Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les expulsions forcées et la destruction de biens par la police à Porgera doivent cesser

Déclaration publique

Amnesty International lance un appel en faveur d’une action immédiate pour protéger plus d’un millier de personnes, laissées sans abri en Papouasie-Nouvelle-Guinée après avoir été expulsées de chez elles par la force par des fonctionnaires de police qui ont incendié leurs maisons.

Le 27 avril 2009, des fonctionnaires de police ont incendié 50 maisons dans la région de Porgera, où se trouve une mine exploitée par la compagnie Barrick Gold Corporation basée au Canada, qui en est propriétaire. Plus de 200 policiers ont été envoyés sur zone dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre dans le district de Porgera, dans la province d’Enga. Selon la police, les personnes qui se trouvaient là étaient des squatters se livrant à des activités d’extraction illégales et à d’autres activités criminelles. Trois cent autres maisons de villageois proches de la mine auraient également été incendiées au cours de la même opération.

Selon les informations reçues par Amnesty International, ces expulsions ont été menées en violation du droit international, sans notification préalable suffisante et sans consultation des personnes concernées. Aucun hébergement de remplacement n’a été proposé aux familles.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée a obligation, au titre des engagements internationaux en matière de droits humains, de ne recourir aux expulsions forcées qu’en dernier ressort et d’envisager toutes les alternatives possibles aux expulsions afin d’éviter ou de minimiser le recours à la force. Les expulsions forcées sont reconnues comme une violation flagrante des droits humains et ne devraient jamais être utilisées comme mesure punitive.

En outre, la société exploitant la mine ainsi que les gouvernements doivent se conformer aux Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme, principes internationalement reconnus, qui fournissent aux sociétés et aux gouvernements des directives claires sur l’usage de la sécurité. Barrick Gold Corporation, la société qui exploite la mine, ainsi que le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée doivent agir dans le respect de ces normes et veiller à la protection des droits fondamentaux des personnes.

D’autres destructions de maisons sont à craindre, le ministre de la sécurité intérieure Sani Rambi ayant, semble-t-il, demandé que soit prolongée la mission de déploiement des policiers dans la province sur une plus longue période.

Amnesty International demande instamment :

  à la Gendarmerie royale de Papouasie-Nouvelle-Guinée de mettre immédiatement un terme aux expulsions forcées dans la Vallée de Porgera et à l’incendie de maisons ;
  au gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée de mener une enquête approfondie et indépendante sur ces expulsions forcées et sur la manière dont elles ont été menées, et de poursuivre en justice les auteurs présumés des violences. Les autorités doivent également veiller à ce que toutes les victimes d’expulsions forcées obtiennent des réparations appropriées, notamment sous forme de relogement dans des conditions satisfaisantes et d’indemnisation financière ;
  au gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée de veiller à ce que toutes les personnes victimes d’expulsions forcées reçoivent une aide d’urgence, notamment un hébergement, de la nourriture, de l’eau et l’accès à des soins médicaux ;
  au gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée et à la société Barrick Gold Corporation de donner la priorité aux besoins des villageois dans la zone minière et de veiller à leur relogement et au versement d’indemnités suffisantes selon une procédure équitable et transparente ;
  au gouvernement canadien, qui s’est récemment engagé à respecter les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme, d’insister auprès de Barrick Gold Corporation pour que l’entreprise applique ces Principes et l’aider à les mettre en pratique ;
  à Barrick Gold Corporation d’appliquer les Principes établis dans le texte sur les Principes volontaires relatifs à la sécurité et aux droits de l’homme.

Complément d’information
Par expulsion forcée, on entend une expulsion menée sans préavis adéquat, sans consultation des personnes concernées, sans garanties juridiques et sans mesures de relogement dans des conditions satisfaisantes. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels définit l’expulsion forcée comme « l’éviction permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans qu’une protection juridique ou autre appropriée ait été assurée, de personnes, de familles ou de communautés de leurs foyers ou des terres qu’elles occupent. » En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et à d’autres traités internationaux relatifs aux droits humains interdisant les expulsions forcées et les atteintes aux droits humains qui y sont liées, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Papouasie-Nouvelle-Guinée a l’obligation de mettre fin aux expulsions forcées et de protéger la population de ce type d’atteintes.

Barrick Gold Corporation et Porgera
Barrick Gold Corporation est une société canadienne d’exploitation minière, le plus gros producteur d’or dans le monde avec 27 mines exploitées. À travers sa filiale, Barrick Gold Corporation exploite la mine d’or de Porgera en Papouasie-Nouvelle-Guinée ; elle possède 95% de la mine qui a produit en 2008 627 000 onces d’or (prix de l’or : environ 871dollars US [639 euros] l’once en 2008). Barrick Gold Corporation a pris le contrôle de la mine de Porgera en 2006 grâce à l’acquisition de l’opérateur précédent Placer Dome.

De nombreux villages se trouvent dans la région de la mine qui couvre quelque 2350 hectares de terrain. L’Association des propriétaires terriens de Porgera, qui représente environ 10 000 résidents autochtones vivant dans la zone minière, a demandé que soit mise en place une procédure équitable de relogement des résidents.

De nombreux habitants cherchent de l’or dans les stériles, les déchets miniers ou dans la carrière à ciel ouvert de la mine. Ils affirment qu’ils cherchaient déjà de l’or dans les cours d’eau avant l’ouverture de la mine, que c’était alors légal et que cela représentait une part importante de leurs revenus, qu’ils continuent de chercher de l’or en raison de la pauvreté et du manque de terres cultivables. Les chercheurs d’or locaux sont considérés comme hors-la-loi par Barrick Gold Corporation, du fait qu’ils exercent leur activité dans l’enceinte de la concession minière spéciale accordée à l’entreprise. Cette tension est à la source du conflit sur le site de la mine. Depuis le début des opérations en 1990, la mine a été associée à plusieurs morts violentes. La mine est également très critiquée pour l’impact de certaines de ses activités sur l’environnement. Le 30 janvier 2009, les fonds de pension du gouvernement norvégien ont exclu Barrick Gold Corporation de leur portefeuille d’investissement en raison des « dommages graves causés à l’environnement en relation direct avec ses opérations. »

Les Principes volontaires sur la sécurité et les droits humains
Les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de Norvège, les entreprises des secteurs de l’énergie et des industries extractives (« les entreprises »)et des organisations non gouvernementales (« ONG »), tous sensibles aux droits humains et à la responsabilité sociale des entreprises, ont élaboré ces Principes visant à guider les entreprises afin qu’elles assurent la sécurité et la sûreté de leurs opérations tout en respectant les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

Depuis mars 2009, le gouvernement canadien s’est engagé à promouvoir la mise en œuvre de ces Principes dans le cadre de la stratégie du gouvernement pour les sociétés extractives canadiennes opérant hors du Canada.

Les Principes établissent que :
  les entreprises doivent user de leur influence pour promouvoir les principes suivants auprès de la sécurité publique : b) l’usage de la force doit être limité en cas de stricte nécessité à un degré proportionnel à la menace ; et c) les droits des personnes ne doivent pas être violés
  lorsque la sécurité publique recourt à la force physique, les autorités compétentes et l’entreprise doivent en être informées. Lorsque la force est employée, une aide médicale doit être fournie aux blessés, y compris les contrevenants.

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