« La dernière modification votée par l’Assemblée nationale sur la Loi relative à la prévention de la cybercriminalité, qui était déjà draconienne, va renforcer l’emprise des autorités sur le paysage numérique étroitement contrôlé du Pakistan si elle est adoptée par les deux chambres du Parlement, a déclaré Babu Ram Pant, directeur régional adjoint chargé des campagnes pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
« Cette modification prévoit des poursuites contre toute personne diffusant des “informations fausses et mensongères” et une peine maximale de trois ans d’emprisonnement assortis d’une amende. La formulation vague et ambigüe de certains éléments de cette nouvelle infraction, qui s’ajoute à l’utilisation de longue date de la Loi relative à la prévention de la cybercriminalité pour museler toute dissidence, laisse craindre qu’elle ne paralyse le peu qu’il reste de liberté d’expression en ligne dans le pays.
« Présentée sans aucune consultation ni aucun débat, cette modification étend en outre les pouvoirs dont disposait déjà l’Autorité pakistanaise des télécommunications par le biais de la nouvelle Autorité de régulation et de protection des réseaux sociaux. Ces dispositions permettent aux autorités de bloquer et de supprimer des contenus sur la base de critères vagues, ce qui porte atteinte au droit à la liberté d’expression et ne respecte pas les critères de proportionnalité et de nécessité prévus par le droit international relatif aux droits humains.
« Ces évolutions sont en phase avec le déploiement de technologies de surveillance numérique intrusives et avec des textes tels que le projet de loi pour une nation numérique, qui n’intègrent aucune garantie en matière de droits humains. Amnesty International appelle les autorités à retirer immédiatement la nouvelle version de la Loi relative à la prévention de la cybercriminalité et à engager un processus consultatif en bonne et due forme avec la société civile pour mettre cette loi en conformité avec le droit international relatif aux droits humains. »
Complément d’information
Le projet de modification a été présenté et adopté à l’Assemblée nationale le 23 janvier 2025, puis soumis le lendemain au Comité permanent du Sénat en réponse aux vives réactions de l’opposition, des médias et de la société civile.
La Loi relative à la prévention de la cybercriminalité de 2016 a fait l’objet de nombreuses critiques de la part d’organisations et de militant·e·s défendant les droits humains en raison de son impact potentiellement néfaste sur le droit à la liberté d’expression et l’accès à l’information dans le pays. Les neuf années écoulées depuis son adoption ont confirmé ces craintes car des journalistes [1], des défenseur·e·s des droits humains et des membres de l’opposition politique ont été pris pour cible en vertu de cette loi. Récemment, les autorités ont imposé à de multiples reprises une interdiction générale des plateformes de réseaux sociaux et bloqué l’accès à X (anciennement Twitter) depuis février 2024.