Philippines. La population civile de Mindanao sous la menace des milices et des unités du MILF


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Des dizaines de milliers de civils, déjà touchés par les violences qui ont repris à Mindanao, pourraient être exposés à de plus grands risques encore si le gouvernement philippin soutenait la création de milices civiles non formées n’ayant de compte à rendre à personne, a déclaré Amnesty International ce jeudi 21 août.

Le conflit armé à Mindanao a connu une nouvelle escalade au lendemain du 4 août, date à laquelle la Cour suprême a suspendu un accord de paix signé entre le gouvernement philippin et le Front de libération islamique moro (MILF). Après le 4 août, des unités du MILF ont occupé des terres cultivées dans la province du Cotabato-Nord et brûlé des maisons, provoquant le déplacement de plus de 150 000 personnes. Deux semaines plus tard, des unités du MILF se sont attaqués à des civils dans la province de Lanao del Norte, prenant des otages, faisant exploser des bombes et provoquant des incendies, forçant 50 000 autres personnes à fuir de chez elles. La direction centrale du MILF a nié avoir donné l’ordre de lancer ces attaques qui ont été menées par deux de leurs commandants.

Le MILF a justifié certains des attentats récemment perpétrés en déclarant que ceux-ci visaient les Organisations civiles d’autodéfense formées de volontaires (CVO) et autres forces auxiliaires de police mises en place par le gouvernement local comme protection d’urgence.

« Les unités du MILF qui ont ciblé des villages ont commis de graves infractions au droit international et doivent répondre de leurs actes, a déclaré Sam Zafiri, directeur Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Mais dans tous les pays l’expérience montre que le déploiement de milices civiles peut enclencher un cycle de représailles et ne fait qu’accroître les dangers auxquels ont à faire face les civils.


« Toutes les parties à ce conflit doivent faire machine arrière avant qu’il ne soit trop tard et apporter la preuve de leur engagement à éviter de faire des victimes civiles. Le MILF doit contrôler ses forces et le gouvernement philippin doit assumer sa responsabilité qui est de protéger toute la population des Philippines, quelle que soit la religion ou l’origine ethnique de ses habitants »
, a déclaré Sam Zafiri.

Amnesty International a pu se rendre compte que les dirigeants politiques locaux de la ville de Lligan à Mindanao et de la province de Cotabato-Nord s’efforçaient de former des milices civiles après les attaques du MILF. Dans la ville de Lligan, où ont eu lieu le 17 août deux attentats à la bombe qui auraient été perpétrés par des éléments du MILF, un groupe de 300 titulaires de permis de port d’arme, hommes politiques et fonctionnaires locaux, se sont regroupés en une milice qu’ils ont appelée God Save Lligan City (Dieu sauve la ville de Lligan). Dans la province du Cotabato-Nord, des civils armés se sont déjà constitués en milices villageoises, désignées localement comme les CVO (Citizen Volunteer Self-Defense Organizations , Organisations civiles d’autodéfense formées de volontaires). Des responsables locaux de la sécurité auraient rejeté une demande du vice-gouverneur de Cotabato-Nord de fournir des munitions aux CVO. Toutefois, Amnesty International a eu confirmation que des armes et des munitions avaient déjà été fournies localement aux CVO et auxiliaires de police.

Dans l’ouest de Mindanao, le Conseil provincial pour la paix et l’ordre, composé de représentants de la société civile et des autorités militaires et locales de la province de Zamboanga del Norte, a décidé le 19 août d’armer les CVO. Le gouverneur de Zamboanga del Norte a justifié cette décision en affirmant : « Nous devons nous protéger nous-mêmes... les militaires ne peuvent pas garantir notre sécurité. Ils arrivent trop tard. »

Le lendemain, dans la capitale fédérale, le directeur général de la police nationale philippine (PNP) a annoncé aux médias qu’un millier de fusils allaient être envoyés à Mindanao et distribué à « des auxiliaires de police choisis, sélectionnés et entraînés », à des vigiles mandatés par les villageois et à des CVO sélectionnés, tous civils. La PNP s’est engagée à fournir 12 000 armes supplémentaires si cet effort portait ces fruits. Amnesty International a relevé au moins un exemple avéré de membres armés d’un CVO ayant empêché des représentants de la Joint Monitoring Assistance Team, l’équipe mixte d’observation et d’assistance, de se rendre auprès de populations affectées, affirmant agir sur ordre du maire de la ville.

« Les récentes attaques meurtrières perpétrées par des éléments du MILF ont naturellement perturbé de nombreux habitants de Mindanao qui sont en droit d’exiger une plus grande protection, a déclaré Sam Zafiri. Beaucoup de gens à Mindanao sont terrifiés à l’idée d’un retour à l’époque où insurgés armés musulmans et vigilantes (groupes d’autodéfense) chrétiens attaquaient des civils en toute impunité. »


Complément d’information

Le 4 août, la Cour suprême a émis un ordre de restriction temporaire à la signature d’un Protocole d’accord sur les terres ancestrales par le gouvernement philippin et le Front de libération islamique moro.

Une nouvelle audience de la Cour suprême des Philippines doit se tenir le vendredi 22 août.

Le Protocole d’accord, qui prévoit la création d’une entité juridique de Bangsamoro, aurait été une solution pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les pourparlers de paix depuis dix ans. Le Protocole avait pour objectif l’ouverture officielle de négociations entre le gouvernement philippin et le MILF afin de mettre un terme au conflit vieux de quarante ans à Mandanao, qui a coûté la vie à quelque 120 000 personnes, contraint environ deux millions d’autres personne s à se déplacer et appauvri une région riche en ressources.

Le Protocole prévoit un élargissement de la Région autonome de Mindanao musulman. Les gouverneurs des populations concernées dans le Cotabato-Nord et à Zamboanga, où vivent de nombreux chrétiens, ont contesté l’accord devant la Cour suprême, au motif que leur droit à l’information et à la participation aux prises de décisions affectant leur vie n’avait pas été respecté.

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