Le jugement rendu par la Cour suprême des Pays-Bas selon lequel l’État est responsable de la mort de trois Musulmans lors du génocide de Srebrenica est l’aboutissement victorieux de nombreuses années de mobilisation pour établir les responsabilités des uns et des autres, a déclaré Amnesty International vendredi 6 septembre.
« C’est la première fois, près de 20 ans après le génocide de Srebrenica, qu’un gouvernement a été tenu de rendre des comptes pour la conduite de ses troupes de maintien de la paix sous mandat des Nations unies », a déclaré Jezerca Tigani, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
La Cour a statué que le 13 juillet 1995 des soldats néerlandais membres des forces de maintien de la paix de l’ONU a Srebrenica avaient fait sortir d’une « zone de sécurité » trois Musulmans bosniaques se retrouvant ainsi à la merci des forces serbes de Bosnie, qui ont tué environ 8 000 Musulmans bosniaques, dont le corps n’a souvent pas encore été retrouvé.
Rizo Mustafic, électricien, ainsi que le frère et le père de Hasan Nuhanovic, interprète auprès du bataillon néerlandais des forces de l’ONU (Dutchbat) à Srebrenica, sont morts parce que les soldats les ont fait sortir d’une « zone de sécurité » placé sous leur contrôle. La mère de Hasan Nuhanovic a également été tuée mais sa mort ne faisait pas l’objet de l’affaire en cours.
Les trois hommes ont été expulsés du camp des forces de maintien de la paix alors que les soldats néerlandais avaient assisté à de nombreuses scènes où les forces bosno-serbes avaient maltraité ou tué des hommes se trouvant en-dehors de la « zone de sécurité ».
La Cour suprême confirme ainsi le jugement prononcé en juillet 2011 par une cour d’appel locale de La Haye dans le cadre de poursuites engagées au civil par des proches des trois hommes tués.
« Cette décision est une victoire pour les familles de ceux qui ont été tués dans le cadre de cette affaire, mais elle est aussi symbolique pour les milliers d’autres victimes des pires crimes de droit international commis en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale », a déclaré Tigani.
L’État néerlandais a fait l’objet par le passé de plusieurs actions en justice relatives au génocide de Srebrenica, mais c’est la première fois qu’il est déclaré responsable au civil de la mort de victimes.
« La décision de la Cour suprême établit clairement que les États peuvent être tenus responsables de la conduite de leurs forces de maintien de la paix », a ajouté Tigani.
« Elle pose des jalons pour que le gouvernement néerlandais fournissent des réparations – y compris sous forme d’indemnités – aux familles qui ont engagé des poursuites, ainsi qu’aux autres familles des victimes du génocide de Srebrenica ».
Complément d’information
Les tentatives menées par le passé pour que des membres des forces de maintien de la paix soient tenus pénalement responsables de violations des droits humains ont échoué, y compris dans des affaires concernant des opérations menées par les forces de l’ONU en Bosnie et au Kosovo, et y compris devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a inculpé l’ancien dirigeant bosno-serbe Radovan Karadžic et le général bosno-serbe Ratko Mladic de génocide à Srebrenica et d’autres crimes relevant du droit international perpétrés durant le conflit armé de Bosnie de 1992-1995.
Amnesty International a fréquemment attiré l’attention sur le fait que plus de 10 000 cas de disparitions forcées n’avaient toujours pas été résolus depuis le conflit.