Les pays appliquant encore la peine de mort doivent respecter le droit à une assistance juridique

Peine de mort

Tous les pays dont la législation prévoit encore la peine de mort doivent respecter le droit à une assistance juridique efficace, dans l’attente de l’abolition totale du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, a déclaré Amnesty International à l’occasion de la 18e Journée mondiale contre la peine de mort.

Cette année, la Journée mondiale contre la peine de mort est consacrée au droit à une assistance juridique efficace et à cette occasion, Amnesty International se joint à l’ensemble des militants et militantes et des organisations qui luttent contre la peine de mort afin de dénoncer l’injustice que représente le refus d’accorder une assistance juridique efficace aux personnes encourant la peine de mort. Dans plusieurs pays, Amnesty International a constaté de nombreux cas de personnes qui se voient refuser une assistance juridique efficace alors qu’elles encourent la peine de mort. Ces personnes sont souvent condamnées et exécutées [1].

En 2019, Amnesty International a constaté que les restrictions touchant la possibilité de consulter un avocat restent un défaut majeur du système judiciaire malaisien [2] . Au titre de la Constitution de la Malaisie, les détenus doivent avoir la possibilité de consulter un avocat de leur choix et de bénéficier de ses services dès que possible après leur arrestation.

À ces fins, la Malaisie propose trois régimes d’aide juridictionnelle pour les affaires dans lesquelles les accusés sont passibles de la peine de mort. Cependant, malgré ces programmes, il est fréquent que les personnes arrêtées pour des infractions passibles de la peine de mort qui ne peuvent pas engager elles-mêmes un avocat ne reçoivent pas d’assistance juridique au moment de leur arrestation ou pendant leur détention provisoire, avant leur inculpation.
Parmi les autres préoccupations figurent les longs délais avant que les centres d’aide juridictionnelle, les membres des familles et les avocats des personnes arrêtées soient prévenus ; la qualité de la représentation, s’il y en a une ; et un accès insuffisant aux services d’interprétation, car si la loi malaisienne garantit une interprétation lors des audiences au tribunal pour les prévenus qui ne comprennent pas la langue dans laquelle les éléments de preuve sont présentés, ces services ne sont toutefois pas garantis en dehors de la salle d’audience.

Des recherches menées récemment par Amnesty International sur le Tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite ont révélé comment, bien que la législation saoudienne prévoie qu’une personne accusée puisse bénéficier de l’assistance d’un agent ou d’un avocat pour sa défense lors de l’enquête et du procès la concernant, de nombreux accusés jugés devant le Tribunal pénal spécial, y compris lorsqu’ils encourent la peine de mort, ne sont pas autorisés à consulter un avocat lors de leur arrestation puis tout au long de leurs interrogatoires en prison [3]. Dans le meilleur des cas, ces accusés ont eu la permission de rencontrer leurs avocats lors de la première audience de leur procès.

Même lorsque les personnes encourant la peine de mort se voient accorder une assistance juridique par l’État, celle-ci n’est généralement pas efficace. Une étude menée par Amnesty International auprès de prisonniers dans le quartier des condamnés à mort au Ghana illustre cette constatation [4]. Environ 75 % des prisonniers condamnés à mort interrogés par Amnesty International avaient disposé des services d’un avocat commis d’office au moment de leur procès dans le cadre du dispositif national d’aide juridictionnelle. Néanmoins, un grand nombre de ces prisonniers remettaient en question la qualité et l’efficacité de l’assistance juridique dont ils avaient bénéficié et soulignaient les longs délais d’attente avant d’obtenir cette assistance juridique.

Ils ont indiqué à Amnesty International que leurs avocats n’avaient pas assisté à toutes les audiences et beaucoup d’entre eux ont expliqué qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de s’entretenir avec leur avocat afin de préparer leur défense au cours du procès. Certains de ces prisonniers ont déclaré que les avocats qui leur avaient été attribués par le gouvernement avaient demandé une rémunération alors qu’en vertu de la législation ghanéenne, l’assistance juridique est gratuite, et qu’ils avaient eu l’impression que l’impossibilité dans laquelle ils étaient de s’acquitter de ces frais avait eu un effet négatif sur la qualité de l’assistance juridique qu’ils avaient reçue.

