Communiqué de presse

Peine de mort en Chine : les autorités dictent aux tribunaux quelle décision prendre

Teng Biao  : « En Chine, les autorités dictent aux tribunaux quelle décision prendre dans les affaires importantes, y compris lorsque l’accusé encourt la peine de mort. »

Prendre position contre la peine de mort en Chine présente des risques, car cela peut être perçu comme une remise en cause de l’autorité de l’État.

En 2012, le géant d’Asie a procédé à lui seul à plus d’exécutions que tous les autres pays du globe réunis – même si l’on ne connaîtra sans doute jamais le nombre exact d’exécutions, car ce type de statistiques y est classé secret d’État.

Rares sont ceux qui expriment aussi vivement leur opposition à ce châtiment des plus cruels que Teng Biao, avocat et universitaire de Pékin âgé de 39 ans.

Il a consacré les 10 dernières années de sa vie à lutter pour les droits humains en Chine. En raison de ses appels en faveur de réformes politiques et juridiques, il a été arrêté, torturé et s’est vu retirer sa licence lui permettant d’exercer en tant qu’avocat.

Tous ces écueils n’ont en rien entamé sa détermination à poursuivre son combat.

Il y a quelques années, il a cofondé La Chine contre la peine de mort, un réseau d’avocats qui travaillent sur des affaires dans lesquelles l’accusé encourt la peine de mort, particulièrement en cas de torture, de maladie mentale ou d’erreur judiciaire.

Il a un jour écrit que les Chinois étaient trop sanguinaires pour renoncer à la peine de mort, méthode de vengeance favorisée par l’État.

« Le chemin à parcourir est encore long jusqu’à l’abolition de la peine de mort. J’ignore combien de temps cela prendra, mais nous ne devons pas baisser les bras », a-t-il déclaré lors d’une interview à Hong Kong, où il est professeur invité à l’Université chinoise de Hong Kong.

Des procès inéquitables
Dans son dernier rapport sur la peine de mort dans le monde, Amnesty International a mis en lumière le fait que des sentences capitales continuaient d’être prononcées en Chine à l’issue de procès inéquitables. Pour Teng Biao, c’est là le problème le plus urgent.

« La question la plus urgente est de réduire le nombre d’erreurs judiciaires. Notre justice n’est pas indépendante. Les juges sont influencés, voire contrôlés, par la police locale ou le Parti communiste.

« Bien souvent, la police torture un suspect et les juges acceptent ces preuves, tout en sachant qu’elles ont été obtenues de manière illégale. Un juge est censé exclure les éléments de preuve extorqués sous la torture, mais le tribunal n’étant pas indépendant, il prête attention à ce que lui disent la police et les responsables du Parti communiste. »

Des avancées limitées
Si la situation s’améliore lentement, on constate toutefois l’adoption de réformes limitées au cours des deux dernières années. Entre autres, le nombre de crimes passibles de la peine de mort a été réduit et la Cour populaire suprême, la plus haute instance de Chine, s’est vue conférer le pouvoir d’annuler les condamnations à mort. Cependant, Teng Biao reste sceptique quant au changement induit par ces réformes.

« Certes, on observe une amélioration dans les nouvelles lois, mais en réalité, la loi théorique ne correspond pas à la loi dans la pratique. Il est très rare qu’une décision prise par un tribunal de première instance soit infirmée en appel. Si une affaire est annulée, l’image des juges locaux en sera ternie ; aussi peu d’instances supérieures sont-elles prêtes à le faire."

« Ces changements se traduiront peut-être par une baisse du nombre d’exécutions ; cependant, il demeure très difficile de faire passer une véritable réforme judiciaire. »

La Chine contre la peine de mort prône la réforme de la justice en Chine, et défend également des personnes qui encourent la sentence capitale.

« Nous avons un groupe d’avocats qu’une famille peut contacter afin d’obtenir de l’aide. Parfois, c’est l’inverse, nous lisons des rapports et entrons en contact avec la famille. Nous nous impliquons dès l’arrestation d’une personne et la défendons lors du procès en première instance, et tout au long de la procédure. D’autres fois, nous faisons notre travail en parallèle et réexaminons la procédure. »

Des sanctions injustes
L’organisation La Chine contre la peine de mort a récemment demandé aux autorités chinoises de ne pas exécuter Li Yan, condamnée à mort pour le meurtre de son époux, malgré les preuves établissant qu’elle avait subi pendant longtemps des violences conjugales.

Les experts d’Amnesty International déplorent que les juges qui l’ont condamnée à mort n’aient pas véritablement tenu compte des éléments attestant que Li Yan avait subi des violences répétées.

Cette affaire a suscité de très nombreuses réactions d’indignation, en Chine comme à l’étranger. Des dizaines de milliers de personnes ont demandé l’annulation de son exécution.

« L’affaire concernant Li Yan est un cas d’urgence, car elle risque d’être exécutée à tout moment. Nous ferons tout notre possible pour l’aider."

« Cette affaire illustre très bien la nécessité d’abolir la peine de mort en Chine. Pourtant, la plupart des affaires que nous traitons sont différentes, car la plupart des accusés sont innocents.  »

Teng Biao répond avec sincérité lorsqu’on lui demande si la peine de mort sera abolie en Chine de son vivant.

« À mon avis, la question de l’abolition de la peine de mort est plus délicate que celle de l’émergence d’un système démocratique. Sans démocratie, il n’y a aucune chance que la Chine abolisse la peine capitale. Mais de nombreux défenseurs des droits humains sont optimistes au sujet de la démocratie. »

Cet optimisme est sans nul doute d’une grande aide pour militer dans le pays qui exécute le plus de condamnés au monde. Le courage et le dévouement de Teng Biao transparaissent lorsqu’il parle de son travail.

« Je ne peux pas baisser les bras. J’ai une responsabilité. Ce que je fais est juste. Je veux contribuer à une amélioration de la politique et à l’avènement d’une Chine meilleure. »

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