Pakistan. Disparitions forcées dans le cadre de la « guerre contre le


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ASA 33/038/2006

En coopérant à la « guerre contre le terrorisme » conduite par les États-Unis, le gouvernement
pakistanais a systématiquement violé les droits fondamentaux de centaines de Pakistanais et de
ressortissants étrangers. La pratique des disparitions forcées s’est répandue, et des personnes ont été
arrêtées et mises au secret dans des lieux tenus secrets, leur détention n’étant pas officialisée. Ces
personnes risquent la torture et le transfert illégal dans un pays tiers.
« La route de Guantánamo débute littéralement au Pakistan », a déclaré Claudio Cordone, directeur de
recherche à Amnesty International.
« Des centaines de personnes ont fait l’objet d’arrestations massives, un grand nombre d’entre elles ont
été vendues aux États-Unis comme « terroristes » sur la seule foi de ceux qui les avaient capturées, et
des centaines ont été transférées à Guantánamo Bay, sur la base aérienne américaine de Bagram ou
dans des centres de détention secrets gérés par les États-Unis. »

Les récompenses de plusieurs milliers de dollars offertes en échange de la remise d’individus
soupçonnés de terrorisme ont favorisé les arrestations illégales et les disparitions forcées. Les chasseurs
de primes, parmi lesquels des policiers et de simples citoyens, ont capturé des personnes de différentes
nationalités, le plus souvent au hasard semble-t-il, et les ont vendues aux Américains. Plus de 85 p. cent
des détenus de Guantánamo Bay ont été arrêtés non par les soldats américains, mais par l’Alliance du
Nord afghane au Pakistan, quand des récompenses pouvant aller jusqu’à 5 000 dollars des États-Unis
étaient versées pour chaque « terroriste » remis aux forces américaines. Souvent, leur détention reposait
uniquement sur les allégations de leurs ravisseurs, qui avaient tout à gagner de l’arrestation de ces
personnes. Quelque 300 individus, qualifiés auparavant de « terroristes » et de « tueurs » par le
gouvernement américain et détenus à Guantánamo Bay ont été depuis lors libérés sans avoir été
inculpés et sont retournés au Pakistan ou en Afghanistan.
« On n’entendait pratiquement jamais parler de disparitions forcées au Pakistan avant le lancement de la
"guerre contre le terrorisme"
, a déclaré Angelika Pathak, chargée de recherche sur l’Asie du Sud à
Amnesty International. Désormais, ce phénomène, qui ne cesse de croître, ne touche plus uniquement
les personnes soupçonnées de terrorisme mais aussi les nationalistes et les journalistes baloutches et
sindhi. »

Le sort et le lieu de détention de nombreux détenus demeurent inconnus. Trois femmes et cinq enfants
ont été arrêtés en même temps qu’un ressortissant tanzanien soupçonné de terrorisme, Ahmed Khalfan
Ghailani, qui a été arrêté au Pendjab en juillet 2004. Selon certaines informations, un bébé et un garçon
saoudien âgé de treize ans s’appelant Talha se trouvaient parmi ces personnes. On ne sait toujours pas,
plus de deux ans plus tard, ce que sont devenus Thala, les autres enfants et les femmes. Ahmed
Ghailani faisait partie des 14 personnes détenues au secret par la CIA qui ont été transférées à
Guantánamo Bay en septembre 2006.
« Arrêtés comme d’autres jeunes gens dans le cadre de la poursuite de la "guerre contre le terrorisme"
au Pakistan, ces enfants, pour ne rien dire des adultes, n’ont même pas bénéficié de la présomption
d’innocence ni de la possibilité de remettre en question la légalité de leur détention,
a déclaré Angelika
Pathak. Au lieu de cela, ils ont passé des mois et des années en prison, sans être jugés. »
La classe politique, la société civile et les médias pakistanais doivent prendre position et demander des
comptes au gouvernement afin qu’il soit mis fin à cette pratique et que le sort réservé à toutes les
victimes ainsi que le lieu où elles se trouvent soient tirés au clair.
La Commission non gouvernementale des droits humains du Pakistan a constaté une nouvelle tolérance
des atteintes aux droits humains, suggérant qu’elle pouvait être attribuée à « l’impact de la "guerre contre
le terrorisme" sur l’opinion publique ».
Les personnes soupçonnées de terrorisme qui sont détenues au secret au Pakistan sont particulièrement
susceptibles d’être torturées. Des personnes ont été pendues par les pieds, frappées et privées de
sommeil et de nourriture. Des agents d’autres pays, et en particulier des États-Unis, semblent avoir eu
connaissance des interrogatoires de personnes détenues arbitrairement et au secret, ou y avoir assisté.
« Le gouvernement pakistanais doit tenir un registre central des détenus et publier régulièrement des
listes de tous les lieux de détention afin qu’à l’avenir nul ne puisse être secrètement emprisonné et
risquer d’être torturé ou victime des autres violence qu’une détention secrète induit,
a déclaré Angelika
Pathak. Il faut que les gouvernements des autres pays, y compris des États-Unis, enquêtent sur toutes
les allégations d’actes de torture dont leurs agents pourraient avoir été complices. »

Les familles ont peu d’endroits vers lesquels se tourner lorsqu’elles recherchent ceux qui ont été enlevés.
La police refuse d’enquêter à ce sujet ou d’enregistrer les plaintes que les proches voudraient déposer.
Ceux qui remettent en cause les détentions auprès des hautes cours des provinces sont confrontés au
fait que les forces de sécurité refusent de transmettre toute information sur les détenus ; souvent les
juges ne vont pas à l’encontre de ces refus.
Le Pakistanais Khalid Mehmood Rashid a été remis à des responsables pakistanais en Afrique du Sud le
6 novembre 2005 et envoyé en avion au Pakistan. On ne l’a pas revu depuis lors. Bien que la détention
de Khalid Mehmood Rashid par le gouvernement pakistanais soit reconnue officiellement, le ministère de
l’Intérieur n’a pas indiqué aux proches de cet homme qui le questionnaient où Khalid Mehmood Rashid
était détenu.
Le caractère clandestin de la « guerre contre le terrorisme » rend impossible une connaissance précise
du nombre de disparitions forcées, des autres détentions arbitraires et des homicides illégaux qui ont eu
lieu au Pakistan. Cependant, le porte-parole de l’armée pakistanaise, le général de division Shaukat
Sultan, a déclaré en juin 2006 que, depuis 2001, environ 500 « terroristes » avaient été tués et plus de
1 000 arrêtés.

Complément d’information

Le rapport Pakistan. Human rights ignored in the ’war on terror’ est disponible sur le site de l’organisation,
à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engasa330352006
Le texte d’un tract des États-Unis offrant des récompenses considérables pour la capture d’ennemis
présumés peut aussi être consulté sur le site d’Amnesty International, à l’adresse suivante :
http://www.amnesty.org/resources/pakistan/flyer.html
Pour plus d’informations sur la campagne que mène Amnesty International contre le recours à la torture
et à d’autres formes de mauvais traitements dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », rendezvous
sur la page suivante du site de l’organisation : http://web.amnesty.org/pages/stoptorture-index-fra

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