Les recherches menées sur le recours à la peine de mort ont établi de longue date que les personnes en situation de pauvreté ou disposant de moyens financiers moindres sont souvent dans l’incapacité d’exercer pleinement leur droit à une assistance juridique de qualité et efficace, à toutes les étapes des procédures judiciaires. Les accusés issus de milieux socio-économiques défavorisés n’avaient souvent pas accès à une assistance juridique de qualité ou ne pouvaient en bénéficier durablement, et qu’ils ne pouvaient pas bénéficier de l’appui déterminant d’experts médicaux et médico-légaux afin de préparer leur défense.

Par exemple, une enquête approfondie de l’université nationale de droit de Delhi en Inde menée parmi les condamnés à mort en Inde a révélé que le niveau élevé d’illettrisme parmi les prisonniers encourant la peine de mort ainsi que leur position au sein de groupes marginalisés ou complètement en marge de la société peuvent dans certains cas être des facteurs qui influencent leur compréhension et leur approche des institutions judiciaires et de leurs propres avocats. Cela a pour effet d’accentuer l’impuissance et la marginalisation de certains pans de la société, selon la classe, le genre, la caste, la religion et le niveau d’études [5].

Une assistance juridique efficace constitue une garantie essentielle contre la peine de mort et un moyen de protéger les droits humains des personnes encourant ce châtiment, particulièrement leur droit à un procès équitable et leur droit à la vie.

Le cas de Magai Matiop Ngong au Soudan du Sud illustre parfaitement l’importance d’une assistance juridique efficace dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort. En 2017, Magai a été reconnu coupable et condamné à la peine de mort par un tribunal alors qu’il était âgé de 15 ans. Cette condamnation a été prononcée en dépit des engagements du Soudan du Sud en vertu de la Constitution sud-soudanaise de transition de 2011 et de la Convention relative aux droits de l’enfant à laquelle le Soudan du Sud est partie, qui proscrivent le recours à la peine de mort contre les personnes mineures au moment des faits qui leur sont reprochés. Magai n’a disposé d’aucune assistance juridique lors de son procès. Par la suite, il a obtenu la possibilité de consulter un avocat qui a fait appel de la décision du tribunal et en juillet 2020, la Cour d’appel a annulé sa condamnation à la peine de mort et renvoyé l’affaire devant la Haute Cour pour qu’elle décide d’une peine appropriée.

En vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes s’y rapportant, le droit à une assistance juridique efficace s’applique à toutes les étapes de la procédure pénale, y compris l’enquête préliminaire, ainsi qu’avant et pendant le procès initial et les appels. Il peut également être indispensable pour permettre un véritable accès aux recours constitutionnels. Toute personne arrêtée ou détenue doit être informée de son droit de bénéficier d’une assistance juridique, soit en consultant l’avocat de son choix ou un avocat commis d’office [6]. Toute personne détenue ou accusée d’une infraction pénale a le droit de bénéficier d’une assistance juridique pendant sa détention. L’assistance d’un avocat peut prémunir contre la torture et d’autres mauvais traitements et jouer un rôle protecteur au cours des interrogatoires. En outre, le droit à une assistance juridique est également valable pour les procédures de recours en grâce et les personnes encourant la peine de mort qui souhaitent déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle doivent pouvoir en bénéficier [7].

Toute personne accusée d’une infraction passible de la peine de mort a le droit d’être représentée par l’avocat de son choix, même si cela implique le report d’une audience [8]. Si une personne accusée d’une infraction passible de la peine de mort ne bénéficie pas de l’assistance d’un avocat de son choix, l’intérêt de la justice exige qu’elle soit conseillée par un avocat commis d’office, si nécessaire sans frais [9]. L’État est tenu d’allouer les ressources suffisantes afin de fournir une assistance juridique compétente et efficace dans les affaires dont l’accusé encourt la peine de mort [10]. Les procédures concernant ces affaires ne devraient pouvoir se dérouler qu’à la condition que l’accusé bénéficie d’une assistance juridique compétente et efficace [11]. Dans les affaires dans lesquelles l’accusé encourt la peine de mort, l’État et le tribunal doivent particulièrement veiller à ce que les prestataires d’assistance juridique possèdent une formation, des compétences et une expérience en rapport avec la gravité des infractions traitées et soient efficaces [12] . Si les autorités ou le tribunal sont avertis d’un manque d’efficacité de l’assistance juridique ou si cette inefficacité est flagrante, le tribunal doit s’assurer que le prestataire s’acquitte de sa tâche ou soit remplacé [13].

Tous les pays dont la législation prévoit encore la peine de mort doivent respecter le droit à un procès équitable et les normes internationales les plus rigoureuses en matière d’équité des procès doivent être respectées dans les affaires pouvant donner lieu à une condamnation à la peine capitale. Lorsque cela n’a pas été le cas, la personne concernée doit pouvoir être à nouveau jugée dans le cadre d’une procédure conforme à ces normes et sans recours à la peine capitale.

La peine de mort poursuit son recul dans le monde. Plus des deux tiers des pays du monde – soit 142 pays – ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Les pays qui continuent d’appliquer la peine de mort sont minoritaires : ils doivent prendre des mesures en faveur de l’abolition de la peine de mort pour tous les crimes, et dans l’attente de l’abolition, instaurer un moratoire officiel sur les exécutions.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature du crime commis, les caractéristiques de son auteur et la méthode d’exécution utilisée par l’État. Elle la considère comme la forme la plus absolue de déni des droits humains : le meurtre prémédité d’un être humain, commis de sang-froid par l’État au nom de la justice. Elle viole le droit à la vie, proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit

AMNESTY INTERNATIONAL EN ACTION

À l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, Amnesty International et ses membres se mobilisent sur les cas suivants :

IRAN - BARZAN NASROLLAHZADEH

Barzan Nasrollahzadeh, un musulman sunnite issu de la minorité kurde d’Iran, a été appréhendé le 29 mai 2010 par des agents du ministère du Renseignement à Sanandaj, dans la province du Kurdistan alors qu’il était âgé de 17 ans. Il a été détenu durant plusieurs mois dans un centre de détention du ministère du Renseignement à Sanandaj où il a été privé de tout contact avec sa famille. Il a été interrogé en l’absence d’un avocat et on l’a forcé sous la torture et d’autres mauvais traitements à produire des déclarations dans lesquelles il s’incriminait. Il a déclaré avoir subi des actes de torture, y compris avoir été frappé, suspendu la tête en bas et soumis à des décharges électriques. Son procès a été entaché d’irrégularités flagrantes. Au cours d’interrogatoires, on l’a forcé à produire des « aveux » filmés dans lesquels il s’incriminait, qui ont été utilisés au tribunal en tant qu’éléments de preuve recevables. Il n’a pas eu le droit de s’entretenir avec un avocat pendant toute la durée de sa détention provisoire. Il a rencontré un avocat commis par le tribunal pour la première fois lors de son procès, le 21 août 2013, plus de trois ans après son arrestation. Il s’est donc vu privé de son droit de disposer du temps et des moyens nécessaires pour préparer sa défense. À l’issue d’un procès inéquitable, la 28e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran l’a reconnu coupable d’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh), en raison de « liens avec des groupes salafistes » et de sa « participation à des complots d’assassinats », dont notamment celui d’un haut dignitaire religieux sunnite lié au gouvernement survenu le 17 septembre 2009.

La condamnation à la peine de mort a été confirmée par la Cour suprême en août 2015. Selon les informations dont Amnesty International dispose, la Cour suprême n’a pas pris en considération le fait que Barzan Nasrollahzadeh était âgé de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis. La Cour suprême a rejeté toutes ses requêtes en révision judiciaire déposées par la suite.
Au moment de la rédaction de ce document, il était détenu à la prison de Rajai Shahr, à Karaj, dans la province d’Alborz. À la mi-septembre 2020, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles le centre d’application des peines était en train de traiter le dossier de Barzan Nasrollahzadeh, ce qui suscite des inquiétudes quant au risque que son exécution soit programmée sous peu.

En tant qu’État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Iran est tenu légalement de ne pas recourir à la peine de mort contre des personnes âgées de moins de 18 ans au moment du crime dont elles sont accusées. Néanmoins, l’Iran ne respecte pas cette obligation et continue d’avoir recours à la peine de mort contre des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés.
Amnesty International appelle l’Iran à :

  • renoncer immédiatement à exécuter Barzan Nasrollahzadeh, annuler sa déclaration de culpabilité et sa peine et le rejuger conformément aux principes de la justice pour mineurs, sans recours à la peine de mort, en veillant en particulier à ce qu’aucune déclaration obtenue au moyen d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements ou en l’absence d’un avocat ne soit acceptée à titre de preuve ;
  • mener une enquête indépendante, impartiale et transparente sur ses allégations d’actes de torture et autres mauvais traitements et traduire les responsables présumés en justice ;
  • instaurer immédiatement un moratoire officiel sur toutes les exécutions, en vue de l’abolition de la peine capitale pour toutes les infractions ;
  • mettre un terme immédiatement au recours à la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits ;
  • prendre des mesures afin de garantir des initiatives en matière législative pour modifier l’article 91 du Code pénal islamique de 2013, en vue d’abolir totalement le recours à la peine capitale pour les crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans, sans laisser aucun pouvoir d’appréciation aux tribunaux ni permettre aucune exception, conformément aux obligations qui incombent à l’Iran en vertu du droit international.
  • faire en sorte que toutes les personnes qui encourent la peine de mort en Iran puissent consulter un avocat indépendant de leur choix dès leur arrestation.

ARABIE SAOUDITE – SULIAMON OLUFEMI

En mai 2005, Suliamon Olufemi, un ressortissant nigérian, a été reconnu coupable du meurtre d’un policier et condamné à la peine capitale à l’issue d’un procès inique. Il croupit en prison en Arabie saoudite depuis 2002.
Suliamon Olufemi s’était installé en Arabie saoudite en septembre 2002. Le 28 septembre 2002, quelques jours après son arrivée dans le pays, il a accompagné des Nigérians avec qui il logeait dans une station de lavage de véhicules du quartier de Bab Sharif à Djeddah qui employait de nombreux ressortissants africains en tant que laveurs de voitures. Ce jour-là, un groupe d’hommes saoudiens armés, parmi lesquels un officier de police, a fait irruption et une dispute a éclaté entre les Saoudiens et les travailleurs étrangers, au cours de laquelle le policier a été blessé. Il est décédé par la suite.

Le lendemain, le 29 septembre 2002, les autorités saoudiennes ont procédé à une vague d’arrestations parmi la population étrangère. Suliamon Olufemi et 12 autres ressortissants nigérians figuraient parmi les personnes arrêtées dans leur logement. De nombreuses personnes étrangères arrêtées suite à cet indicent ont été jugées et condamnées à de courtes peines de prison et à des coups de fouet, avant d’être expulsées du pays. Suliamon Olufemi et les 12 autres Nigérians ont pour leur part été jugés ensemble pour l’incident et la mort du policier. Suliamon a déclaré qu’au cours de ses interrogatoires il avait été torturé dans le but de le forcer à signer des déclarations écrites en arabe qu’il ne pouvait ni lire ni comprendre. Il a déclaré que sous la contrainte, il avait apposé ses empreintes digitales - ce qui vaut pour une signature - sur un document écrit en arabe. Il a ensuite appris au tribunal qu’il avait « signé » une déclaration par laquelle il reconnaissait avoir frappé le policier à la tête avec un pistolet.

Lors de son procès, Suliamon n’a disposé d’aucune assistance juridique et n’a bénéficié d’aucune assistance consulaire ni de services de traduction et les « aveux » en arabe (une langue qui lui est inconnue) qui lui ont été extorqués sous la torture ont été utilisés. Tandis que Suliamon a été condamné à mort, les autres membres du groupe ont reçu des peines de 15 ans d’emprisonnement assorties de 1 000 coups de fouet. L’un des hommes est mort en prison et les 11 autres ont été libérés et renvoyés au Nigeria en 2017 après avoir purgé leurs peines. Suliamon a toujours clamé son innocence et ses co-accusés ont déclaré qu’il n’était pas impliqué dans l’incident qui a provoqué la mort du policier.

En avril 2007, la Commission saoudienne des droits humains, l’institution officielle chargée des questions liées aux droits humains, a informé par courrier Amnesty International que la peine de mort prononcée contre Suliamon Olufemi avait été confirmée par la Cour de cassation et par le Conseil judiciaire suprême, ce qui signifie que tous les recours ont été épuisés.

Selon la charia, en Arabie saoudite, lorsqu’un crime est puni en vertu du principe de qisas (« réparation »), comme dans l’affaire de Suliamon Olufemi, les proches de la victime ont le droit de décider si l’auteur de l’homicide doit être exécuté ou gracié, auquel cas la condamnation à mort est annulée, parfois en échange d’une indemnisation appelée diya (compensation ou « argent du sang »). La grâce accordée par les proches doit être certifiée par les tribunaux.

Toutefois, cela ne signifie pas automatiquement que la personne déclarée coupable échappera à l’exécution étant donné que les juges peuvent invoquer les hadd (infractions et châtiments prévus par la loi divine) et estimer que l’homicide commis a troublé l’ordre public, outre le fait d’avoir porté atteinte à la victime et à sa famille.

