Communiqué de presse

La Palestine doit adhérer maintenant à la Cour pénale internationale

Il y a un an, l’Assemblée générale des Nations unies a voté en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien. Les dirigeants palestiniens n’ont pris aucune initiative diplomatique durant l’année qui a suivi. Ils n’ont signé aucun des traités de protection des droits humains des Nations unies ni les Conventions de Genève ou le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Ils devraient le faire sans plus tarder.

Plus de 16 500 militants d’Amnesty International dans le monde entier ont signé des pétitions et envoyé des lettres au président palestinien, Mahmoud Abbas, pour le persuader que l’adhésion à la CPI démontrera qu’aucune partie ne pourra plus commettre en toute impunité des crimes de droit international contre des civils sur le territoire palestinien. Lors de rencontres avec des représentants de l’Autorité palestinienne au cours de l’année, les délégués du mouvement ont appris que cet engagement avait été différé, tandis que des efforts étaient déployés pour les négociations diplomatiques avec Israël. Pourtant un règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien restera un vœu pieux si la fin de l’impunité et des atteintes aux droits humains n’est pas au cœur de la diplomatie. La CPI et d’autres mécanismes de la justice internationale, dont la compétence universelle, sont des moyens potentiels importants pour obliger toutes les parties à rendre des comptes pour les victimes de crimes de droit international.

L’attente d’une solution diplomatique est insupportable pour les personnes qui ont perdu des êtres chers dans les conflits passés, tout particulièrement lorsque les perspectives de justice, ou même d’enquêtes crédibles, semblent lointaines.

Jamal al Dalu
a déclaré à Amnesty International le 23 novembre 2012 : « Pourquoi ? Est-ce que ma femme, mes enfants, mes petits-enfants et ma sœur paralysée étaient des terroristes ? Est-ce qu’ils ont causé du tort à Israël ? Je veux que justice soit rendue ; je ne veux rien d’autre, seulement la justice ».

Une puissante bombe aérienne a été larguée sans avertissement le 18 novembre 2012, pendant l’opération israélienne Pilier de défense sur la maison à trois étages de la famille al Dalu, située dans la ville de Gaza. Les 10 membres de la famille élargie qui s’y trouvaient à ce moment-là, dont cinq enfants et quatre femmes, ont été tués, ainsi que deux voisins : Sara, sept ans, Jamal, cinq ans, Yousef, quatre ans, Ibrahim, neuf mois, et leurs parents Samah Abd al Hmeid al Dalu, 25 ans, et Muhammed Jamal al Dalu, 29 ans ; Ranin Jamal al Dalu, 25 ans, Yara Jamal al Dalu, 16 ans, et leur mère Tahani Hassan al Dalu, 52 ans ; Suheila Mahmoud al Dalu, 75 ans, ainsi qu’Abdullah et Amina al Muzannar. Amnesty International estime que cette attaque doit faire l’objet d’une enquête indépendante en tant que crime de guerre présumé. L’avocat général militaire israélien a décidé de ne pas ouvrir une information judiciaire sur la mort des membres de la famille al Dalu et de leurs voisins et de ne pas prononcer de sanctions disciplinaires contre des soldats ou des officiers impliqués. Jamal al Dalu attend toujours la justice, la vérité et les réparations auxquelles il a droit.

Il n’est pas le seul dans ce cas. De très nombreuses plaintes ont été adressées à l’avocat général militaire israélien à la suite de l’opération Pilier de défense, notamment à propos de multiples cas d’attaques israéliennes contre la bande de Gaza qui pourraient être des crimes de guerre. À la connaissance d’Amnesty International, aucune information judiciaire n’a été ouverte à ce jour. Dans tous les territoires palestiniens occupés, des personnes dont des proches ont été tués par les forces israéliennes à la suite d’actes constituant des violations du droit international s’accrochent encore à l’espoir que justice leur sera rendue, tout en sachant que la justice militaire israélienne et les systèmes d’enquête sont en leur défaveur. Les enquêtes militaires israéliennes ne débouchant jamais sur l’obligation de rendre des comptes, l’Autorité palestinienne et d’autres acteurs doivent veiller à activer des mécanismes de justice internationale.

