PAKISTAN : Les conseils tribaux doivent cesser de s’arroger le droit de rendre la justice

Index AI : ASA 33/018/02

« Les autorités pakistanaises doivent prendre les mesures qui s’imposent pour que les conseils tribaux cessent de s’arroger des prérogatives que la loi ne leur reconnaît pas », a déclaré ce jour (vendredi 5 juillet 2002) Amnesty International, dans une lettre adressée au président de la Cour suprême du Pakistan, lui demandant de veiller à ce que justice soit rendue à une jeune femme condamnée à être violée par un conseil tribal.

Une jeune femme de dix-huit ans originaire de Meerwala, dans la province du Pendjab, a été condamnée à être violée à titre de « châtiment », en raison de la « liaison illicite » présumée de son frère âgé de douze ans avec une jeune fille qui appartenait à une tribu considérée comme « supérieure », celle des Mastoi. Selon des informations non confirmées, on aurait en outre sodomisé le jeune garçon pour le punir de son « infraction », immédiatement après qu’il eut été découvert en train de marcher en compagnie de la jeune fille mastoi.

D’après les informations recueillies, des membres de la tribu des Mastoi et le conseil tribal ont déclaré que toutes les femmes de la famille du jeune garçon accusé seraient enlevées et violées si le jugement du conseil n’était pas accepté, et si sa sœur de dix-huit ans refusait d’accepter son « châtiment ». Le « procès » a eu lieu en présence de plusieurs centaines de membres de la population locale, et aucun d’eux n’a pris la moindre initiative pour empêcher ce viol.

« Étant donné le nombre d’habitants qui ont participé à ces événements, on peut légitimement présumer que la police locale était au courant de ce qui se passait au moment des faits, si elle n’y a pas directement assisté », a fait observer Amnesty International.

Après le « jugement », le viol collectif infligé à la jeune femme a été commis par quatre hommes, dont un membre du conseil tribal, dans une cabane voisine, tandis que des membres de la tribu mastoi les encourageaient à l’extérieur par des cris. Après avoir été violée, la jeune femme a été exhibée nue dans les rues de son village devant des centaines de personnes. Ses proches avaient trop peur d’être victimes de représailles de la part de la tribu mastoi pour s’adresser à la police.

La police locale n’a finalement accepté d’enregistrer la plainte du père de cette jeune femme que sept jours après les faits, lorsqu’une délégation d’avocats a rencontré des responsables de la police locale et insisté en ce sens. Étant donné que les auteurs du crime avaient pris la fuite, les forces de l’ordre ont arrêté huit de leurs proches en vue de les contraindre à se livrer. Le 2 juillet 2002, la police a appréhendé huit personnes, dont des membres du conseil tribal ayant pris part au « procès », qui sont accusées de complicité de viol.

Amnesty International a salué l’intérêt manifesté par la Cour suprême pour cette affaire, et évoqué dans sa lettre deux autres affaires mises en lumière dans des rapports précédents de l’organisation, en demandant aux autorités de prendre de toute urgence des mesures pour traduire en justice les auteurs présumés de ces atteintes aux droits humains. Amnesty International a exhorté de manière répétée le gouvernement à agir en ce sens, mais elle n’a reçu à ce jour aucune réponse officielle.

« Alors que les conseils tribaux ne reposent sur aucun fondement juridique, les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour empêcher ces instances de s’arroger le droit de rendre la justice », a déclaré Amnesty International, dont les membres mènent campagne en faveur des droits des femmes dans le monde entier.

Complément d’information
Les conseils tribaux sont des institutions qui trouvent leur origine dans des mécanismes traditionnels de règlement des conflits par médiation, et n’entrent pas dans le cadre du système judiciaire. Ils ne reposent sur aucun fondement juridique mais n’en continuent pas moins à rendre, en tant que conseils d’anciens, des jugements non officiels, visant à résoudre des litiges locaux par des compromis. Les attributions de ces conseils tribaux ne sont pas fixées de manière uniforme, et il n’existe aucune loi régissant leur fonctionnement.

Amnesty International est préoccupée par les informations selon lesquelles des conseils tribaux ont illégalement jugé et condamné des personnes à des peines cruelles, inhumaines et dégradantes.

Pour en savoir plus, veuillez consulter les documents intitulés :
– Pakistan. Les femmes ne sont pas suffisamment protégées (index AI : ASA 33/006/02), consultable en anglais à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/ai.nsf/recent/asa330062002 ;
– Pakistan. Augmentation des violences à l’encontre des femmes, qui sont toujours privées de protection (index AI : ASA 33/008/02), consultable en anglais à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/ai.nsf/recent/asa330082002.

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