Actuellement, Suliamon Olufemi risque particulièrement d’être exécuté.

Amnesty International appelle l’Arabie saoudite à :

  • renoncer à exécuter Suliamon Olufemi ;
  • accorder la grâce à Suliamon Olufemi.

ARABIE SAOUDITE – SHEIKH SALMAN AL AWDA

Sheikh Salman al Awda est un dignitaire religieux qui a été jugé par le Tribunal pénal spécial lors d’une audience secrète en août 2018 au titre de 37 charges retenues contre lui. Il était notamment inculpé au titre de la loi de lutte contre le terrorisme entre autres pour avoir apporté un soutien financier à un forum regroupant des jeunes de l’ensemble des pays du Golfe. D’autres accusations concernaient son affiliation présumée aux Frères musulmans ou encore sa participation à une pétition appelant, entre autres, à la mise en place d’un conseil consultatif élu, à la séparation des pouvoirs exécutifs et judiciaires au sein du gouvernement, à la réforme du système judiciaire, à la création d’organisations de la société civile et à la liberté d’expression. Il a également été accusé d’avoir soutenu des appels à des réformes au niveau de l’État et à un changement de régime dans le monde arabe. Salman al Awda a été détenu au secret et à l’isolement pendant les cinq premiers mois de sa détention, sans possibilité de contacter sa famille ou de consulter un avocat en dehors d’un court appel téléphonique accordé un mois après son arrestation. Pendant la première session d’audiences de son procès, en août 2018, l’accusation a requis son exécution en se fondant sur les charges décrites ci-dessus.

Salman al Awda a été interpellé chez lui sans mandat le 7 septembre 2017, quelques heures après avoir posté un tweet en réaction à un article sur la possible réconciliation entre l’Arabie saoudite et le Qatar dans un contexte de crise diplomatique. Il a écrit : « Que Dieu mette leurs cœurs en harmonie pour le bien des peuples. » D’après sa famille, les autorités avaient demandé à Salman al Awda et à d’autres personnalités de poster des tweets en soutien au gouvernement saoudien durant la crise avec le Qatar, ce qu’il avait refusé de faire. En novembre 2017, des hommes habillés en civil et des hommes cagoulés appartenant très probablement à la Présidence de la sécurité de l’État ont perquisitionné le domicile de Salman al Awda sans mandat, emportant des appareils électroniques et des livres.

Salman al Awda appelait à des réformes politiques et démocratiques en Arabie saoudite et dans les autres États du monde arabe depuis le début des années 1990. Il plaidait en faveur d’un conseil consultatif, qui a par la suite été institutionnalisé et développé en Arabie saoudite. En 1994, il a été arrêté et détenu sans inculpation ni procès pendant cinq ans avant d’être libéré en 1999. Il a poursuivi ses appels au changement. En 2011, Salma al Awda a publié un livre dans lequel il appelait le monde arabe à s’attaquer aux causes profondes des soulèvements populaires. Avant son arrestation en 2017, Salman al Awda s’est vu interdire à de nombreuses reprises de voyager et de s’exprimer dans les médias, à l’oral comme à l’écrit. Amnesty International estime que les accusations portées à son encontre sont motivées par des considérations politiques et ont pour but de réduire au silence les voix indépendantes en Arabie saoudite.

Salman al Awda vit un véritable calvaire depuis son arrestation, notamment en étant soumis à une détention provisoire prolongée, à des mois de détention à l’isolement, à la détention au secret et à d’autres mauvais traitements. Son procès est toujours en cours et il encourt la peine de mort. Amnesty International considère Salman al Awda comme un prisonnier d’opinion.

Amnesty International appelle l’Arabie saoudite à :

  • abandonner les charges retenues contre Salman al Awda et garantir qu’il ne soit pas condamné à la peine de mort ;
  • libérer immédiatement et sans condition Salman al Awda.

Complément d’information

Depuis 2003, la Coalition mondiale contre la peine de mort appelle chaque année les ONG, les réseaux, les militants et les institutions abolitionnistes à se mobiliser le 10 octobre contre le recours à la peine de mort dans le monde. Le but de la Journée mondiale contre la peine de mort est de sensibiliser l’opinion publique au recours à la peine capitale, de renforcer l’action militante contre ce châtiment et de mener des actions dans le but ultime d’obtenir l’abolition de la peine de mort partout dans le monde. D’année en année, la Journée mondiale contre la peine de mort a pris de l’ampleur jusqu’à devenir une date de référence au niveau mondial pour la campagne contre la peine de mort.

Amnesty International, en tant que membre fondateur de la Coalition mondiale contre la peine de mort, participe chaque année à la Journée mondiale contre la peine de mort en appelant ses membres à agir partout dans le monde autour du 10 octobre. Amnesty International mène campagne faveur de l’abolition de la peine de mort dans le monde depuis 1977.

Notes

[1Amnesty International, Condamnations à mort et exécutions 2019 (Index : ACT 50/1847/2020) ; Amnesty International, Condamnations à mort et exécutions 2018 (Index : ACT 50/9870/2019) ; Condamnations à mort et exécutions 2017 (Index : ACT 50/7955/2018).

[2Amnesty International, Défaillances mortelles : Pourquoi la Malaisie doit abolir la peine de mort (Index : ACT 50/1078/2019)

[3Amnesty International, Arabie Saoudite. Réduire les voix critiques au silence : Des procès politisés devant le Tribunal pénal spécial en Arabie Saoudite (MDE 23/1633/2020)

[4Amnesty International, “Locked Up and Forgotten : The Need to Abolish the Death Penalty in Ghana” (ACT 50/6268/2017)

[5National Law University, “Death Penalty India Report,” Delhi Press, February 2016, vol. I

[6Principe 5 des Principes de base relatifs au rôle du barreau ; Principe 17(1) des Principes et lignes directrices, lignes directrices 3, paragraphe 43(a) et 2, paragraphe 42(c)-(d) des Principes et lignes directrices des Nations unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale ; ligne directrice 20(c) des Lignes directrices Robben Island ; Section M(2)(b) des Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique ; article 55(2)(c) du Statut de la CPI ; règle 98.1 des Règles pénitentiaires européennes (applicables aux personnes maintenues en détention provisoire) ; article 60 du Statut de la CPI ; article 42 du Règlement du TPI pour l’ex-Yougoslavie ; Observation générale du Comité contre la torture 2, paragraphe 13 ; recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe CM/Rec(2012)12, annexe paragraphe 21.1.

[7Ligne directrice 6, paragraphe 47(c) des Principes et lignes directrices des Nations unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale ; voir Section H(c) des Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique.

[8Voir Pinto c. Trinité-et-Tobago, HRC, Doc. ONU CCPR/C/39/D/232/1987 (1990), paragraphe 12.5 ; voir Avocats Sans Frontières (pour le compte de Gaëtan Bwampamye) c. Burundi, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Communication 231/99, 14ème rapport annuel (2000) paragraphes 5, 27-30 ; Amnesty International et autres c. Soudan (48/90, 50/91, 52/91 et 89/93), 13ème rapport annuel (1999) paragraphes 64-66 ; International Pen et autres (pour le compte de Ken Saro-Wiwa Jr).et Civil Liberties Organisation c. Nigeria (137/94, 139/94, 154/96 et 161/97), 12ème rapport annuel (1998) paragraphes 97-103.

[9Principe 3 des Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale ; Section H(a) et (c) des Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique.

[10Principe 3 des Principes de base relatifs au rôle du barreau ; Principe 2, paragraphe 15 et principe 13, paragraphe 37 des Principes sur l’accès à l’assistance juridique.

[11HRC, Robinson c. Jamaïque, Doc. ONU CCPR/C/35/D/223/1987 (1989) paragraphes10.2-10.3 ; HRC, Abdool Saleem Yasseen et Noel Thomas c. Guyana, Doc. ONU CCPR/C/62/D/676/1996 (1998) paragraphe 7.8.

[12Principe 13 des Principes sur l’accès à l’assistance juridique.

[13Voir HRC, Pinto c. Trinité et Tobago, Doc.ONU CCPR/C/39/D/232/1987 (1990) paragraphe 12.5 ; Kelly c. J Jamaïque, Doc ONU CCPR/C/41/D/253/1987 (1991), paragraphe 5.10 ; Chan c. Guyana, Doc. ONU CCPR/C/85/D/913/2000 (2005) paragraphes 6.2-6.3 ; Brown c. Jamaïque, Doc. ONU CCPR/C/65/D/775/1997 (1999) paragraphe 6.8 ; Burrell c. Jamaïque, Doc. ONU CCPR/C/57/D/546/1993 (1996) paragraphe 9.3.

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