Palestine, les autorités n’ont pas rendu justice pour l’homicide de Nizar Banat

Palestine - Nizar Banat

Un an après la mort de Nizar Banat, militant palestinien décédé peu après avoir été arrêté et violemment agressé par les forces de sécurité palestiniennes en juin 2021, la justice n’a toujours pas été rendue.

L’organisation appelle les autorités palestiniennes à faire le nécessaire pour que les responsables de la mort de Nizar Banat soient amenés à rendre des comptes devant la justice civile car les procédures devant des tribunaux militaires manquent fondamentalement d’indépendance.

Nizar Banat était un militant de premier plan qui dénonçait haut et fort la corruption des autorités palestiniennes en Cisjordanie. Le 24 juin 2021, une unité conjointe composée de forces des services de sécurité préventive et des services des renseignements généraux palestiniens a fait irruption dans la maison où il se trouvait ; il a été frappé à coups de matraque et emmené à bord d’un véhicule militaire. Il est mort environ une heure plus tard pendant son transfert à l’hôpital. Les autorités palestiniennes ont inculpé 14 agents pour sa mort mais n’ont pas interrogé leur hiérarchie ni mené d’investigations sur aucun officier. L’enquête et le procès se sont tenus dans le cadre de la justice militaire, en violation des normes relatives aux droits humains.

« Le procès militaire entaché d’irrégularité de 14 membres subalternes des forces de sécurité ne rendra pas justice. Il faut qu’un procès se tienne devant une juridiction civile conformément aux normes internationales ; on ne peut se contenter de cet écran de fumée destiné à protéger la hiérarchie. Il est indispensable que les personnes qui ont donné l’ordre d’arrêter Nizar Banat sans motif légal et qui ont supervisé l’assaut aient aussi à rendre des comptes », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« En vertu du droit international relatif aux droits humains, les affaires de violations des droits humains doivent être jugées devant des tribunaux civils, même si des militaires sont impliqués. L’Autorité palestinienne doit immédiatement transférer ce dossier à la justice civile afin que les procédures soient indépendantes des personnes impliquées dans le crime. »

Le procès s’est ouvert en septembre 2021 devant le tribunal militaire de Ramallah. Le 1er novembre 2021, la famille de Nizar Banat et son avocat, Ghandi Al Rabi, ont quitté l’audience après que l’avocat de la défense des 14 prévenus eut accusé Hussein Banat, membre de la famille de Nizar Banat, d’être un faux témoin. L’avocat de la famille a demandé au tribunal de prendre note de cette déclaration calomnieuse et a ajouté cette objection comme nouvelle preuve du manque d’impartialité du tribunal militaire à l’égard des forces de sécurité.
Ghandi Al Rabi a déclaré à Amnesty International que les entraves à la justice avaient été nombreuses dans cette affaire, citant des reports constants, le dénigrement des témoins et, plus récemment, la remise en liberté provisoire des personnes jugées pour la mort de Nizar Banat.

Les 14 agents n’ont pas été suspendus de leurs fonctions au sein des forces de sécurité préventive palestiniennes. Ils ont été incarcérés à la prison militaire de Jéricho en juillet 2021, mais le 21 juin 2022 le procureur général militaire a autorisé leur remise en liberté jusqu’au 2 juillet 2022. Cette libération provisoire a été demandée au titre de « vacances » et garantie par leurs collègues des services de sécurité préventive.

« Cette procédure judiciaire ressemble à une mascarade, dans laquelle l’organisation qui emploie les suspects est aussi celle qui garantit leur coopération lors du procès. C’est précisément pour cela qu’un tribunal militaire ne pourra jamais faire éclater la vérité », a déclaré Heba Morayef.

Le 18 mai 2022, Ghandi Al Rabi et la famille de Nizar Banat se sont définitivement retirés des audiences, affirmant qu’ils avaient perdu toute confiance dans la procédure. Il se préparent à saisir la justice civile.
Ghandi Al Rabi a déclaré à Amnesty International : « Nous nous battons pour faire traduire en justice non seulement ceux qui ont commis les actes horribles de torture et d’homicide sur la personne de Nizar, mais aussi ceux qui les ont ordonnés, facilités et autorisés. Aujourd’hui, nous avons fait 10 pas en arrière puisque les accusés sont en “vacances” ! »

Ammar Banat, cousin de Nizar Banat, était l’une des personnes présentes lors de l’arrestation en juin 2021. Il a raconté à Amnesty International qu’un groupe d’agents des forces de sécurité avait fait exploser la porte d’entrée et fait irruption dans la maison. Ces agents n’ont présenté aucun mandat et se sont immédiatement rendus dans la pièce où dormait Nizar Banat. Selon Ammar Banat, ils se sont mis à frapper Nizar à coups de matraque, y compris sur la tête, et lui ont pulvérisé du gaz poivre dans la figure. Ils l’ont ensuite déshabillé, ne lui laissant que ses sous-vêtements, et l’ont traîné dans un véhicule qui attendait, sans informer sa famille du lieu où ils l’emmenaient.

Complément d’information

L’enquête des forces de sécurité sur la mort de Nizar Banat, qui s’est achevée le 6 septembre, a blanchi les commandants régionaux de toute responsabilité dans l’ordre d’arrestation sans mandat et la culture de la violence excessive.

Les autorités palestiniennes continuent de réprimer la liberté d’expression et de réunion dans le cadre d’une campagne de plus en plus intense visant à écraser la dissidence. Les forces de sécurité ont réagi avec une force excessive aux manifestations déclenchées par la mort de Nizar Banat. Le 3 juillet 2021, plusieurs centaines de Palestinien·ne·s se sont rassemblés à Ramallah, ville palestinienne située dans le centre de la Cisjordanie, pour manifester pacifiquement contre le président Mahmoud Abbas. Les forces de sécurité ont arrêté des dizaines de protestataires, dont Ghassan al Saadi, détracteur virulent des autorités palestiniennes, alors qu’il rentrait chez lui après la manifestation. Pendant son arrestation, il a été frappé à coups de poing, de pied et de matraque.

La torture et les autres mauvais traitements restent monnaie courante dans les prisons gérées par les autorités palestiniennes. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2022, la Commission indépendante des droits humains, organisme palestinien de défense des droits fondamentaux, a reçu 55 plaintes de torture et d’autres mauvais traitements visant les autorités de Cisjordanie, et 60 visant les autorités de Gaza.

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