Pakistan. Le gouvernement doit assurer la sécurité de deux étudiants d’origine égyptienne

Amnesty International est profondément préoccupée par la sécurité de deux jeunes Pakistanais d’origine égyptienne qui, semble-t-il, ont été enlevés par les services de renseignement pakistanais le mois dernier.

Les deux frères, Abdullah Mohamed El Sharkawi (22 ans) et Ibrahim (17 ans) ont été portés disparus les 25 et 29 mai respectivement. La famille d’Ibrahim a découvert le 6 juin que le jeune homme avait été transféré à la prison d’Adyala, à Rawalpindi, ville située à proximité de la capitale Islamabad, par la police judiciaire fédérale.

On est sans nouvelles d’Abdullah depuis sa disparition, et le jeune homme n’a été inculpé d’aucune infraction. Amnesty International craint qu’il n’ait été victime d’une disparition forcée et qu’il ne soit détenu dans un lieu secret, où il court tout particulièrement le risque d’être torturé ou de subir d’autres formes de mauvais traitements. L’organisation craint également que sa vie ne soit en danger.

Il faut que les autorités pakistanaises ouvrent une enquête sur la disparition forcée présumée d’Abdullah et révèlent sans délai ce qu’il est advenu de lui et où il se trouve, dans le cas où il serait retenu par un organe de l’État. Abdullah doit être relâché immédiatement s’il est maintenu en détention, ou inculpé d’une infraction dûment reconnue par la loi et placé en détention par un tribunal indépendant. Il doit être incarcéré dans un lieu de détention officiel et reconnu, autorisé à entrer en contact avec sa famille, ses avocats et une juridiction civile indépendante, et protégé contre la torture ou d’autres mauvais traitements.

La disparition forcée constitue un crime au regard du droit international et une grave violation de plusieurs droits humains. Cette pratique enfreint également plusieurs dispositions de la Constitution pakistanaise.

Selon leurs proches, Abdullah et Ibrahim ne sont affiliés à aucun mouvement politique. Abdullah, qui suit des études d’ingénieur dans la capitale pakistanaise, a été porté disparu après avoir quitté l’auberge de jeunesse où il réside pour aller faire des courses dans le quartier, le 25 mai vers 18 heures.

Le 27 mai, alors qu’elle participait à une conférence de presse sur la disparition d’Abdullah, sa mère a déclaré avoir reçu un appel d’Ibrahim, qui lui a dit que des hommes affirmant appartenir à la « section spéciale de la police » étaient en train de l’interroger ainsi que ses plus jeunes frères et sœurs, au domicile familial à Attock, ville située à 90 kilomètres au nord-ouest d’Islamabad.

Ibrahim a disparu à Attock deux jours plus tard, après avoir quitté la maison dans la matinée pour faire quelques courses. Un commerçant, qui a affirmé avoir été témoin de la scène, a dit que le jeune homme avait été contraint de suivre sept individus habillés en civil, qui l’avaient frappé et emmené en voiture. Il a ajouté qu’il avait vu les véhicules des agresseurs stationnés devant le domicile familial la nuit précédente.

Selon un défenseur des droits humains s’exprimant au nom de la famille, l’administration pénitentiaire d’Adyala a déclaré que la police judiciaire fédérale l’avait inculpé de séjour illégal au Pakistan et de rébellion lors de son arrestation. Lorsque la mère d’Ibrahim lui a rendu visite en prison le 6 juin, il lui a dit qu’il avait été battu et menotté pendant quelques jours, et qu’il était incarcéré dans une cellule avec des détenus adultes.

Ibrahim Mohamed El Sharkawi est un mineur âgé de 17 ans : le gouvernement pakistanais est tenu juridiquement de le traiter conformément aux règles énoncées dans la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, à laquelle le pays est partie. Il doit être autorisé à entrer en contact avec sa famille, ses avocats et une juridiction civile indépendante, et protégé contre la torture ou d’autres mauvais traitements durant sa détention. En vertu de la Convention, l’incarcération d’un enfant doit n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible. Par ailleurs, ses parents doivent être informés de son arrestation et du lieu où il est retenu. L’enfant privé de liberté doit enfin être séparé des détenus adultes. Amnesty International craint vivement que les autorités pakistanaises, au lieu de respecter les dispositions de la Convention, n’aient maintenu Ibrahim en détention secrète pendant neuf jours, sans révéler le sort qui lui avait été réservé ni le lieu où il se trouvait, ce qui s’apparente à une disparition forcée.

Qui plus est, l’article 10 de l’Ordonnance relative à la justice pour mineurs, promulguée au Pakistan en 2000, réglemente l’arrestation et la détention de mineurs, et reconnaît notamment l’obligation d’informer le tuteur d’un mineur interpellé dès que possible après son arrestation.

Les charges retenues contre Ibrahim semblent a priori dénuées de fondement pour plusieurs raisons. Le père comme la mère du jeune homme sont pakistanais et, comme il est né au Pakistan, il a le droit de prétendre à la nationalité pakistanaise conformément au droit interne. En outre, les personnes âgées de moins de 18 ans ne peuvent avoir leur propre carte d’identité au Pakistan.

Malgré cela, la famille rencontre depuis plusieurs années des difficultés pour obtenir des cartes d’identité pakistanaises, car le père était jusqu’à récemment maintenu en détention administrative en Égypte et n’était pas autorisé à se rendre au Pakistan pour signer les documents nécessaires. La haute cour de Peshawar a statué en faveur de la famille en janvier 2010, ordonnant aux autorités concernées de lui remettre des cartes d’identité et des passeports pakistanais. Celles-ci ne lui ont cependant pas remis ces papiers, ce qui expose la famille à des atteintes aux droits humains.

Le père des deux frères, Mohamed Abdel Rehim El Sharkawi, et leur frère aîné, Abdel Rahman, ont tous les deux subi des actes de torture au Pakistan avant d’être « restitués » à l’Égypte, respectivement en 1995 et 2006, où ils ont de nouveau été torturés. Abdel Rahman avait été arrêté en 2004 par les services de renseignement pakistanais, qui l’ont maintenu en détention pendant 14 mois avant sa « restitution » à l’Égypte.

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