Philippines. Malgré le cessez-le-feu, les personnes déplacées à Mindanao restent vulnérables

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI-
mardi 25 août 2009

Dans le centre de l’île de Mindanao, plus de 200 000 civils risquent toujours de subir des atteintes à leurs droits fondamentaux, malgré la conclusion récente d’un cessez-le-feu entre l’armée philippine et les insurgés du Front de libération islamique moro (MILF), souligne Amnesty International dans un rapport publié ce mardi 25 août.

Intitulé Philippines : Shattered lives, beyond the 2008 – 2009 Mindanao armed conflict, ce document expose en détail les risques encourus par des centaines de milliers de personnes contraintes de vivre dans des camps ou des installations de fortune, dans certains cas dans des zones où l’armée est massivement présente. Malgré l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu le 29 juillet 2009, une grande partie des personnes déplacées se trouvent toujours dans l’impossibilité de rentrer chez elles.

« Compte tenu de la vulnérabilité et de l’incertitude dans lesquelles sont plongés les civils du centre de Mindanao, le gouvernement philippin et le MILF n’ont d’autre choix que de placer les droits humains au premier rang des questions à aborder lors des futurs pourparlers de paix », a déclaré Donna Guest, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Élaboré grâce à des éléments collectés lors d’une mission d’Amnesty International à Mindanao et complétés par des informations sur la situation actuelle, le rapport met en lumière les conditions épouvantables qu’endurent les civils présents dans les camps surpeuplés, où ils ne peuvent se procurer aisément de la nourriture et n’ont qu’un accès limité à leurs moyens de subsistance. Il évoque également les atteintes aux droits humains commises par l’armée et par le MILF contre des habitants de la province de Maguindanao, dans le centre de l’île.

En janvier 2009 par exemple, des soldats ont pénétré en nombre dans le village d’Ungap, dans la municipalité de Sultan Kudarat, et ont arrêté 10 hommes. Brandissant leurs fusils, ils se sont introduits de force dans les maisons et ont saccagé les biens des habitants. Selon le témoignage de l’épouse de l’un des hommes appréhendés, ces derniers se sont vu par la suite infliger des décharges électriques. Neuf ont été remis en liberté, mais le mari de cette femme est toujours détenu. Un autre membre de sa famille a indiqué que l’homme avait subi des interrogatoires durant plus de dix semaines, au cours desquels il avait été battu et torturé à l’électricité.

Un grand nombre de personnes déplacées ont indiqué à Amnesty International qu’elles étaient contraintes, afin de subsister, de mettre leur vie en péril pour retourner chez elles récupérer des affaires et s’occuper de leurs champs. Des habitants ont par ailleurs fourni des informations détaillées sur des cas d’arrestation arbitraire et de passage à tabac de civils par l’armée philippine, le MILF ou des milices locales.

« Les décennies de conflit ont laissé bien des cicatrices dans la population civile, qui continue à vivre dans la peur sans savoir de quoi demain sera fait, a souligné Donna Guest. Le récent accord de cessez-le-feu a fait naître l’espoir chez les habitants, aussi appartient-il désormais au gouvernement et au MILF d’apporter la preuve qu’ils ont la volonté sincère de faire passer avant toute chose le bien-être de la population locale.

« Le gouvernement des Philippines a l’obligation, au regard du droit international, de faire en sorte que les personnes déplacées soient protégées et aient accès de manière appropriée à la nourriture, à l’eau et aux soins médicaux », a rappelé Donna Guest.

Amnesty International demande en outre aux autorités philippines et au MILF de veiller à la sécurité et au bien-être de tous les civils. Lorsqu’il existe des informations crédibles faisant état d’atteintes aux droits humains, le gouvernement doit lancer sans délai une enquête impartiale sur les allégations et rendre publiques les conclusions des investigations. Le MILF doit coopérer avec le gouvernement et faciliter le travail d’enquête.

Enfin, le gouvernement doit mettre en œuvre, en coopération avec les intéressés, un programme de retour des personnes déplacées, sur une base volontaire et en toute sécurité. Il doit veiller notamment à ce que celles et ceux qui regagnent leur village aient accès à un logement décent, une nourriture appropriée et des moyens de subsistance suffisants.

Complément d’information

Le conflit qui oppose à Mindanao l’armée philippine et le MILF a connu une recrudescence en août 2008, après que la Cour suprême eut adopté une mesure de restriction temporaire concernant le Protocole d’accord sur les terres ancestrales. Ce document prévoyait l’élargissement de la Région autonome du Mindanao musulman et devait faire progresser les initiatives de paix, mais la Cour a statué en octobre qu’il n’était pas conforme à la Constitution. Les combats se sont poursuivis de manière sporadique, jusqu’à l’obtention d’un accord de cessez-le-feu en juillet 2009. Plus de 700 000 personnes au total ont dû quitter leur foyer durant cette année de conflit.

Au début des années 1970, un conflit armé a éclaté entre le gouvernement philippin et le Front de libération nationale moro (MNLF). Le MILF est né en 1978 d’une scission du MNLF. Ce dernier a signé en 1996 un accord de paix avec le gouvernement. Des affrontements ont opposé par intermittence le MILF à l’armée, tandis que des initiatives en vue d’instaurer des pourparlers de paix se poursuivaient parallèlement. Le 29 juillet 2009, le gouvernement philippin et le MILF ont signé dans la capitale malaisienne, Kuala Lumpur, un document prévoyant la suspension des opérations militaires et la mise en place d’un mécanisme de protection des civils. Les discussions entre les deux parties n’ont pas encore repris.

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