OUZBÉKISTAN - Craintes pour la sécurité des détenus et des réfugiés

Index AI : EUR 62/010/2005

Amnesty International craint pour la sécurité de dizaines de personnes qui seraient détenues arbitrairement par des membres des forces de l’ordre pour leur participation présumée aux évènements du 13 mai à Andijan. Le procureur général a déclaré le 17 mai, lors d’une conférence de presse à Tachkent, qu’il y avait eu 81 interpellations à ce jour, toutes d’insurgés présumés et que des poursuites pénales allaient être engagées contre eux pour tentative de renversement de l’ordre constitutionnel, organisation de manifestations de masse et meurtres. L’accès à Andijan et les communications avec la ville restent difficiles. On ne sait pas si les personnes détenues ont pu consulter un avocat, recevoir des soins ou voir leurs proches ni si elles sont détenues au secret. Les risques de torture sont particulièrement grands en cas de détention au secret ; Amnesty International a reçu des centaines de rapports ces dernières années faisant état d’actes de torture sur des personnes en détention provisoire et placées au secret dans le but de les contraindre à avouer leur appartenance à une organisation islamiste illégale. Les autorités ouzbèkes ont accusé les membres et partisans du mouvement islamiste local Akramia d’avoir voulu organiser un soulèvement à Andijan dans le but d’établir un État islamique en Ouzbékistan. Selon les autorités, ce mouvement aurait également des liens avec le parti islamiste d’opposition Hizb-ut-Tahrir (Parti de la Libération), que l’Ouzbékistan a classé parmi les organisations terroristes et interdit.

Amnesty International est particulièrement troublée par les informations en provenance d’Ouzbékistan selon lesquelles au moins trois défenseurs des droits humains feraient partie des personnes arrêtées à Andijan, en lien avec les manifestations du 13 mai ; l’organisation craint que leur arrestation ne soit en lien avec leur action en faveur de la défense des droits humains : les défenseurs locaux des droits humains ont suivi les évènements d’Andijan et fait état d’un recours excessif et sans discrimination à la force par les troupes gouvernementales face à des manifestants civils et sans armes pour la plupart ; certains de ces défenseurs ont tenté, en prenant des risques, de faire savoir ce qui s’était passé.

Les autorités ouzbèkes nient que les troupes gouvernementales aient eu recours à une force excessive et que des civils, notamment des femmes et des enfants, aient été tués. Selon le ministre de l’Intérieur, 170 personnes ont été tuées le 18 mai lors d’affrontements armés entre troupes et rebelles à Andijan ; parmi ces personnes, 37 étaient des membres des forces de l’ordre ; des passants auraient également été pris sous le feu des insurgés. Trois femmes et deux adolescents ont également été comptés parmi les morts répertoriés officiellement - ils auraient été pris en otages par les insurgés. Ces chiffres officiels contrastent fortement avec les allégations de témoins oculaires qui ont déclaré que les troupes avaient tiré sans discrimination ni sommation dans la foule des manifestants qui s’étaient rassemblés dans le centre d’Andijan. De sources non-officielles, il y aurait eu au moins 500 morts. Des survivants ayant fui Andijan pour se réfugier au Kirghizistan voisin ont déclaré à des journalistes que les soldats avaient continué à tirer sans discrimination, même sur ceux qui s’enfuyaient. Certaines informations font craindre à Amnesty International que des soldats n’aient sommairement exécuté des manifestants. Des journalistes de l’Institut de reportage sur la guerre et la paix (IWPR, Institute of War and Peace Reporting), organisation de presse internationale non-gouvernementale, ont interviewé des témoins oculaires qui ont dit avoir vu des soldats exécuter d’une balle dans la tête des manifestants blessés gisant à terre.

Amnesty International est également très inquiète des informations qui lui sont parvenues, selon lesquelles les forces gouvernementales tireraient sur les personnes tentant de franchir la frontière avec le Kirghizistan. Un homme interrogé par IWPR, blessé alors qu’il tentait de passer la frontière avec un groupe de manifestants fuyant Andijan, a déclaré que des membres des forces de l’ordre ouzbèkes avaient ouvert le feu sans sommation alors qu’ils s’approchaient du village frontalier de Teshiktash. Il a déclaré qu’au moins deux femmes et trois hommes avaient été tués. Amnesty International demande au gouvernement du Kirghizistan de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la sécurité et la protection des personnes cherchant refuge sur son territoire et veiller à ce qu’elles ne soient pas renvoyées en Ouzbékistan où elles risqueraient des violations de leurs droits fondamentaux.

Les déclarations de témoins oculaires, telles que celles rapportées plus haut, ajoutent à l’urgence des appels lancés par Amnesty International aux autorités ouzbèkes pour qu’elles acceptent que les actions de ses agents fassent l’objet d’un examen public indépendant et qu’une enquête indépendante et transparente soit menée sans délai sur les évènements qui se sont produits, avec la participation d’experts internationaux. Les conclusions de cette enquête devront être rendues publiques et les responsables présumés des violences traduits en justice.Amnesty International a pris note que la Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme « demande également l’ouverture d’une enquête indépendante sur les causes et les circonstances des évènements qui se sont produits dans l’est de l’Ouzbékistan.. »

Ce texte est une mise à jour du communiqué intitulé Ouzbékistan - Seule une enquête indépendante pourra faire la lumière sur les violences récentes, index AI EUR 62/008/2005 http://www.amnestyinternational.be/doc/article5401.html

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