PORTUGAL : Droits humains : des problèmes persistants restent à résoudre

Au moment où le Comité des droits de l’homme des Nations unies publie ses Observations finales sur le troisième rapport périodique du Portugal, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), Amnesty International a de nouveau exprimé, ce vendredi 8 août, ses inquiétudes quant aux graves violations des droits humains dans ce pays.
Parmi ces préoccupations figurent :

 d’éventuels recours illégaux aux armes à feu par la police, ayant entraîné la mort ;

 des décès en garde à vue ou en détention provisoire ayant eu lieu dans des circonstances non éclaircies, dont des suicides ;

 la passivité de l’administration pénitentiaire face aux violences entre prisonniers, ce qui a parfois débouché sur des homicides ;

 l’inaction des autorités portugaises face aux mauvais traitements commis par des membres des forces de l’ordre ;

 les conditions de détention dans certaines prisons, qui correspondent à un traitement cruel, inhumain et dégradant, notamment en raison du manque de mesures prises par l’administration pénitentiaire pour permettre l’accès à des installations sanitaires suffisantes ;

 des mécanismes insuffisants et inefficaces pour traiter les plaintes des détenus concernant des violations présumées de leurs droits humains ;

 des allégations faisant état de pratiques policières discriminatoires, comme les insultes racistes ;

 des lenteurs dans le processus judiciaire, notamment lorsqu’il s’agit de traduire en justice les responsables présumés de violations des droits humains ; et

 le manque de mesures prises par les autorités pour séparer les personnes en détention provisoire des délinquants condamnés.

L’organisation demande aux autorités portugaises :

 de mettre en œuvre pleinement et prioritairement les recommandations du Comité des droits de l’homme.

 d’ouvrir promptement une information judiciaire sur tous les cas de violations des droits humains dans lesquels des soupçons raisonnables pèsent sur des membres de la police ou du personnel pénitentiaire ; ces enquêtes devraient aboutir rapidement, et les inculpés devraient être traduits en justice dans des délais raisonnables, et faire l’objet d’un procès équitable ;

 de créer une agence de surveillance de la police qui soit totalement indépendante du ministère de l’Intérieur, dotée de la capacité d’enquêter sur les violations graves des droits humains commises par des agents des forces de l’ordre, et de mettre en œuvre des mesures disciplinaires ;

 d’assurer la protection du droit à la vie et à l’intégrité physique et mentale de toutes les personnes en garde à vue ou en détention provisoire ;

 de séparer les personnes en détention provisoire des détenus condamnés ;

 de permettre un accès rapide et régulier à des installations sanitaires et à des soins médicaux adéquats pour toutes les personnes placées en garde à vue ;

 de créer une agence de surveillance des services pénitentiaires, dotée de moyens suffisants, complètement indépendante de l’administration pénitentiaire et du ministère de la Justice, ayant le pouvoir d’enquêter sur les plaintes de détenus et de visiter à l’improviste tous les établissements pénitentiaires ; et

 de réévaluer les méthodes de maintien de l’ordre dans les zones économiquement et socialement défavorisées, afin de prévenir tout comportement discriminatoire des forces de l’ordre.

Recours illégal aux armes à feu par la police, ayant entraîné la mort
L’organisation est préoccupée par l’usage des armes à feu qu’auraient fait à plusieurs reprises des membres des forces de l’ordre, en violation des normes internationales et des règles et textes de lois nationaux. Amnesty International s’inquiète tout particulièrement de la mort d’Ângelo Semedo, António Pereira et Nuno Lucas, décédés dans ces conditions. Ces trois affaires distinctes se sont produites entre décembre 2001 et août 2002. Selon les renseignements recueillis par Amnesty International, bien que les circonstances de ces homicides n’aient pas encore été éclaircies, rien n’indique que ces trois hommes aient été armés au moment des faits, ni qu’ils constituaient un danger clair et imminent pour les vies des policiers ou des personnes présentes sur place.
Outre les actions des policiers impliqués personnellement dans les cas mentionnés ci-dessus, Amnesty International s’inquiète du fait que ces incidents soient symptomatiques d’une formation insuffisante à l’utilisation des armes à feu, aussi bien en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles leur usage est légal que les aspects techniques de leur utilisation. Amnesty International est également préoccupée du fait que les policiers concernés n’ont pas été suspendus du service actif, et qu’aucune mesure de précaution n’a été prise pour leur retirer leurs armes à feu, en attendant l’enquête interne et l’information judiciaire.

Décès en garde à vue

Amnesty International a exprimé son inquiétude à plusieurs reprises à propos des décès en garde à vue, ou peu de temps après que la personne concernée ait été apparemment maltraitée par la police. Ainsi, l’organisation renouvelle ses préoccupations concernant le manque de volonté des autorités portugaises pour traduire promptement en justice les responsables présumés de violations des droits humains, en raison de la lenteur du processus judiciaire.

Suicides en garde à vue
Amnesty International s’inquiète d’informations faisant état du peu d’empressement que montrent les autorités à protéger le droit à la vie des personnes détenues dans les postes de police, en particulier contre les risques de blessures auto-infligées. Entre décembre 2001 et janvier 2002, un certain nombre de suicides ont eu lieu en garde à vue, notamment une suite de trois suicides de personnes d’origine ukrainienne dans différents postes de police. Selon diverses informations, au moins deux de ces hommes étaient détenus pour troubles à l’ordre public, au cours desquels ils auraient déclaré être menacés par des individus impliqués dans des activités illégales, et auraient demandé la protection de la police. Des informations portant sur les circonstances de suicides présumés ayant récemment eu lieu en garde à vue indiquent que certains facteurs ont pu contribuer à ces suicides, comme le manque de sécurité en détention, et l’oubli ou l’insuffisance des procédures visant à identifier les personnes particulièrement vulnérables et à traiter leur cas.

Décès en prison

Amnesty International est très préoccupée de l’absence de mesures prises par les autorités pour assurer la protection du droit à la vie des personnes détenues en prison, en particulier contre la violence entre prisonniers, et la violence contre soi dans le cas de personnes particulièrement vulnérables. La violence entre prisonniers a constitué un grave problème dans les prisons portugaises au cours de la dernière décennie ; la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années, avec des événements très graves, dont certains aux conséquences mortelles, survenus au deuxième semestre 2001.
Selon des informations reçues par Amnesty International, entre juillet 2001 et janvier 2002, quatre personnes ont été tuées en raison de violences entre prisonniers, dont trois (Rui Jorge Oliveira Gomes, Augusto Morgado Fernandes et António Oliveira Dias) à la prison de Vale de Judeus. Cet établissement pénitentiaire, qui n’a pourtant pas été conçu pour servir de prison de haute sécurité, reçoit des prisonniers dangereux et des condamnés à de longues peines.

Suicides en prison
En 2001, 20 personnes seraient mortes de blessures auto-infligées dans les prisons portugaises. Il s’agit du nombre le plus élevé depuis 1998, où 20 suicides avaient également été enregistrés, contre 13 en 1999 et 10 en 2000.
Amnesty International s’inquiète du manque éventuel de formation du personnel pénitentiaire quant à l’identification et la sécurité des détenus particulièrement vulnérables ; de même, les procédures permettant d’assurer leur sécurité et de répondre à leurs besoins - en particulier médicaux - seraient soit négligées, soit inexistantes dans certains établissements pénitentiaires.

Mauvais traitements et comportements racistes de policiers
Amnesty International continue à recevoir de nombreuses informations faisant état de mauvais traitements infligés par des policiers, y compris à des enfants, des femmes ou des personnes appartenant à des minorités ethniques, au moment de leur arrestation ou dans les postes de police. Ces informations faisant état de mauvais traitements ou de comportements racistes de policiers ont été confirmées par un certain nombre d’organisations non gouvernementales.

Index AI : EUR 38/002/2003

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