L’adhésion au Statut de Rome signifierait qu’à l’avenir la CPI pourrait mener des enquêtes et engager des poursuites pour de tels crimes lorsque les autorités nationales ne sont pas en mesure de le faire ou ne veulent pas.
Accompagner cette initiative d’une nouvelle déclaration affirmant que l’Autorité palestinienne accepte la compétence de la CPI pour les crimes commis depuis le 1er juillet 2002 – date d’entrée en vigueur du Statut de Rome – démontrerait que les dirigeants palestiniens n’ont pas abandonné les victimes et leur quête de responsabilisation pour les crimes relevant du droit international commis par le passé, et permettrait à la CPI de prendre éventuellement des mesures dans certains cas. Il est grand temps que le président Mahmoud Abbas prenne son stylo pour signer le Statut de Rome et faire une telle déclaration, ainsi que pour signer d’autres traités internationaux relatifs aux droits humains et les Conventions de Genève.

Complément d’information

Amnesty International exhorte régulièrement tous les États à adhérer au Statut de Rome de la CPI depuis qu’il a été adopté en juillet 1998. Cent vingt-deux pays l’ont fait à ce jour, le dernier étant la Côte d’Ivoire qui a adhéré cette année. L’organisation continue de demander aux États qui n’ont pas signé, ratifié ni adhéré au Statut de Rome, y compris Israël, de le faire sans plus tarder.

En janvier 2009, à la suite de l’opération Plomb durci, le conflit de 22 jours à Gaza et dans le sud d’Israël, l’Autorité palestinienne avait déposé une déclaration à la CPI aux termes de l’article 12(3) du Statut de Rome, dans laquelle elle reconnaissait la compétence de la CPI pour les crimes relevant du droit international commis « sur le territoire palestinien depuis le 1er juillet 2002 » dans l’intention de permettre au Bureau du Procureur de mener une enquête préliminaire sur les crimes commis durant cette opération. Le 3 avril 2012, le Bureau du Procureur a conclu qu’il n’était pas en mesure de mener une enquête débouchant sur des poursuites pour ces crimes à moins que les organes compétents des Nations unies (tout particulièrement le secrétaire général et l’Assemblée générale) ou l’Assemblée des États parties à la CPI ne décident que la Palestine était considérée comme un État aux fins d’adhésion au Statut de Rome.

Amnesty International pense que l’Assemblée générale des Nations unies a répondu à cette question dans sa résolution 67/19 intitulée « Statut de la Palestine à l’ONU » et qui lui accordait le statut d’État observateur non membre, adoptée à une majorité écrasante le 29 novembre 2012. Dans un rapport publié au début de la semaine, le Bureau du Procureur de la CPI a reconnu que « le statut de la Palestine à l’Assemblée générale de l’ONU concernait directement la question de la compétence de la Cour », tout en concluant que la CPI n’avait aucun fondement juridique pour ouvrir un nouvel examen préliminaire « à ce stade ».

Amnesty International a appelé à maintes reprises l’Assemblée générale des Nations unies à transmettre le rapport de la mission d’établissement des faits sur le conflit à Gaza au Conseil de sécurité en lui recommandant de soumettre la situation au Procureur de la CPI afin qu’il enquête sur les crimes de droit international commis par les deux parties.

Pour en savoir plus :

 Un an après le conflit meurtrier Israël/Gaza, le cauchemar continue, 14 novembre 2013 ;

  Blind to violations, deaf to obligations : Israel’s human rights record, Amnesty International Updated Submission to the UN Universal Periodic Review, September 2013 , 1er octobre 2013 (voir document ci-dessous) ;

 Raid israélien dans un camp de réfugiés de Cisjordanie : les responsables des homicides doivent rendre des comptes, 27 août 2013 ;

 Les enquêtes militaires d’Israël sur les violations commises pendant le conflit à Gaza renforcent l’impunité, 17 avril 2013 ;

 Le rehaussement du statut de la Palestine à l’ONU doit ouvrir la voie à la justice, 30 novembre 2012 ;

  Réponse d’Amnesty International à la déclaration du bureau du procureur de la CPI selon laquelle il ne peut enquêter sur les crimes commis durant le conflit de Gaza, 4 avril 2012 (voir document ci-dessous) ;

  Israël et territoires palestiniens occupés. Évaluation mise à jour d’Amnesty International relative aux enquêtes menées par les autorités israéliennes et palestiniennes sur le conflit à Gaza , 18 mars 2011 (voir document ci-dessous) ;

  Amnesty International’s assessment of Israeli and Palestinian investigations into the Gaza conflict , 27 septembre 2010 (voir document ci dessous).

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