Philippines. L’homicide du témoin d’un massacre vient assombrir l’évaluation menée par l’ONU sur le plan des droits humains

Le troisième homicide d’un témoin du massacre de Maguindanao, perpétré en 2009, a été signalé la même semaine que l’évaluation du bilan des Philippines en matière de droits humains par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

Mardi 29 mai 2012, les États membres des Nations unies se sont réunis à Genève pour évoquer l’Examen périodique universel (EPU) des Philippines. Tous les quatre ans et demi, le bilan de chacun des 193 pays membres sur le terrain des droits humains est passé en revue dans le cadre de ce processus.

Le corps d’Esmail Amil Enog, le troisième témoin du massacre de Maguindanao à être assassiné, a été retrouvé découpé à la tronçonneuse, a annoncé un procureur le 31 mai 2012. Il avait déclaré devant un tribunal avoir été le chauffeur d’hommes armés impliqués dans le massacre.

Le massacre de Maguindanao, en 2009, est l’attaque la plus vaste jamais lancée contre des journalistes et des professionnels des médias, où que ce soit dans le monde. Le 23 novembre 2009, 57 personnes faisant partie de la caravane électorale d’un candidat de l’opposition ont été tuées par une milice privée dont les membres étaient liés au gouverneur de la province.

Lors de la session des Nations unies à Genève, l’Australie a demandé aux Philippines de veiller à ce que les auteurs du massacre de Maguindanao soient tenus de rendre des comptes. Le Canada a exhorté les Philippines à désarmer et dissoudre l’ensemble des milices privées, et les États-Unis ont demandé que l’armée et la police prennent le contrôle des unités civiles armées, notamment les unités géographiques des forces armées civiles et les organisations de volontaires civils.

Malgré les promesses faites en ce sens après le massacre, lorsqu’il était candidat à la présidentielle, le président Benigno « Noynoy » Aquino n’a pas révoqué le décret 546, qui autorise les opérations menées par les unités de civils armés. L’Espagne et les Pays-Bas ont tous deux exhorté le gouvernement philippin à abroger ce décret.

Plusieurs États membres des Nations unies ont relevé la baisse du nombre d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, mais ont fait part de leur préoccupation quant à la persistance de l’impunité pour ces crimes. Sur les 64 États ayant participé à la session sur les Philippines, 29 ont émis des recommandations afin que justice soit rendue pour les exécutions extrajudiciaires. Le Royaume-Uni, en particulier, a exprimé ses craintes quant à l’indépendance de la justice et la lenteur des condamnations pour les violations des droits humains.

À la suite de l’homicide d’Esmail Amil Enog, Amnesty International a engagé le gouvernement philippin à faire en sorte que les témoins soient réellement protégés, et que les responsables présumés d’exécutions judiciaires et de disparitions forcées soient poursuivis en bonne et due forme.

Un projet de loi proposant d’ériger en infraction les disparitions forcées a été adopté par les deux chambres du Congrès philippin, et doit être promulgué afin d’entrer en vigueur. Le Brésil a demandé aux Philippines de ratifier le traité des Nations unies contre les disparitions forcées, et d’introduire des sanctions pénales contre ce crime dans le droit national.

Le Congrès philippin ne s’est pas encore prononcé sur un projet de loi relatif à la santé reproductive visant à éliminer les obstacles aux soins et services de santé, et notamment à des moyens de contraception sûrs. Sept États membres des Nations unies ont fait part de leur préoccupation en ce qui concerne la santé reproductive et la mortalité maternelle. La Suisse a demandé aux Philippines de promulguer et de faire respecter cette loi, et de débloquer les moyens financiers requis pour son application.

Plusieurs États membres ont félicité les Philippines pour avoir proposé d’élaborer un nouveau plan d’action national sur les droits humains. Amnesty International a observé que cela avait été promis en 2008, mais le gouvernement Aquino n’a toujours pas produit de plan d’action.

Amnesty International a salué la décision des Philippines de promulguer des lois visant à lutter contre les violations graves des droits humains, notamment la loi contre la torture de 2009, mais a souligné que leur application laisse à désirer. La France a appelé les Philippines à mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture, similaire à ceux prévus par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, que les Philippines ont ratifié en avril 2012.

Les Philippines ont déjà accepté 45 des recommandations qui lui ont été faites par le groupe de travail de l’EPU. Elles en étudient plusieurs autres, dont certaines de celles évoquées plus haut. Amnesty International prie instamment le gouvernement de non seulement faire état de son soutien explicite à ces recommandations mais également de les faire suivre d’effets sans délai.

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