« Quelle parodie de justice de voir que Leila de Lima a enduré six ans de détention pour de fausses accusations portées contre elle dans des affaires qui se sont totalement effondrées. Alors que les témoins se rétractent les uns après les autres, le gouvernement de Ferdinand Marcos Jr doit mettre un terme à la persécution dont elle fait l’objet », a déclaré Rachel Chhoa-Howard, chercheuse sur l’Asie du Sud-Est à Amnesty International.
Depuis avril 2022, plusieurs témoins clés sont revenus sur leurs témoignages contre Leila de Lima, affirmant qu’ils ont fabriqué des allégations contre elle sous la contrainte et la menace d’anciens responsables gouvernementaux. C’est notamment le cas de Rafael Ragos, ancien responsable adjoint du Bureau d’application des peines, qui a déclaré que l’ancien ministre de la Justice Vitaliano Aguirre et d’autres hauts fonctionnaires de l’État l’avaient contraint à « inventer des mensonges ».
« Les nombreuses rétractations de témoignages mensongers et les allégations inquiétantes de contrainte viennent s’ajouter aux preuves accablantes attestant du rôle indéniable que le gouvernement a joué dans la détention arbitraire et prolongée de Leila de Lima, en violation de ses droits à la liberté, à la présomption d’innocence et à d’autres garanties d’équité des procès. »
Non seulement Leila de Lima endure une détention prolongée, mais sa vie a été menacée lorsqu’elle a été prise en otage dans sa cellule le 9 octobre 2022 par un détenu armé d’un couteau qui tentait de s’évader. Le suspect et ses deux compagnons ont été tués par la police, mais aucune enquête n’a été ouverte sur cet incident, en particulier sur les failles de sécurité qui ont permis au suspect de pénétrer dans sa cellule.
« Le gouvernement de Ferdinand Marcos Jr doit assurer la libération immédiate et inconditionnelle de Leila de Lima et abandonner toutes les charges retenues contre elle. Les autorités doivent également mener une enquête approfondie, indépendante, transparente et efficace sur les attaques dont elle a été victime, en vue de traduire en justice dans le cadre de procès équitables ceux qui ont bafoué ses droits depuis son arrestation, notamment en la maintenant en détention arbitraire, a déclaré Rachel Chhoa-Howard.
« Leila de Lima n’aurait jamais dû passer un seul jour derrière les barreaux, et pourtant elle y croupit depuis six années. Le gouvernent doit lui rendre sa liberté et lui rendre justice après un tel calvaire. »
Complément d’information
La sénatrice Leila de Lima est détenue au siège de la police nationale philippine depuis qu’elle a été arrêtée le 24 février 2017 pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants. En tant que militante des droits humains et ancienne sénatrice, elle a vertement critiqué les violations commises sous le gouvernement de l’ancien président Rodrigo Duterte. Depuis son arrestation, Amnesty International et de nombreuses organisations nationales et internationales ont martelé que les charges retenues contre elle étaient forgées de toutes pièces et que les dépositions des témoins à charge avaient été fabriquées.
Leila de Lima a été arrêtée après avoir tenté d’enquêter sur les violations commises dans le cadre de la « guerre contre la drogue », notamment l’exécution extrajudiciaire de milliers de trafiquants présumés qui, selon Amnesty International, pourrait constituer des crimes contre l’humanité. À l’instar de Leila de Lima, les victimes de ces atteintes aux droits humains et leurs familles ont rarement obtenu justice et les auteurs n’ont guère été tenus de rendre des comptes.
La procédure judiciaire intentée contre Leila de Lima au cours des six dernières années est marquée par des retards injustifiés, notamment la non-comparution répétée des témoins de l’accusation et les changements de juges chargés des affaires la concernant. En 2018, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que sa détention était arbitraire et ne reposait sur aucun fondement légal, et que son droit à un procès équitable était bafoué.
La détention arbitraire de Leila de Lima se poursuit dans un contexte plus large d’impunité croissante pour les violations des droits humains dans le pays, notamment les homicides, les menaces et les actes de harcèlement visant des militant·e·s politiques, des défenseur·e·s des droits humains, des professionnel·le·s des médias et d’autres groupes ciblés.
La situation des droits humains dans le pays s’est détériorée sous le précédent gouvernement de Rodrigo Duterte et des cas similaires ont également été recensés sous le gouvernement de Ferdinand Marcos Jr, notamment le meurtre du journaliste Percy Lapid en octobre 2022 et l’assassinat de deux militant·e·s dans la province du Negros en novembre 2022.