La police refuse d’enquêter sur la mort et le viol d’une femme rohingya

Les autorités myanmar doivent veiller à ce qu’une enquête indépendante, impartiale et efficace soit diligentée sur la mort et le viol présumé d’une femme rohingya. La police aurait refusé d’enquêter sur ce cas et de déférer les responsables à la justice, violant ainsi ses obligations en matière de droits humains, et indiquant ainsi que les crimes commis contre des Rohingya, notamment des homicides illégaux, des viols et d’autres violences sexuelles, resteront impunis.

Dans la matinée du 18 août 2016, Raysuana, une femme Rohingya âgée d’une vingtaine d’années, a été retrouvée inconsciente dans un fossé non loin d’un camp militaire, appelé dans la région Bandula Hall, à Sittwe, la capitale de l’État d’Arakan. Selon des sources locales, le corps de Raysuana a été découvert par des militaires, mais, au lieu de l’emmener directement à l’hôpital, ils ont appelé des chefs du village de Thet Kay Pyin, situé à proximité, pour leur demander de venir la chercher. Les chefs du village l’ont alors emmenée au centre de santé de Thet Kay Pyin, où le personnel a constaté que Raysuana saignait de la bouche et du vagin et qu’elle avait des ecchymoses et des œdèmes dans le dos. Elle est morte dans la soirée, vers 19 h 45.

La police locale, appelée par le centre de santé, aurait refusé d’ouvrir une enquête, au motif que ce serait « trop compliqué » dans la mesure où le corps avait été retrouvé non loin d’un camp militaire. Elle a, à la place, ordonné aux villageois d’enterrer le corps, ce qui a été fait le lendemain. Selon des sources dignes de foi, aucune autopsie n’a été pratiquée.

Amnesty International demande aux autorités du Myanmar d’ouvrir immédiatement une enquête sur la mort et le viol présumé de Raysuana, en veillant à ce que cette enquête soit indépendante, impartiale et efficace. Les conclusions de l’enquête devront être rendues publiques. Tous les responsables présumés devront être déférés à la justice et jugés par des tribunaux civils indépendants, dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales d’équité et sans recours à la peine de mort. Les auteurs présumés qui appartiennent aux forces de sécurité devront être immédiatement suspendus de leurs fonctions.

Amnesty International demande également aux autorités de sécuriser la scène de crime, et de garantir la sécurité de tous les témoins éventuels et de toutes les personnes fournissant des informations sur cette affaire. Amnesty International appelle en outre les autorités à diligenter une enquête sur les allégations selon lesquelles la police a refusé d’ouvrir une enquête sur cette affaire, et si tel est effectivement le cas, à prendre des mesures disciplinaires ou autres contre les responsables. Les autorités doivent également accorder à la famille de Raysuana des recours utiles et des réparations.

Le village de Thet Kay Pyin est situé dans le secteur de Sittwe, où vivent des dizaines de milliers de personnes, principalement des Rohingyas, toujours déplacés quatre ans après la vague de violences qui s’est abattue sur l’État d’Arakan, en 2012. Le droit de circuler librement des Rohingyas et des autres musulmans qui vivent dans ce secteur est soumis à fortes restrictions, et ces personnes subissent de fait une ségrégation. Du fait de ces restrictions, il leur est parfois très difficile d’avoir accès à des soins médicaux, en particulier à des traitements médicaux vitaux.

L’affaire concernant Raysuana s’inscrit dans le cadre de violations des droits humains commises contre les Rohingyas, notamment des homicides illégaux, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que des arrestations arbitraires aux mains des forces de sécurité. Il est rare que des enquêtes indépendantes et impartiales soient menées sur de telles allégations, et les auteurs présumés de tels actes ne sont quasiment jamais amenés à rendre des comptes.

Cette affaire illustre également les motifs de préoccupation plus généraux relatifs aux viols et aux autres crimes de nature sexuelle commis contre des femmes appartenant à des minorités ethniques, sur lesquels des organisations de défense des droits des femmes au Myanmar ont rassemblé de nombreuses informations. Dans ses observations finales de 2016, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est dit préoccupé par « l’impunité généralisée dont bénéficient les auteurs de telles violences », et a appelé le gouvernement du Myanmar à « accélérer les enquêtes et les poursuites judiciaires portant sur des violences sexuelles commises par des membres de l’armée ou de groupes armés ».

L’impunité persistante qui permet aux violations des droits humains de rester impunies ne sert qu’à entretenir le cycle des atteintes aux droits humains. Les autorités doivent veiller à ce que les auteurs de ces actes n’échappent pas à l’obligation de rendre des comptes, et à ce que les victimes et leurs proches qui portent plainte et cherchent à obtenir réparation ne fassent pas l’objet de représailles.

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