inhumains causant des blessures et des souffrances graves) et quatre chefs de crimes de guerre (meurtre, traitements cruels à l’encontre de civils, direction intentionnelle d’une attaque contre une population civile et pillage).
Les mandats d’arrêt visant Dominic Ongwen et quatre autres dirigeants de la LRA pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été décernés par la CPI en juillet 2005. L’un des suspects inculpés, Joseph Kony, est toujours en fuite tandis que les autres semblent être morts.