Philippines. Des milliers de personnes subissent de plein fouet les conséquences de la rupture des pourparlers de paix de Mindanao

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI

La suspension des pourparlers de paix entre le gouvernement philippin et les rebelles de l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines, menace des centaines de milliers de civils exposés à la recrudescence des hostilités, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport ce mercredi 29 octobre 2008.

Des représentants d’Amnesty International se sont rendus à Mindanao au début des violents affrontements, au mois d’août, afin de mener des recherches sur le conflit et de s’entretenir avec les membres des associations locales. Le rapport de l’organisation met en lumière les atteintes aux droits humains perpétrées depuis la rupture des négociations de paix, notamment :

• la mort d’au moins 100 civils depuis le mois d’août, dont certains ont été délibérément pris pour cibles par les combattants du Front de libération islamique moro (MILF) ;

• la prise d’otages d’environ 140 hommes, femmes et enfants ;

• près de 400 000 personnes vivent dans des camps pour personnes déplacées, elles sont parties de chez elles en abandonnant souvent leur récolte et leur bétail alors qu’elles fuyaient les combats ; de nombreuses maisons ont été incendiées et de nombreux biens volés, semble-t-il tant par le MILF que par l’armée philippine ;

• les activités de milices civiles sans formation et n’ayant de comptes à rendre à personne.

La récente escalade de la violence a fait suite à la décision de la Cour suprême des Philippines d’interrompre la mise en œuvre d’un protocole d’accord conclu en août entre le gouvernement et le MILF. Ce protocole s’inscrivait dans le processus de paix visant à mettre fin au conflit qui dure depuis quarante ans.

Le MILF et les groupes locaux hostiles aux pourparlers de paix utilisent la violence comme stratégie de négociation et des centaines de milliers de personnes en paient le prix , a déclaré Donna Guest, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Les délégués d’Amnesty International se sont entretenus avec un militant local des droits humains de la mort de Miguel Daitia, quatre-vingt-quatorze ans, et de son fils Ruben, trente-trois ans, qui auraient été tués par le MILF le 18 août. Les combattants du MILF se sont servis d’une grosse pierre pour casser le verrou, avant d’entrer et d’emmener les hommes. Ils étaient trois, dont le vieillard de quatre-vingt-quatorze ans. Ils les ont tués. Ils ont demandé aux femmes présentes de sortir. Une fois la maison vide, les combattants du MILF ont mis le feu. Ils ont incendié 22 maisons dans ce quartier de Lapayan, dans la ville de Kauswagan.

D’après certaines sources locales, dans la province de Lanao del Norte, les forces de sécurité qui poursuivaient des combattants du MILF ont tué un paysan de quinze ans qui avait pris le risque de se rendre dans une zone d’opérations militaires. Il allait se marier et avait besoin d’argent pour la dot, et ne pouvait donc pas se permettre de rater la récolte cette année. Accompagné d’un autre paysan, le jeune homme marchait avec son cheval pour aller récolter du maïs dans son village, lorsqu’ils ont rencontré un groupe de soldats qui les ont menacés. Pris de panique, l’autre paysan s’est enfui, mais les soldats ont poursuivi le jeune homme de quinze ans et l’ont frappé à la tête, entraînant sa chute dans un ravin. Son corps a plus tard été retrouvé dans un fossé. Il présentait une trentaine de blessures à la machette. Sa famille l’a immédiatement enterré et s’est réfugié dans la clandestinité.

Le gouvernement des Philippines et le MILF doivent faire clairement savoir à leurs commandants et à leurs troupes que les attaques contre des civils ne seront pas tolérées et doivent veiller à ce que toute personne soupçonnée d’avoir commis de telles violences soit suspendue de ses fonctions ou écartée de toute situation susceptible de générer de nouvelles atteintes aux droits humains. Faute de quoi, s’ils continuent d’être pris pour cibles, l’avenir des habitants de Mindanao demeurera bien sombre , a conclu Donna Guest.

Complément d’information

Le rapport d’Amnesty International intitulé Shattered Peace in Mindanao : the human cost of conflict in the Philippines s’appuie sur des interviews menées durant l’été 2008, au plus fort de la récente recrudescence de violence, et sur la surveillance de la situation des droits humains dans le pays.

Le 4 août 2008, la Cour suprême des Philippines a prononcé une mesure de restriction temporaire concernant le Protocole d’accord sur les terres ancestrales, document précédemment paraphé . Dans les jours qui ont suivi cette décision, les combattants du MILF ont lancé des attaques contre des civils dans les provinces du Cotabato-Nord, de Lanao del Norte et de Saranggani. Le 14 octobre, la Cour Suprême a statué que le Protocole d’accord sur les terres ancestrales n’était pas constitutionnel. Le conflit porte sur l’autonomie des musulmans dans le sud des Philippines.

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