Communiqué de presse

« Pourquoi ne me renvoient-ils pas à la mort ? » – Le désespoir des migrants aux frontières de l’Europe

Par Naomi Westland, attachée de presse chez Amnesty International Royaume-Uni. Naomi a retrouvé les chercheurs d’Amnesty en Grèce qui étudient la situation des réfugiés et des migrants tentant d’entrer en Europe.

Mytilène, principale ville portuaire de Lesbos, possède un charme rustique indéniable. Hélas, tous les charmes de cette ville égéenne ne parviennent pas à dissimuler une réalité accablante.

Au premier étage du poste de police de l’île, derrière des grilles, cinq cellules sombres et sales servent d’accueil à des réfugiés et à des migrants cherchant un asile, un sanctuaire, ou simplement une vie meilleure. Ce qu’ils ont trouvé en Grèce est loin de correspondre à leurs désirs.

« En Turquie, ils m’ont dit que je serai libre en Grèce, mais en fait, on m’a mis en prison ». Ainsi parle Ahmed, un jeune réfugié qui a fui la Syrie. Ses propos ont été recueillis par Giorgos Kosmopoulos et Irem Arf, deux chercheurs d’Amnesty International.

Ahmed est l’une des dizaines de milliers de personnes qui, en quête de sécurité, essayent d’entrer chaque année en Europe via la Grèce. L’année dernière, nombre de ces personnes sont arrivées sur des îles telles que Lesbos et Chios. Elles voulaient échapper aux conflits frappant la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak ou la Somalie.

Selon Irem, personne ne connaît exactement le nombre de gens qui s’engagent sur la route périlleuse séparant la Turquie de la Grèce, mais d’après les statistiques de la police, ce nombre a augmenté depuis que la surveillance de la frontière de l’Evros s’est renforcée (par une barrière de 10,5 km et une présence policière accrue) il y a un an.

« Les gens tentent d’échapper à la guerre et à la pauvreté. Ils prennent des risques de plus en plus grands pour atteindre l’Europe, et du fait que les voies d’accès sont toujours plus dangereuses, certains de ces gens meurent », ajoute Irem.

Le mois dernier, six Syriens se sont noyés, notamment une jeune fille de 17 ans, enceinte, et une autre mère avec son enfant. En décembre de l’année dernière, un bateau a chaviré et 27 réfugiés, afghans pour la plupart, se sont noyés près de Mytilène. Seul un adolescent de 16 ans a survécu.

Ceux qui parviennent à atteindre la Grèce y sont traités de façon choquante. Ils sont détenus dans des cellules qui ne sont pas adaptées aux êtres humains, explique Efi Latsoudi, coordinatrice de l’ONG Médecins du Monde, qui travaille depuis peu sur Lesbos. Beaucoup ont des problèmes de santé, qui ne sont pas soignés et aggravés par leurs conditions de détention, ajoute-t-elle.

« Les femmes enceintes ne devraient pas être détenues, mais c’est pourtant ce qui leur arrive ici. Nous avons rencontré un homme souffrant d’une malformation cardiaque congénitale. D’autres détenus présentent souvent des problèmes psychologiques. Même les enfants sont détenus. Ce ne sont pas des conditions humaines », a conclu Efi Latsoudi.

Derrière les barreaux des cellules, nous trouvons des détenus en détresse. Certains paraissent hallucinés. Ils ont peur et tentent de comprendre pourquoi le sanctuaire qu’ils recherchaient leur est refusé. Ils ne s’attendaient pas à ça, lors de leur départ.

Les histoires de traversées nocturnes, terrifiantes, sont nombreuses et se ressemblent. Une femme nous a raconté comment elle était tombée à la mer. Elle ne savait pas nager et a donc dérivé, emportée loin de l’embarcation. Un homme a risqué sa vie pour la sauver. Elle le considère désormais comme un membre de sa famille.

Cette semaine, nous avons vu de nouvelles personnes arriver, épuisées, apeurées et affamées. On les a embarquées dans un minibus pour les enregistrer. Beaucoup d’autres ont subi le même traitement. Ils n’ont pu sortir du bus que pour aller aux toilettes.

D’autres nous ont dit ne pas avoir assez à manger. Tout le monde était unanime : pourquoi sommes-nous si mal traités ? Ils sont nombreux à s’empêcher de pleurer en racontant leurs histoires, mais tous sont reconnaissants envers les bénévoles qui leur offrent de la nourriture et un accueil. Un réfugié a décrit un bénévole comme son « ange ».

Pour ces personnes détenues dans des cellules évoquant d’anciennes oubliettes, il faut attendre, parfois plusieurs semaines, que les autorités donnent 30 jours pour quitter la zone et permettent ainsi de poursuivre le long périple jusqu’à Athènes, la destination de la plupart des migrants.

Nous avons demandé à Ahmed comment il se sentait depuis son arrivée en Grèce. Il était d’abord incapable de parler. Il a juste posé sa main sur sa poitrine, un geste qui exprimait toutes ses souffrances, et ses yeux, à nouveau, se sont emplis de larmes. Il a pris une profonde inspiration, puis a déclaré : « Pourquoi ne me renvoient-ils pas à la mort en Syrie ? Ce serait toujours mieux qu’ici. ».

Nous irons à Athènes dans quelques jours pour y étudier la situation. Nous vous tiendrons au courant.

Avertissement : Certains noms ont été changés.

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