Plus de trois mois après avoir reçu le projet de loi, qui est déjà en instance depuis plus de deux ans et demi, la Commission sénatoriale de l’Intérieur a émis le weekend dernier des commentaires sur les modifications proposées, qui permettraient que des disparitions forcées puissent continuer en toute légalité, dans certaines circonstances définies par les autorités. Ces modifications permettraient aussi d’engager des poursuites pénales contre toute personne dont il est considéré qu’elle a fait de « fausses déclarations », ce qui serait passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende d’un montant de 100 000 roupies pakistanaises.
« Les disparitions forcées ternissent depuis longtemps le bilan du Pakistan en matière de droits humains »
Les disparitions forcées - dans lesquelles des représentants de l’État, et parfois des agents non étatiques, nient détenir une personne ou refusent de fournir des informations sur ce qui lui est arrivé ou sur l’endroit où elle se trouve - sont régulièrement employées par les services de renseignement du Pakistan depuis le début de la soi-disant « Guerre contre le terrorisme » en 2001, afin de s’en prendre à des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques, des étudiant·e·s et des journalistes. Des centaines de victimes manquent toujours à l’appel.
« Ces modifications tournent en dérision l’idée selon laquelle ce projet de loi rendrait les disparitions forcées illégales. Elles présentent diverses failles qui permettrait aux autorités de perpétuer cette pratique selon leur bon vouloir, tandis que la possibilité de poursuivre les personnes accusées d’avoir fait de "fausses déclarations" dissuaderait fortement les victimes et leurs proches de signaler un cas », a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice adjointe pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
La Commission sénatoriale n’a par ailleurs pas pris en considération les commentaires émanant de la société civile, des groupes de victimes et des organisations de défense des droits humains. De même, la proposition de réforme ne définit pas clairement sa mission et ne précise pas auprès de quelle structure juridique les familles de victimes pourront porter plainte, comment les réparations seront déterminées, ni si la réforme aura un effet rétroactif et si oui, lequel. Cela, associé à l’absence de consultations auprès de ces groupes préalablement à la présentation du projet de loi, constitue donc une démarche décevante dans le cadre du processus législatif.
« Nous exhortons le Parlement à rejeter ces amendements et à mettre fin à cette pratique honteuse une fois pour toutes, en adoptant une loi qui soit conforme au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière »
« Les disparitions forcées ternissent depuis longtemps le bilan du Pakistan en matière de droits humains. Nous exhortons le Parlement à rejeter ces amendements et à mettre fin à cette pratique honteuse une fois pour toutes, en adoptant une loi qui soit conforme au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière », a déclaré Dinushika Dissanayake.
Amnesty International déplore en particulier le fait que ces modifications érigeraient uniquement en infraction les disparitions forcées commises « illégalement et sans autorisation légitime », expression apparaissant plusieurs fois dans le projet d’amendement. Ces termes, qui enfreignent le droit international, laissent entendre que la disparition forcée peut être considérée comme légale dans certaines circonstances données, définies par les autorités.
Les modifications ne permettent par ailleurs pas de remédier à certaines failles fondamentales présentes dans le projet de loi, et qu’Amnesty International a soulignées à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée.