Le 25 juillet 2018, lors des élections législatives qui se tiendront dans tout le pays, les Pakistanais éliront leur prochain gouvernement civil. Amnesty International est préoccupée par la vague persistante d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et d’attaques contre le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
« Des libertés essentielles sont attaquées sans relâche au Pakistan, les autorités menant une répression contre les dissidents autant dans la rue que sur les chaînes d’information de la télévision, dans les colonnes des journaux et sur les réseaux sociaux », a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice adjointe pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
Arrestation de protestataires, de journalistes et de défenseurs des droits humains
Amnesty International demande la libération immédiate et sans condition de 37 militants actuellement incarcérés dans la prison d’Adiala, surpeuplée et violente, à Rawalpindi, en raison de leur participation aux manifestations pacifiques du Pashtun Tahaffuz Movement (PTM), qui appelaient à la fin des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des autres violations des droits humains.
Les 37 militants, parmi lesquels figurent plusieurs étudiants qui doivent prochainement passer leurs examens, ont été inculpés de « sédition » au titre de lois datant de l’ère coloniale qui ne sont pas conformes aux normes internationales, et leurs demandes de libération sous caution ont été rejetées. Cette affaire a été soumise à un tribunal antiterroriste.
« Le fait de manifester pacifiquement est un droit protégé par le droit international relatif aux droits humains et par la Constitution pakistanaise. L’inculpation de sédition n’a pas sa place dans une société moderne et respectueuse des droits, et des étudiants pacifiques ne doivent en aucun cas être jugés par un tribunal antiterroriste. Les 37 militants doivent être libérés immédiatement et sans condition, car ils sont détenus uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression », a déclaré Dinushika Dissanayake.
Amnesty International est également très préoccupée par la détention arbitraire pendant plusieurs heures de Gul Bukhari, à Lahore, à la suite de son arrestation dans la matinée du 6 juin 2018.
Gul Bukhari, journaliste et militante pakistano-britannique, qui a critiqué l’armée pakistanaise et soutenu le mouvement du PTM pour les droits constitutionnels, se rendait dans les locaux d’une chaîne d’information de la télévision quand, selon des témoins, la voiture dans laquelle elle se trouvait a été soudainement encerclée par de nombreux véhicules. Gul Bukhari est rentrée chez elle au bout de plusieurs heures.
La liberté d’expression attaquée
L’arrestation de Gul Bukhari a eu lieu le lendemain du jour où le porte-parole en chef de l’armée s’est plaint, lors d’une conférence de presse, du fait que des utilisateurs des réseaux sociaux critiquaient « l’État ». Cette conférence de presse – durant laquelle le porte-parole en chef de l’armée a pointé du doigt plusieurs comptes de blogueurs, de journalistes, de militants et de défenseurs des droits humains – a incité à craindre que les Pakistanais ne soient désormais pris pour cible uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.
Le 7 juin 2018, s’exprimant lors d’une réunion du All Pakistan Newspaper Society à Islamabad, Hameed Haroon, PDG de la prestigieuse société de médias Dawn, a mis en garde contre le fait que le Pakistan est « confronté à une très dangereuse attaque contre le droit à la liberté d’expression ».
La diffusion du journal Dawn a été fortement perturbée dans le pays et cette publication fait l’objet d’intenses pressions en raison de sa politique éditoriale indépendante. Les marchands de journaux ont été dissuadés de commander ce journal, et des vendeurs de rue ont été harcelés et soumis à des intimidations parce qu’ils le vendaient.
Des pressions similaires ont été exercées contre le groupe de médias Jang. Ces dernières semaines, plusieurs journalistes qui écrivent régulièrement pour The News, le journal publié en anglais du groupe Jang, ont déclaré que ce dernier ne pouvait plus publier leurs articles par crainte de représailles de la part des autorités.
« Le Pakistan s’enorgueillissait à une époque de sa presse dynamique et indépendante. Ce n’est malheureusement plus le cas. Les gens ne peuvent plus parler ou écrire librement », a déclaré Dinushika Dissanayake.