« Ce jugement est enfin synonyme de pleine liberté et de légitimation pour la défenseure des droits humains Leila de Lima, après presque sept années de détention arbitraire et de persécution politique implacable, a déclaré Montse Ferrer, directrice régionale adjointe par intérim pour la recherche à Amnesty International.
« L’acquittement de Leila de Lima dans cette dernière affaire en instance n’a que trop tardé, et chaque journée passée derrière les barreaux jusqu’à sa libération provisoire en novembre 2023 constituait une injustice criante. Elle a été violemment prise pour cible par le gouvernement de l’ancien président Rodrigo Duterte au seul motif qu’elle dénonçait les violations des droits humains commises dans le cadre de la " guerre contre la drogue ". L’abandon des poursuites pour la dernière accusation liée à la drogue portée à son encontre marque clairement le rejet des efforts concertés du gouvernement pour la réduire au silence et saper son travail en faveur des droits humains.
« Alors que Leila de Lima retrouve pleinement sa liberté, nous exhortons le gouvernement du président Marcos à œuvrer en faveur d’un environnement sûr et favorable pour elle et pour les nombreux défenseur·e·s des droits humains aux Philippines qui continuent d’être pris pour cible en raison de leur travail essentiel.
« Leila de Lima, Amnesty International et de nombreux défenseur·e·s des droits humains réclament sans relâche : la fin des homicides illégaux et autres violations qui se poursuivent dans le cadre de la " guerre contre la drogue " »
« Nous demandons également au gouvernement du président Marcos d’enquêter de manière impartiale et efficace sur les responsables des allégations infondées portées contre Leila de Lima qui ont conduit à sa détention arbitraire et aux violations des droits humains qu’elle a subies – et continue de subir – et de les traduire en justice dans le cadre de procès équitables.
« Le gouvernement doit œuvrer en faveur de ce que Leila de Lima, Amnesty International et de nombreux défenseur·e·s des droits humains réclament sans relâche : la fin des homicides illégaux et autres violations qui se poursuivent dans le cadre de la " guerre contre la drogue ", la mise en œuvre de l’obligation de rende des comptes et la justice pour les milliers de victimes et leurs familles. »
Complément d’information
Le 24 juin, la 206e chambre du tribunal régional de première instance de Muntinlupa a innocenté l’ancienne sénatrice et défenseure des droits humains Leila de Lima de la troisième et dernière accusation de complot en vue de se livrer au trafic de stupéfiants. Dans sa décision, le juge Gener Gito a fait droit à la requête de Leila de Lima qui appelait techniquement à classer l’affaire sans suites.
Le 13 novembre 2023, le même tribunal a accordé à Leila de Lima une libération provisoire [1] en faisant droit à sa demande de libération sous caution dans la même affaire, la caution s’élevant à 300 000 PHP (4 760 euros). Inculpée de trois chefs d’accusation inventés ayant trait au trafic de stupéfiants, Leila De Lima a été relaxée de deux d’entre eux par des juridictions différentes en 2021 et 2023.
Avant d’être remise en liberté sous caution en 2023, elle avait été détenueau siège de la police nationale philippine depuis son arrestation le 24 février 2017 pour des accusations liées au trafic de stupéfiants.
Les autorités philippines ont arrêté Leila de Lima alors qu’elle cherchait à enquêter sur les violations commises dans le contexte de la « guerre contre la drogue » menée sous le gouvernement de l’ancien président Rodrigo Duterte de 2016 à 2022, qui s’est notamment traduite par l’exécution extrajudiciaire de milliers de personnes soupçonnées d’usage ou de vente de stupéfiants. Selon Amnesty International, ces violations pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Comme Leila de Lima, l’immense majorité des victimes et de leurs proches n’ont pas obtenu justice, et les responsabilités n’ont généralement pas été établies pour les violations commises dans ce cadre.
Au cours des six dernières années, la procédure engagée contre Leila de Lima a été marquée par des retards injustifiés, notamment par le fait que les témoins de l’accusation se sont à plusieurs reprises abstenus de se présenter au tribunal, certains déclarant avoir été contraints et menacés par des représentants de l’ancien gouvernement de fabriquer des allégations contre elle, et par le fait que les juges chargés des affaires ont été remplacés. En 2018, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que la privation de liberté de Leila de Lima était arbitraire, car elle était dénuée de fondement juridique et violait plusieurs normes internationales relatives au droit à un procès équitable. Amnesty International la considérait comme une prisonnière d’opinion, incarcérée uniquement en raison de son travail légitime en faveur des droits humains.
La persécution politique de Leila de Lima fait écho au contexte plus large d’impunité croissante pour les violations des droits humains commises dans le pays, notamment les homicides, les menaces et les actes de harcèlement visant des militant·e·s politiques, des défenseur·e·s des droits humains, des professionnel·le·s des médias et d’autres catégories ciblées.