Pakistan. Le gouvernement doit protéger les habitants du district de Swat contre les violences

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le gouvernement pakistanais doit prendre immédiatement des mesures pour protéger des centaines de milliers de personnes contre les insurgés dans la vallée de la Swat et ailleurs dans le pays, a déclaré Amnesty International ce jeudi 12 février. Selon les estimations officielles, au cours de l’année qui vient de s’écouler les combats entre l’armée et les Talibans pakistanais ont fait plus de 1 200 victimes et provoqué le déplacement hors de la vallée d’entre 200 000 et 500 000 personnes.

« Les Talibans pakistanais ont montré le peu de respect qu’ils avaient pour la vie et les droits des habitants du district de Swat, tandis que les forces armées pakistanaises ont souvent violé les droits et peu respecté la sécurité de la population qu’elles sont censées protéger », a déclaré Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Depuis 2007, un groupe armé local affilié idéologiquement au mouvement des Talibans afghans a réussi à prendre le contrôle de près de 80 % de la vallée de la Swat qui, située à 160 kilomètres à peine d’Islamabad, était auparavant un haut-lieu touristique.

Les Talibans pakistanais ont commis de graves atteintes aux droits humains dans cette vallée ; ils ont tué un grand nombre d’employés du gouvernement et de personnes qu’ils soupçonnaient de ne pas respecter leurs préceptes. Ils ont fouetté en public des hommes qui avaient rasé leur barbe, détruit des magasins vendant de la musique et interdit par la force aux femmes de sortir de chez elles sans être accompagnées d’un homme de leur famille.

La plus grande place de Mingora, ville principale du district, est surnommée la « place sanglante » en référence à la vingtaine de corps au moins que les Talibans pakistanais y ont exposés à la vue de tous.

Le nombre d’insurgés talibans présents dans la vallée de la Swat est estimé à 3 000. Ces hommes mettent souvent la vie des civils en danger en venant chercher refuge dans les villages alors que leur présence est susceptible de provoquer une intervention de l’armée.

« Depuis cinq ans, la réponse du gouvernement à la montée des insurgés à Swat et dans les zones tribales a oscillé entre le lancement d’opérations militaires souvent aveugles et disproportionnées portant préjudice principalement aux civils, et l’abandon de la population locale aux mains des groupes d’insurgés", a expliqué Sam Zarifi.

Pas moins de 15 000 soldats ont été déployés dans la vallée pour débusquer les insurgés. Pour mener ses opérations, souvent non discriminantes, l’armée a utilisé des hélicoptères de combat et de l’artillerie lourde qui ont fait des victimes parmi les civils. Les dizaines de milliers de personnes ayant fui la région ont souvent dit craindre plus les opérations militaires gouvernementales que les talibans.

"Il faut que le gouvernement pakistanais adopte une stratégie centrée sur le respect des droits et du bien-être de ses citoyens et excluant les opérations militaires lourdes qui mettent en danger les civils. Le gouvernement ne doit pas non plus abandonner la population aux mains des talibans. »

Amnesty International a condamné la campagne des Talibans pakistanais contre la scolarisation, des filles en particulier. Au cours des derniers dix-huit mois, ils ont détruit plus de 170 écoles dans le district de Swat, dont plus d’une centaine d’écoles de filles. Les chiffres officiels montrent que ces attaques ont mis à mal l’éducation scolaire de plus de 50 000 élèves, de l’enseignement primaire et secondaire.

Amnesty International a exhorté le gouvernement à prendre des mesures pour que les enfants, filles ou garçons, puissent faire leur rentrée scolaire le 1er mars, y compris les élèves ayant dû fuir de chez eux. Si le gouvernement ne peut pas protéger les écoles dans cette région, il devrait faire le nécessaire pour que les enfants puissent recevoir un enseignement par d’autres moyens.

« En empêchant la scolarisation des enfants, les talibans mettent en péril les droits de toute une génération de Pakistanais, a déclaré Sam Zarifi. Le gouvernement pakistanais doit veiller à ce que les besoins élémentaires en matière d’alimentation, de soins et d’éducation des personnes qui fuient le conflit soient assurés ; il doit faire en sorte que les organisations humanitaires locales et internationales puissent leur venir en aide en toute sécurité. »

Complément d’information

En temps normal, un million et demi de personnes vivent dans le district de Swat, qui se distingue des zones tribales voisines proches de la frontière afghane. Depuis deux ans, le maulana Fazlullah, chef religieux radical, et ses sympathisants ont progressivement pris le contrôle de cette région, y imposant leur gouvernement de facto. Ce groupe a consolidé son pouvoir en mettant en place un système judiciaire parallèle doté de 70 « tribunaux » qui applique une « justice rapide », qui se traduit en réalité par des sanctions s’apparentant à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les Talibans pakistanais utilisent la bande FM dont ils disposent pour diffuser des listes de personnes – membres de la classe politique locale et employés du gouvernement – sommés de comparaître devant leurs tribunaux ; ils ont récemment menacé de tuer tous les avocats et les juges s’ils ne renonçaient pas à exercer leurs fonctions au sein du système judiciaire officiel. Trop effrayés pour rester en poste, plus de la moitié des 800 policiers de la vallée de la Swat se sont mis en congé ou ont abandonné leurs fonctions.

En mai 2007, un accord de paix entre le gouvernement et les insurgés du district de Swat, qui autorisait soi-disant le regroupement des militants, a été rompu. Depuis lors, le gouvernement n’a pas adopté de politique claire pour déterminer comment protéger les droits des habitants de cette vallée.

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