Romario Quispe Garfias, 18 ans, et un autre adolescent de 15 ans ont péri le 11 décembre à Andahuaylas, et les médias ont signalé que deux autres personnes encore sont mortes lors des manifestations le 12 décembre, dans le contexte d’une crise politique qui s’accompagne de mouvements de protestation dans plusieurs régions du pays depuis le 7 décembre. Par ailleurs, des dizaines d’autres personnes, notamment des civil·e·s et des policiers, ont été blessées par des tirs d’armes à feu et par des objets contondants.
De plus, l’Association nationale de journalistes du Pérou a enregistré des attaques contre 21 journalistes qui couvraient les manifestations entre le 7 et le 11 décembre à Lima, Apurímac, Huaura, Arequipa et Puno, et Amnesty International a reçu des informations sur d’autres faits indiquant que le climat de violence entrave le travail des journalistes et met en péril le travail d’information ainsi que les droits d’informer et d’être informé·e. Les agressions comprennent l’usage excessif de la force de la part de la police nationale et aussi des violences commises par des manifestants qui ont attaqué et insulté des journalistes et qui ont tenté de leur prendre leur matériel professionnel.
« La répression exercée par les pouvoirs publics contre celles et ceux qui manifestent ne fait qu’aggraver la crise au Pérou. Les autorités doivent mettre fin au recours excessif à la force contre les manifestant·e·s et garantir le droit de manifester pacifiquement, en utilisant les moyens légaux et proportionnés nécessaires afin de rétablir la sécurité pour les citoyen·ne·s. De plus, afin que les violences cessent de s’intensifier, nous exhortons les autorités à rechercher le dialogue et à axer sur les droits humains leur réponse à la crise », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
Amnesty International a vérifié des images montrant des policiers en train de tirer des bombes lacrymogènes directement et à faible distance sur des manifestant·e·s, place San Martín, à Lima. La force ne doit être utilisée que lorsque cela est strictement nécessaire et de façon proportionnée au but à atteindre qui doit être légitime, et cette utilisation de la force doit par la suite être soumise à une procédure de reddition de comptes. Face à des actes de violence, les forces de l’ordre doivent réagir de façon individualisée contre les responsables des troubles et des agissements qui mettent en danger la vie ou l’intégrité d’autrui.
Amnesty International rappelle qu’une manifestation ne perd pas son caractère pacifique en cas d’agissements sporadiques ou de comportements illicites de la part d’individus isolés, et que le respect, la garantie et la protection des droits humains des personnes qui manifestent de façon pacifique doivent être maintenus. De plus, les forces de sécurité de l’État doivent recourir en priorité à des solutions pacifiques et éviter d’utiliser la force d’une manière qui enfreint les normes internationales en la matière.
Les autorités péruviennes ont pour obligation d’enquêter sans délai et de façon exhaustive, indépendante et impartiale sur tous les signalements de violations des droits humains dans le contexte de la crise actuelle. Amnesty International est tout particulièrement préoccupée par le fait que la Loi relative à la protection de la police (nº 3110), qui est en vigueur depuis mars 2020, permet que le recours excessif à la force par la police nationale reste impuni, ce qui est contraire aux obligations qui incombent au Pérou au titre du droit international.
Amnesty International réitère son appel pour un respect absolu des droits humains et pour que les autorités fassent tout leur possible afin de résoudre ce conflit au moyen du dialogue, en écoutant toutes les voix qui veulent s’exprimer, et en mettant fin à la répression pour empêcher que d’autres personnes ne soient tuées et que d’autres atteintes aux droits humains ne soient commises.
Les autorités doivent également utiliser toutes les ressources disponibles pour préserver la vie et l’intégrité de toutes personnes blessées, en garantissant pour ces dernières des soins médicaux dispensés sans délai, en temps voulu et de façon adéquate. Parallèlement, elles doivent apporter toute l’aide nécessaire aux familles des personnes décédées.
« Les droits humains de toutes les personnes doivent primer sur les intérêts politiques, quels qu’ils soient. Le dénouement de cette crise ne peut en aucun cas passer par de nouvelles violences. Les autorités doivent faire passer la protection de la population avant les intérêts politiques, quels qu’ils soient », a déclaré Marina Navarro, directrice d’Amnesty International Pérou.