« Cette annonce est un moment d’espoir pour les milliers de familles aux Philippines qui pleurent leurs proches morts dans le cadre de la " guerre contre la drogue ". C’est une mesure très attendue pour mettre un terme à l’incitation au meurtre relayée par le président Rodrigo Duterte et son gouvernement », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.
Si les Philippines connaissaient déjà de gros problèmes en matière d’impunité bien avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Rodrigo Duterte, la situation s’est nettement dégradée avec l’homicide généralisé et systématique de milliers de consommateurs ou trafiquants de drogue présumés depuis 2016. « L’intervention de la CPI doit mettre fin à ce cycle de l’impunité dans le pays et adresser un signal à la police et aux personnes ayant des liens avec la police qui continuent de se livrer à ces homicides ou de les cautionner, et leur faire savoir qu’ils devront rendre des comptes pour les crimes commis. »
Le 14 juin 2021, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda a annoncé avoir conclu son examen préliminaire de la situation aux Philippines et demande aux juges de la Cour l’autorisation de mener une enquête exhaustive sur des crimes contre l’humanité, des actes de torture et d’autres actes inhumains commis dans le contexte de la « guerre contre la drogue » menée dans le pays entre le 1er novembre 2011 et le 16 mars 2019.
« L’intervention de la CPI doit mettre fin à ce cycle de l’impunité dans le pays et adresser un signal à la police et aux personnes ayant des liens avec la police qui continuent de se livrer à ces homicides ou de les cautionner, et leur faire savoir qu’ils devront rendre des comptes pour les crimes commis. »
Cela englobe les exécutions extrajudiciaires commises par la police lors d’« opérations anti-drogue », sur incitation et encouragement de hauts responsables philippins, dont le président.
« Les homicides cautionnés par l’État et l’incitation à la violence émanant de responsables gouvernementaux sont devenus la norme sous la présidence de Rodrigo Duterte, a déclaré Agnès Callamard.
« Étant donné le rôle du gouvernement philippin dans ces vagues d’homicides et l’impunité absolue qui règne dans le pays, l’enquête de la CPI est une étape cruciale pour faire avancer la justice.
« Tous les États doivent coopérer pleinement avec le Bureau de la procureure de la CPI afin qu’une enquête puisse se dérouler aussi rapidement que possible. Les autorités philippines, les organisations de défense des droits humains et les acteurs concernés doivent veiller à préserver les éléments de preuve et la CPI doit assurer la protection des personnes susceptibles de collaborer à l’enquête. »
Des meurtres commis de sang-froid pendant des années s’apparentant à des crimes contre l’humanité
En février 2018, la CPI a démarré un examen préliminaire des éventuels crimes commis dans le pays. Le mois suivant, en mars 2018, le président Rodrigo Duterte a annoncé que les Philippines allaient se retirer de la CPI. Ce retrait a pris effet un an plus tard, le 17 mars 2019 ; toutefois, la CPI continue d’exercer sa compétence pour enquêter sur les crimes perpétrés dans le pays.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Rodrigo Duterte en juin 2016, des milliers de personnes, majoritairement issues de milieux pauvres et marginalisés, ont été tuées – soit par la police, soit par des individus armés soupçonnés d’avoir des liens avec la police – dans le cadre de la « guerre contre la drogue » du gouvernement.
Amnesty International a publié des rapports détaillés sur les exécutions extrajudiciaires et autres violations des droits humains imputables à des policiers et à leurs supérieurs. Elle a établi que les crimes ont atteint un tel niveau qu’ils constituent des crimes contre l’humanité. Ces homicides se poursuivent sans relâche.
Des actions de l’ONU sont requises parallèlement à celle de la CPI
Malgré la condamnation de la communauté internationale et des organisations locales et internationales de défense des droits humains, le président Rodrigo Duterte continue d’encourager explicitement les policiers à tuer et leur promet l’immunité. Au lieu d’être traduits en justice, les responsables de la police impliqués ont été promus.
Le gouvernement des Philippines a l’obligation première de mener de véritables investigations sur les allégations de crimes contre l’humanité, mais il s’est abstenu de le faire à maintes reprises.
« Le Conseil des droits de l’homme doit ouvrir son enquête attendue depuis longtemps sur les Philippines afin d’examiner les crimes de droit international et autres graves violations des droits humains commis pendant toute la durée de la présidence de Rodrigo Duterte »
« L’annonce de la procureure met le président Rodrigo Duterte et les personnes impliquées dans cette campagne meurtrière dans le collimateur de la justice. Mais l’intervention de la CPI doit être appuyée par des initiatives renforcées de la communauté internationale, à commencer par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a déclaré Agnès Callamard.
« Le Conseil des droits de l’homme doit ouvrir son enquête attendue depuis longtemps sur les Philippines afin d’examiner les crimes de droit international et autres graves violations des droits humains commis pendant toute la durée de la présidence de Rodrigo Duterte, notamment dans le cadre de la " guerre contre la drogue ". Les personnes ayant perpétré ou orchestré ces crimes doivent rendre des comptes. »
Amnesty International et des organisations de la société civile ont à maintes reprises exprimé leurs préoccupations quant au manque de détermination du Conseil des droits de l’homme à faire face à la situation et quant au dangereux message que cela envoie. Le Conseil doit agir et faire clairement savoir qu’il ne laissera plus le gouvernement des Philippines poursuivre sa campagne de violations des droits humains en toute impunité.