Communiqué de presse

Pérou. Cinq ans après, justice n’a toujours pas été rendue pour les victimes des violences de Bagua

Les autorités péruviennes doivent veiller à ce que toutes les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de la tragédie de Bagua soient traduites en justice, a déclaré Amnesty International jeudi 5 juin 2014, à l’occasion du cinquième anniversaire d’un épisode de violences qui a fait 33 morts.

En 2009, des manifestants et des policiers ont été tués lors d’affrontements entre les forces de l’ordre et des membres des populations indigènes qui protestaient contre une série de lois autorisant l’exploitation de ressources naturelles sur leurs terres ancestrales.

Vingt-trois policiers et 10 civils ont perdu la vie dans ces violences. Des centaines d’autres personnes ont été blessées. À ce jour, seuls des manifestants ont comparu devant un tribunal.

« Si les autorités péruviennes ont vraiment à cœur de traduire en justice les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de ces morts, il ne suffit pas de sanctionner les manifestants et de fermer les yeux sur d’éventuelles atteintes aux droits humains commises par la police », a déclaré Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.

Les violences ont éclaté le 5 juin 2009, quand les forces de l’ordre ont tenté de disperser un barrage installé sur une portion de route connue sous le nom de Curva del Diablo (« virage du diable »), près de Bagua, dans la région d’Amazonas.

Douze policiers, cinq habitants des localités environnantes et cinq membres de communautés indigènes ont été tués dans les affrontements qui ont suivi. Un autre policier est présumé mort car on ignore où il se trouve.

Deux cents autres personnes ont été blessées, dont 80 par balles.

Le lendemain, 11 autres policiers ont été tués alors qu’ils étaient retenus en otage par des manifestants indigènes dans une station de pompage de la compagnie Petroperú près d’Imacita, dans la province de Bagua.

Le procès de 53 personnes, appartenant pour la plupart aux communautés awajún et wampís, jugées pour leur responsabilité présumée dans des actes de violence et la mort de 12 policiers le premier jour des affrontements, a débuté le 14 mai dernier.

Plusieurs procédures judiciaires ont été ouvertes après les faits. Trois de ces procédures, qui concernaient des manifestants, ont été menées à bien mais, jusqu’ici, peu de progrès ont été réalisés pour ce qui est de déterminer les responsabilités des forces de l’ordre. De la même manière, aucune enquête n’a été menée sur les responsables politiques qui ont donné l’ordre de lancer l’opération de police.

Les manifestants qui comparaissent actuellement devant la justice encourent des peines allant de six ans de prison à la réclusion à perpétuité. Toutefois, des avocats spécialistes des droits humains ont indiqué qu’il n’existe aucune preuve solide reliant les prévenus aux crimes pour lesquels ils sont poursuivis.

« Amnesty International va suivre de près le déroulement de ce procès. Les responsables des événements tragiques qui se sont déroulés à Bagua doivent être traduits en justice, mais l’ensemble de la procédure doit être équitable. Si l’accusation ne peut pas présenter de preuve solide et admissible contre les prévenus, alors ces derniers doivent être libérés, sinon il n’y aura pas de justice », a déclaré Guadalupe Marengo.

« Les autorités doivent tirer des leçons de Bagua. Tant que le gouvernement ne remplira pas son devoir en matière de respect des droits des populations indigènes, le risque de voir se répéter ces événements perdurera. »

Amnesty International appelle le gouvernement à protéger le droit des populations indigènes à disposer de leurs terres ancestrales et d’un moyen de subsistance, ainsi que leur droit à décider librement et de manière éclairée d’accorder ou non leur consentement préalable sur toutes les questions ayant des conséquences pour elles.


Complément d’information

Le 5 juin 2009, la police est intervenue pour disperser un barrage routier organisé par les Awajúns et les Wampís, deux groupes indigènes, sur une portion de l’autoroute Belaúnde Terry connue sous le nom de Curva del Diablo (« virage du diable »), dans la région d’Amazonas.

Pendant plus de 50 jours, des milliers d’indigènes ont bloqué la route de manière pacifique pour protester contre une série de décrets-lois portant sur l’utilisation de terres et de ressources naturelles et qui, selon ces populations, menaçaient leur droit à disposer de leurs terres ancestrales et d’un moyen de subsistance. Au cours de l’opération de police, des actes de violence et des violations graves des droits humains ont été commis.

Les populations indigènes du Pérou luttent encore pour que leur soient restituées des terres qui appartenaient à leurs ancêtres et dont elles ont été dépossédées il y a des années. Refuser à ces populations des terres qui leur reviennent de droit a pour conséquence non seulement de leur voler des liens avec leur culture mais aussi de les priver de foyer et du moyen de produire leur nourriture.

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