Position d’Amnesty International sur le cas de Siarheï Kavalenka

Ces derniers jours, plusieurs personnes et organisations, dont le député européen Henryk Migalski, ont appelé Amnesty International à reconnaître Siarheï Kavalenka comme prisonnier d’opinion. Voici pourquoi l’organisation n’a pas pu accéder à cette demande.

Siarheï Kavalenka, militant du Parti chrétien conservateur du Front populaire bélarussien (BNF), a été reconnu coupable en mai 2010 d’avoir résisté à son arrestation le 7 janvier 2010, alors qu’il avait placé l’ancien drapeau bélarussien au sommet de l’arbre de Noël de 35 mètres situé sur la Place Peramohi, à Vitebsk. Le tribunal du district d’Oktiabrskij (Vitebsk) l’a condamné à trois ans de prison avec sursis. Le 24 février 2012, Siarheï Kavalenka a été condamné à deux ans et un mois de prison en vertu de l’article 415 du Code pénal pour non-respect des conditions de son sursis.

Amnesty International n’a pas pu reconnaître Siarheï Kavalenka comme prisonnier d’opinion car, en l’absence de témoins, elle n’est pas en mesure d’établir avec certitude que cet homme n’a pas résisté violemment à son arrestation le 7 janvier 2010.

Or, elle ne peut qualifier une personne de prisonnier d’opinion que si elle est certaine, à l’issue d’une enquête la plus minutieuse possible, que cette personne n’est détenue que pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. L’organisation doit donc, après un examen le plus approfondi possible des preuves disponibles, parvenir à la certitude que les charges retenues contre la personne sont fausses ; elle ne peut se contenter de s’appuyer sur une présomption générale considérant que le témoignage des représentants de l’État sur lequel repose la condamnation est un mensonge.

En ce qui concerne Siarheï Kavalenka, il existe sans aucun doute des motifs de croire que cela pourrait être le cas. En effet, avant son arrestation le 7 janvier 2010, cet homme avait déjà été inculpé et condamné à de la détention administrative et à des amendes pour avoir exprimé ses opinions et organisé des activités politiques.

Toutefois, si Amnesty International ne fondait ses conclusions relatives aux prisonniers d’opinion que sur la présomption selon laquelle les représentants des régimes répressifs ne disent jamais la vérité, cela porterait atteinte à sa crédibilité.

Le fait d’appliquer une définition très rigoureuse du prisonnier d’opinion a pour conséquence que certains ne rentrent pas dans le cadre, parfois à peu de choses près, comme Siarheï Kavalenka.

Il a été dit à Amnesty International que, en refusant de reconnaître Siarheï Kavalenka comme prisonnier d’opinion, elle accordait le bénéfice du doute aux autorités bélarussiennes, et en particulier aux policiers impliqués dans cette affaire.

Cependant, l’organisation n’affirme en aucun cas que cet homme n’est pas un prisonnier d’opinion ; elle dit juste qu’elle ne peut pas, en toute bonne foi, affirmer avec certitude qu’il en est un. Si Amnesty International reconnaissait comme prisonniers d’opinion toutes les personnes simplement susceptibles de l’être, et non celles dont elle a la certitude qu’elles le sont, elle risquerait d’affaiblir le sens de cette dénomination au détriment de tous ceux qu’elle reconnaît comme tels.

En avril 2012, l’organisation s’est inquiétée de l’état de santé de Siarheï Kavalenka et a écrit au ministère de l’Intérieur bélarussien pour lui rappeler l’obligation du Bélarus, aux termes de l’article 10(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politique, de traiter humainement et avec respect toutes les personnes privées de liberté. Elle a demandé que le prisonnier soit examiné par un médecin indépendant et impartial et transféré dans un hôpital civil.

Siarheï Kavalenka a entamé une grève de la faim lors de son incarcération le 19 décembre 2011. Le 16 janvier 2012, il a commencé à être alimenté de force au moyen d’une sonde. Il a ensuite accepté de manger une fois par jour pendant une très brève période, à l’issue de laquelle il a repris sa grève de la faim, qu’il a poursuivie sans interruption jusqu’au 19 février. Il était alors dans un état critique et avait besoin de soins médicaux spécialisés. Il a donc été transféré dans le service psychiatrique de l’hôpital de la colonie pénitentiaire Vitba-3. Au 17 mars, il était sous perfusion et recevait par ce biais, contre son gré, du glucose, des acides aminés et une solution saline. Au 31 mars, il était alimenté de force au moyen d’une sonde avec des aliments infantiles, ainsi que de la bouillie de flocons d’avoine introduite progressivement dans son régime. Le 11 avril, il a recommencé à manger. Cependant, le 8 mai, il a repris sa grève de la faim et il est actuellement détenu au centre de détention n° 2 de Vitebsk. Son état de santé est extrêmement préoccupant et il a besoin de soins médicaux spécialisés.

L’épouse de Siarheï Kavalenka, Elena, ainsi que le cousin de celui-ci et une militante de la campagne civile European Belarus, ont été arrêtés le 18 mai à l’aube, avant le procès en appel de Siarheï Kavalenka. Ils ont été libérés dans la journée après avoir été inculpés de faits mineurs de houliganisme en vertu de l’article 17.1 du Code des infractions administratives de la République du Bélarus pour avoir tenté d’écrire «  Liberté pour Siarheï Kavalenka » à la craie sur le trottoir. Leur procès est prévu le 30 mai. Amnesty International considère que cet acte relève de l’exercice légitime de la liberté d’expression et appelle les autorités bélarussiennes à abandonner les charges retenues contre ces personnes et à cesser de harceler la famille et les sympathisants de Siarheï Kavalenka.

L’organisation continuera de travailler sur cette affaire et interviendra de nouveau si nécessaire.

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