« Alors que les hôpitaux réclament des housses mortuaires et d’autres fournitures de première nécessité, les impitoyables menaces des autorités mettent en évidence l’aveuglement du gouvernement, qui ne veut pas assurer la protection de toute la population durant cette pandémie mondiale. Ce discours dangereux doit cesser immédiatement, a déclaré Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe du travail de campagne à Amnesty International.
« Ces paroles dangereuses sont totalement inacceptables. Cette déclaration qui intervient peu après l’ordre qui a été donné par le président de « tirer pour tuer », s’inscrit dans le cadre de l’hostilité généralisée du gouvernement à l’égard des droits humains.
« Les paroles du sénateur ont en outre un effet paralysant pour les journalistes et les lanceurs d’alertes qui cherchent à dénoncer les dysfonctionnements et les problèmes que présente la politique adoptée par le gouvernement face au COVID-19. Au lieu de lancer des menaces, le gouvernement philippin devrait placer les droits à la santé et à la vie de toutes les personnes au centre de ses programmes et de ses mesures. »
Contexte
Le 12 avril, le sénateur philippin Bong Go a déclaré aux médias [1] qu’il a des housses mortuaires pour « les toxicomanes et les colporteurs de fausses nouvelles ».
Le sénateur, ancien assistant et proche conseiller du président Rodrigo Duterte, qui continue de faire d’importantes annonces pour le compte de ce dernier et de le conseiller pour ses allocutions publiques, a prononcé ces paroles lorsqu’il a annoncé avoir reçu une lettre d’un hôpital demandant des housses mortuaires supplémentaires en raison de l’augmentation persistante du nombre de décès dus à l’infection au COVID-19. Quelque temps auparavant, un journaliste connu d’une grande chaîne de télévision avait annoncé que les hôpitaux étaient à court de housses mortuaires, et que le gouvernement aurait demandé [2] aux hôpitaux de ne pas faire état des décès dus au COVID-19. Des représentants du gouvernement ont nié ces informations, les qualifiant de « fausses nouvelles ».
Le 1er avril, le président Rodrigo Duterte a déclaré lors d’une allocation publique qu’il avait ordonné à la police, à l’armée et aux chefs de barangay (village) d’« abattre » les personnes qui protestent ou contestent les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la quarantaine qui a été imposée aux habitants en réaction à la pandémie de COVID-19.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Rodrigo Duterte, en juin 2016, plusieurs milliers de Philippins appartenant pour la plupart aux populations les plus pauvres et les plus marginalisées du pays ont été tués [3] – soit par la police soit par des individus armés non identifiés dont certains étaient liés à la police – dans le cadre de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement.