Dans un nouveau rapport intitulé, Until when ? The forgotten men on Manus Island, RCOA et Amnesty International dressent un tableau bien sombre de la situation des réfugiés, traumatisés, durement touchés par le retrait des services de santé et d’accompagnement récemment décidé par l’Australie, et dont la sécurité demeure menacée.
« La crise sanitaire et sécuritaire qui s’aggrave sur l’île de Manus témoigne de l’échec du système de traitement des réfugiés hors des frontières australiennes. Trois personnes se sont déjà suicidées, conduites au désespoir par des années passées dans une prison à ciel ouvert, et au cours des deux derniers mois, au moins cinq autres ont tenté de mettre fin à leurs jours ; un homme a notamment avalé des lames de rasoir et un coupe-ongles, a déclaré Claire Mallinson, directrice nationale d’Amnesty International Australie.
« Le gouvernement australien transfère les enfants réfugiés placés en détention délocalisée à Nauru, mais le calvaire des hommes sur l’île de Manus demeure tout aussi vif. Nous demandons aux dirigeants de l’APEC de trouver des solutions durables à cette crise, notamment en renforçant les pressions sur l’Australie pour qu’elle mette fin au traitement hors de ses frontières et accélère l’installation dans des pays tiers. »
Des mois d’attente
Au cours de l’année écoulée, le gouvernement australien a diminué par deux le nombre de professionnels de la santé mentale traitant les réfugiés et les demandeurs d’asile qu’il envoie en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il a également mis fin aux services de prise en charge des victimes de torture et de traumatisme, malgré le nombre important et bien connu de troubles mentaux et d’actes d’automutilation parmi cette population.
Comme le souligne le nouveau rapport, il est extrêmement difficile pour les réfugiés d’accéder à des soins en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il n’y a qu’une petite clinique pour s’occuper des quelque 700 réfugiés et demandeurs d’asile encore présents sur l’île de Manus, ainsi que l’hôpital local qui manque gravement de personnel, n’a pas d’interprètes et bien souvent pas d’ambulance disponible.
« Pour les hommes, sur l’île de Manus, accéder à des soins adaptés n’a jamais été aussi difficile. Seul un petit nombre d’entre eux sont transférés vers l’Australie, et ceux qui se trouvent en Papouasie-Nouvelle-Guinée doivent de plus en plus payer pour des soins et se débrouiller au sein du système de santé sans interprètes, a déclaré Joyce Chia, directrice de la Politique au Conseil des réfugiés d’Australie.
« En juillet, un coroner a déclaré que le décès d’Hamid Khazaei, mort d’une infection après s’être coupé le pied sur l’île de Manus, était le résultat d’un enchaînement de retards et d’erreurs. Nous ne voulons pas assister à une autre mort évitable. »
S’ils ne peuvent pas être soignés sur l’île de Manus, ils sont transférés à Port Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où les traitements spécialisés ne sont bien souvent pas disponibles. Pour la plupart, le meilleur espoir de guérir est d’être envoyé en Australie pour bénéficier de soins ; pourtant, l’an dernier, les transferts médicalisés vers l’Australie ont été quasi inexistants, avec seulement neuf transferts au cours des 18 derniers mois.
En octobre 2018, RCOA et Amnesty International ont recensé 70 cas de personnes souffrant de graves problèmes de santé, notamment des hernies, des problèmes d’estomac et gastriques, des troubles de la vue et de graves troubles mentaux. Elles avaient été transférées à Port Moresby pour y recevoir des soins. Beaucoup s’y trouvaient depuis plus de six mois sans que leur état ne connaisse de véritable amélioration.
Fait inquiétant, selon des articles parus dans les médias, tous les hommes à Port Moresby sont renvoyés sur l’île de Manus avant le sommet de l’APEC, certains semble-t-il avant même d’avoir terminé leurs traitements, afin de libérer des lits d’hôpitaux pour les délégués et les employés du sommet.
Peur d’être agressés
Par ailleurs, les réfugiés et les demandeurs d’asile ne sont guère protégés contre les menaces de violence et beaucoup craignent de quitter leur logement ou de se déplacer seuls. Au cours de l’année écoulée, un réfugié a été poignardé à maintes reprises avec un tournevis lors d’un cambriolage, deux hommes en état d’ivresse ont proféré des menaces de mort contre les résidents de l’un des « centres de transit » et un homme a été agressé deux fois, la première à coups de machette et la seconde au visage au cours d’un cambriolage. Il est rare qu’une enquête soit menée sur ces faits.
Amnesty International et RCOA demandent au gouvernement australien, architecte de ce système de détention abusif à l’extérieur des frontières, de veiller à ce que les personnes souffrant de graves problèmes de santé physique et mentale et celles dont la sécurité ne peut pas être garantie soient installées en Australie ou dans un pays tiers.
Au cours de l’année écoulée, un réfugié a été poignardé à maintes reprises avec un tournevis lors d’un cambriolage, deux hommes en état d’ivresse ont proféré des menaces de mort contre les résidents de l’un des « centres de transit » et un homme a été agressé deux fois, la première à coups de machette et la seconde au visage au cours d’un cambriolage.
« Il faut remanier totalement la réponse qu’apporte la région, y compris l’Australie, aux personnes en mouvement, a déclaré Claire Mallinson.
« Ouvrir des itinéraires sûrs et légaux pour les déplacements, s’engager à accueillir un plus grand nombre de réfugiés, traiter rapidement les demandes d’asile pour réduire le risque que les demandeurs ne se lancent dans de dangereuses traversées en bateau – les mesures ne manquent pas que les leaders de l’APEC peuvent prendre pour mettre un terme à l’enfer sur l’île de Manus et empêcher de telles souffrances à l’avenir. »
Joyce Chia a conclu : « Le gouvernement australien veut nous faire oublier les hommes présents sur l’île de Manus. Il fait tout ce qui est en son pouvoir pour taire la vérité, mais ces hommes courageux continuent de s’exprimer. Ils sont toujours sous la responsabilité de l’Australie, et leur situation reste une honte pour ce grand pays. »