Philippines. Il faut dissoudre les groupes paramilitaires et lever dès que possible la loi martiale

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

8 décembre 2009

Les autorités philippines doivent mettre en place immédiatement un calendrier précis prévoyant, dans un délai court, la levée de la loi martiale actuellement en vigueur dans la province de Maguindanao, en proie à des troubles, ainsi que la dissolution des groupes paramilitaires armés dans tout le pays, a déclaré Amnesty International ce 8 décembre 2009 à Manille.

Certains droits humains fondamentaux, notamment le droit pour une personne privée de liberté de contester la légalité de sa détention, ne doivent en aucune circonstance être violés ou subir des restrictions.

À la suite du massacre de 57 personnes – dont plus de 30 journalistes – intervenu dans la province de Maguindanao, la présidente Gloria Arroyo a prononcé le 5 décembre l’imposition de la loi martiale et la suspension du droit d’habeas corpus (procédure permettant la comparution immédiate d’un détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention et de permettre ainsi une éventuelle remise en liberté) dans cette région.

Membre de la très influente famille Ampatuan, qui domine la vie politique dans la province de Maguindanao depuis pratiquement une dizaine d’années, Andal Ampatuan Jr. a été arrêté et inculpé de ces meurtres.

« L’instauration de la loi martiale, qui rappelle à tous les violations épouvantables des droits humains perpétrées durant le régime militaire des années 1970, plonge les habitants dans la terreur », a déclaré à son retour de Maguindanao le directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International, Sam Zarifi.

L’organisation n’a pas relevé au cours de sa visite d’éléments indiquant que des violations graves des droits humains avaient été commises par les militaires depuis l’imposition de la loi martiale.

Quelque 70 personnes ont toutefois été arrêtées par des soldats qui ne détenaient pas de mandat. En outre, le déploiement des forces armées a contraint plus de 2 000 habitants des zones contrôlées par la famille Ampatuan à quitter leur foyer.

Les troubles récents entravent par ailleurs l’acheminement de l’aide humanitaire aux dizaines de milliers de personnes déplacées qui ont dû partir de chez elles en raison des affrontements intervenus dans le passé entre l’armée et le Front de libération islamique moro (MILF).

« Le déploiement massif des troupes accroit chaque jour le risque de violations des droits humains et de nouveaux affrontements avec le MILF, alors même que les pourparlers de paix reprennent », a indiqué Sam Zarifi.

La famille Ampatuan aurait disposé d’entre 3 000 et 4 000 hommes armés, des membres de milices appelées les Organisations de volontaires civils (CVO) et agissant parallèlement aux opérations anti-insurrectionnelles de l’armée. Les militaires et les enquêteurs de la police ont découvert ces derniers jours plusieurs caches d’armes contenant notamment des mitrailleuses, des mortiers et même des véhicules blindés de transport de troupes, un arsenal destiné semble-t-il à être utilisé par les CVO.

« Dans la province de Maguindanao, les CVO se livrent à des attaques systématiques contre les civils, à des incendies criminels et même à des assassinats, a déclaré Sam Zarifi. Elles agissent avec l’assentiment, et même le soutien, de l’armée et des autorités de la province. Des clans puissants utilisent ces milices contre leurs opposants politiques, et le gouvernement central ferme bien souvent les yeux sur cette situation, s’assurant ainsi du soutien des clans pour les élections et pour la lutte contre les rebelles du MILF ou de la Nouvelle Armée du peuple (NPA). »

Amnesty International a demandé à la présidente Arroyo d’abroger immédiatement le décret 546 de 2006 autorisant le recours à des « multiplicateurs de force » paramilitaires dans les opérations anti-insurrectionnelles, ou bien de modifier ce texte. Les potentats locaux utilisent ces milices – les CVO ou les Compagnies auxiliaires actives des Unités territoriales des forces de défense civiles (CAFGU) – comme leur armée privée.

« Les dispositions peu précises du décret 546 et la façon dont le gouvernement a permis qu’il soit appliqué ne pouvaient que conduire à la catastrophe et, malheureusement, à l’horrible massacre du 23 novembre, a poursuivi Sam Zarifi.

« La commission mise en place la semaine dernière par la présidente Arroyo pour procéder à la dissolution des CVO et des CAFGU doit se mobiliser rapidement afin de mettre un terme aux activités de ces groupes qui sont fortement armés mais peu disciplinés et aucunement soumis à l’obligation de rendre compte de leurs actes. Nous espérons que cet organe ira jusqu’au bout de sa mission et agira de manière déterminée pour parvenir au démantèlement de ces groupes armés.

« En vertu du droit international, les États peuvent dans certaines circonstances avoir recours à des dispositions d’exception. Toutefois, certains droits, comme le droit à la vie, le droit de ne pas être détenu arbitrairement, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements et le droit de contester la légalité de sa détention ne peuvent en aucun cas faire l’objet de restrictions. Pour le reste, des restrictions ne peuvent être imposées qu’en cas de nécessité absolue et doivent être levées dès que possible », a conclu Sam Zarifi.

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