Pérou : L’État péruvien doit mettre fin à l’impunité

La décision prise le 24 décembre 2017 par le président Pedro Pablo Kuczynski de gracier Alberto Fujimori bafoue le droit des victimes du massacre de Pativilca à la vérité, à la justice et à la réparation.

Aux termes de la législation péruvienne, le président de la République a le pouvoir d’accorder sa grâce et de dégager ainsi une personne de sa responsabilité pénale. Le président peut notamment gracier pour raison humanitaire les individus qui répondent aux critères établis par le Règlement de la Commission des grâces présidentielles. L’application de la grâce présidentielle à la procédure engagée contre Alberto Fujimori devant la Cour pénale nationale pour le meurtre de six campesinos (paysans) à Pativilca le 29 janvier 1992 aurait pour effet de mettre fin aux poursuites pénales engagées contre lui dans le cadre de cette affaire.

Si cette grâce est mise en œuvre et met donc fin à la procédure, cela reviendrait de facto à une amnistie. Or, dès lors qu’elle met fin aux enquêtes et aux poursuites engagées contre un individu soupçonné de crimes relevant du droit international ou de violations graves des droits humains, l’amnistie contrevient aux obligations internationales du Pérou.

Une réelle enquête sur les violations des droits humains est essentielle pour établir la vérité sur ce qui s’est passé. Les victimes et leurs proches ont le droit de connaître la vérité sur ces violations. La société dans son ensemble a le droit de connaître la vérité sur ces crimes graves, sur les circonstances dans lesquelles ils ont été commis et sur les raisons pour lesquelles ils ont été commis, afin que de tels crimes ne se reproduisent pas à l’avenir. Amnesty International considère que l’absence d’enquête et, s’il y a lieu, de poursuites contre les auteurs présumés laisse entendre que les violations des droits humains sont tolérées et perpétue l’impunité.

Amnesty International tient à redire une fois encore qu’au cours du mandat d’Alberto Fujimori elle a recensé des centaines de cas de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires.

Le 5 juin 2017, la Cour suprême du Chili a approuvé l’extradition d’Alberto Fujimori pour homicide aggravé et association de malfaiteurs, jugeant que les crimes dont il était accusé constituaient des crimes contre l’humanité. En juillet de la même année, le Troisième bureau supérieur national du ministère public du Pérou a décidé d’engager des poursuites contre Alberto Fujimori et requis une peine de 25 ans d’emprisonnement. Le 11 janvier 2018, selon des informations relevant du domaine public, les avocats d’Alberto Fujimori ont demandé la mise en œuvre de la grâce accordée par le président Kuczynski et la clôture de la procédure pénale engagée à l’encontre de leur client.

Comme lorsqu’Alberto Fujimori était incarcéré au Chili, entre 2005 et 2007, dans l’attente de son extradition, Amnesty International engage de nouveau le Pérou à respecter les obligations qui lui incombent en vertu du droit international. Alberto Fujimori doit faire l’objet d’une enquête et, si des preuves recevables suffisantes sont réunies, être traduit en justice pour les crimes dont il est accusé.

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