Pakistan. Le nombre d’atrocités commises au Baloutchistan continue d’augmenter


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

23 février 2011

Le gouvernement pakistanais doit immédiatement rendre des comptes pour le nombre alarmant d’homicides et d’enlèvements signalés au Baloutchistan au cours des derniers mois et attribués aux forces gouvernementales, a déclaré Amnesty International mercredi 23 février.

Face à la multiplication des attaques contre des agents de l’État et des non-Baloutches résidant dans la province, l’organisation a également appelé les groupes armés baloutches à éviter de lancer des attaques qui prennent pour cible des civils ou les mettent en danger.

Une liste dressée par Amnesty International montre que, au cours des quatre derniers mois, au moins 90 militants, enseignants, journalistes et avocats baloutches ont disparu ou ont été assassinés, le plus souvent dans le cadre d’opérations consistant à se débarrasser du corps de la victime. Leurs corps criblés de balles, et présentant dans la plupart des cas des traces de torture, ont été retrouvés dans toute la province du Baloutchistan.


« Depuis octobre, le nombre de cas de disparitions et d’homicides illégaux signalés chaque mois n’a cessé d’augmenter, a indiqué Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Ces atrocités sont commises en toute impunité. Il faut absolument mener des enquêtes crédibles débouchant sur des poursuites afin d’instaurer la confiance entre les Baloutches et le gouvernement pakistanais. »

Les proches des victimes et des groupes baloutches attribuent ces opérations meurtrières aux forces de sécurité pakistanaises, et tout particulièrement aux membres du Corps de frontière et des services de renseignement. Bon nombre des victimes ont été enlevées en présence de nombreux témoins par des membres du Corps de frontière en uniforme qui étaient souvent accompagnés d’hommes en civil.

Les forces de sécurité nient toute responsabilité en affirmant que les victimes ont trouvé la mort en raison de rivalités entre des groupes de militants baloutches.

« La crise des droits humains au Baloutchistan est largement passée sous silence, même au Pakistan, pourtant des milliers de personnes vivent non seulement dans le dénuement extrême, mais elles subissent aussi la discrimination, l’insécurité et des atteintes massives à leurs droits fondamentaux, a ajouté Sam Zarifi. Les violations des droits humains attribuées aux services de sécurité ont créé un climat de peur pour les familles des disparus. Elles sont trop terrifiées pour parler car elles craignent que les membres des forces de sécurité tuent leurs proches ou enlèvent d’autres membres de leur famille à titre de représailles ».

Des groupes armés baloutches sont également responsables de l’augmentation des homicides ciblés de civils non baloutches et d’agents de l’État, y compris des enseignants qui travaillent dans des établissements publics. Plusieurs centaines d’enseignants ont fui le Baloutchistan à la suite de ces homicides, ce qui a amené le système éducatif au point de rupture.

Des groupes armés baloutches ont revendiqué une série d’attentats à l’explosif visant les infrastructures gazières et qui ont provoqué une pénurie extrême de carburant pour la cuisine et le chauffage dans toute la province pendant la période la plus froide de l’année. Les homicides ciblés motivés par l’intolérance religieuse se sont également multipliés ; la communauté chiite hazara du Baloutchistan affirme que plusieurs centaines de ses membres ont été tués par les talibans et par des extrémistes sunnites depuis 2004.

« Les groupes armés baloutches doivent également éviter de mettre les civils en danger, a fait observer Sam Zarifi. Le fait que les civils, les enseignants et les agents de l’État sont pris pour cible par des groupes baloutches a contraint beaucoup d’entre eux à quitter la province, ce qui aggrave la situation des Baloutches qui étaient déjà défavorisés. »

En novembre 2009, le gouvernement pakistanais a tenté de répondre aux revendications formulées de longue date par les Baloutches à propos de la privation de leurs droits économiques et politiques et des atteintes aux droits humains dont ils sont victimes, en annonçant un ensemble de lois appelées Aghaz-e Huqooq-e-Balochistan (le début des droits du Baloutchistan). Toutefois, selon un article paru récemment dans le quotidien Dawn, seul un quart des mesures envisagées ont été mises en application à ce jour.

Amnesty International appelle le gouvernement pakistanais à prendre les mesures suivantes :

• diligenter des enquêtes sur tous les cas d’atteintes aux droits humains qui sont signalés, y compris les « disparitions » recensées par la commission judiciaire d’enquête sur les disparus ;

• déférer à la justice les responsables d’atteintes aux droits humains, qu’ils appartiennent aux forces de sécurité ou à des groupes armés non étatiques, et

• veiller à ce que toutes les personnes traduites en justice bénéficient d’un procès équitable et ne soient pas soumises à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements pendant leur détention.

« Les pays alliés du Pakistan doivent veiller à ce que l’aide militaire ne serve pas à commettre des atteintes aux droits humains au Baloutchistan, a ajouté Sam Zarifi. Amnesty International appelle les États-Unis et la Chine, en leur qualité d’alliés les plus importants du Pakistan, à faire en sorte que le soutien qu’ils apportent aux forces de sécurité au Baloutchistan ne contribue pas à aider les auteurs d’atteintes aux droits humains. »

Complément d’information

L’histoire du Baloutchistan est marquée par des troubles civils et une insurrection armée depuis la création du Pakistan en 1947, des groupes locaux réclamant une plus grande autonomie au sein de l’État, voire une séparation complète.

Cette province détient les ressources naturelles les plus importantes du pays qui, selon les groupes baloutches, bénéficient de manière disproportionnée à d’autres provinces et groupes ethniques.

Les Baloutches demeurent l’un des groupes les plus pauvres du Pakistan, avec un taux d’alphabétisation et d’emploi et une espérance de vie parmi les plus bas du pays.

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