Préoccupations actuelles à propos de Mahmoud Abu Rideh

Déclaration publique

Index AI : EUR 45/007/2009
 ÉFAI
 1er juillet 2009

Amnesty International est préoccupée par le cas de Mahmoud Abu Rideh, un Palestinien apatride reconnu en tant que réfugié au Royaume-Uni en 1997, qui fait l’objet depuis plus de quatre ans d’une « ordonnance de contrôle » émise par les autorités britanniques.

Cet homme a été détenu sans inculpation entre décembre 2001 et mars 2005 dans la prison de haute sécurité de Belmarsh et à l’hôpital spécial de Broadmoor au titre de la Loi de 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Il fait l’objet d’« ordonnances de contrôle » depuis le 11 mars 2005 aux termes de la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme.

À la connaissance d’Amnesty International, Mahmoud Abu Rideh a écrit plusieurs lettres au Premier ministre et au ministère de l’Intérieur, dont la dernière date du 26 mai 2009, en leur demandant de lever l’ordonnance de contrôle ou de lui délivrer les documents de voyage reconnus sur le plan international dont il a besoin pour pouvoir partir à l’étranger.

La rigueur des obligations qui accompagnent cette mesure, combinée à sa durée, ont eu un grave impact sur la santé physique et mentale de Mahmoud Abu Rideh. L’organisation a été informée qu’il avait atteint un degré élevé de désespoir et qu’il existait un risque réel qu’il tente de se suicider s’il continue à faire l’objet d’une ordonnance de contrôle au Royaume-Uni et s’il est privé des documents de voyage reconnus sur le plan international dont il a besoin pour quitter le pays. Il a déjà tenté à trois reprises de mettre fin à ses jours, la dernière fois en mai 2008.

C’est dans ce cadre qu’Amnesty International surveille le cas de cet homme et qu’elle a exprimé sa préoccupation aux autorités britanniques à propos du traitement infligé tant à Mahmoud Abu Rideh qu’à d’autres personnes détenues au titre d’ordonnances de contrôle.

L’imposition prolongée d’ordonnances de contrôle au titre de la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme

Amnesty International estime que l’imposition d’ordonnances de contrôle aux termes de la Loi relative à la prévention du terrorisme équivaut à inculper, juger et condamner un individu en le privant des garanties d’équité exigées dans les procédures pénales. L’organisation considère que le système des ordonnances de contrôle mis en place par la Loi relative à la prévention du terrorisme est en soi contraire aux principes du droit, à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à la protection des droits humains au Royaume-Uni. Il met tout particulièrement en échec le principe de l’égalité devant la loi et le droit à un procès équitable – comprenant la présomption d’innocence, le principe de l’égalité des armes, le droit à l’assistance d’un avocat et à une défense efficace – de surcroît lorsque les restrictions imposées à un individu sont équivalentes à une privation de liberté. Ce système permet à un ministre du gouvernement, sous réserve d’un réexamen judiciaire limité, d’imposer des restrictions sévères au droit à la liberté de mouvement, et dans certains cas à la liberté, d’un individu soupçonné de mener des activités liées au terrorisme, mais qui n’a fait l’objet d’aucune inculpation. La procédure selon laquelle une ordonnance de contrôle peut être contestée devant les tribunaux est profondément inéquitable, notamment parce qu’elle utilise largement des éléments tenus secrets examinés lors d’audiences à huis clos et qui ne sont pas communiqués aux intéressés, ni à leurs avocats.

Mahmoud Abu Rideh a été détenu pendant plus de trois ans au titre du chapitre IV de la Loi de 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme parce qu’il était soupçonné d’implication dans des activités à caractère terroriste. Les éléments à l’origine de ces soupçons lui ont largement été dissimulés, ainsi qu’à ses avocats. Une ordonnance de contrôle a été prononcée immédiatement après sa remise en liberté en mars 2005, aux termes de la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme. Il a ensuite fait l’objet de nouvelles ordonnances de contrôle pendant plus de quatre ans. Actuellement, Mahmoud Abu Rideh est tenu de rester chez lui douze heures par jour et de téléphoner à une société de surveillance trois fois dans la journée. Toutes les visites qu’il reçoit chez lui doivent être préalablement approuvées par le ministère de l’Intérieur. Il ne peut avoir de connexion Internet à son domicile. Toute violation de ces règles est considérée comme une infraction pénale. Mahmoud Abu Rideh n’a, à ce jour, été inculpé d’aucune infraction majeure à caractère terroriste. Il n’a été jugé pour aucune des inculpations dont il a fait l’objet pour des violations présumées de son ordonnance de contrôle.

Amnesty International a pris acte des recommandations formulées dans les deux derniers rapports annuels publiés par Lord Carlile, l’expert indépendant chargé d’étudier la législation antiterroriste. L’organisation déplore tout particulièrement que, bien que Lord Carlile ait réclamé une stratégie de sortie du système de l’imposition prolongée d’ordonnances de contrôle, aucune mesure ne semble avoir été prise dans le cas de Mahmoud Abu Rideh. Lord Carlile a par ailleurs fait observer que les ordonnances de contrôle ne pouvaient être maintenues indéfiniment et qu’elles ne pouvaient normalement pas être justifiées pendant plus de deux ans. Amnesty International est préoccupée par le fait que Mahmoud Abu Rideh est soumis à une telle mesure depuis plus de quatre ans. Qui plus est, il n’a pas été autorisé à consulter ni à contester de nombreux éléments sur lesquels se fondent les autorités pour affirmer qu’il est, ou a été, impliqué dans des activités liées au terrorisme. La décision récente de la Chambre des Lords dans l’affaire AF, AN et AE a conclu à l’unanimité qu’en vue de garantir la primauté du droit les suspects devaient être suffisamment informés des allégations formulées contre eux afin d’être en mesure de les contester de manière efficace.

En bref, Amnesty International estime que le maintien continu et apparemment illimité d’une ordonnance de contrôle à l’encontre de Mahmoud Abu Rideh sur la base d’allégations qu’il n’a pas été véritablement en mesure de contester est injuste et disproportionné et qu’il constitue une violation des obligations du Royaume-Uni au regard des traités relatifs aux droits humains. L’organisation prie instamment les autorités britanniques d’annuler immédiatement l’ordonnance de contrôle dont Mahmoud Abu Rideh fait l’objet ou, à défaut, de l’inculper d’une infraction reconnue par la loi et de le juger selon une procédure équitable lui permettant de contester effectivement les allégations formulées à son encontre.

Préoccupations concernant la santé de Mahmoud Abu Rideh

Palestinien apatride, Mahmoud Abu Rideh a été reconnu en tant que réfugié au Royaume-Uni en 1997. Il a été victime de torture et souffre d’un syndrome post-traumatique ainsi que l’a confirmé le Comité européen pour la prévention de la torture, un organe du Conseil de l’Europe, dans son rapport de 2004. Amnesty International pense que l’ordonnance de contrôle prise à son encontre a des conséquences graves sur son bien-être, et particulièrement son état de santé physique et mental. Un psychiatre qui l’a examiné en 2008 a affirmé que l’obligation de se présenter tous les jours au poste de police, l’une des restrictions accompagnant l’ordonnance de contrôle jusqu’au 8 août 2008, « avait des conséquences extrêmement néfastes pour sa santé mentale ». Mahmoud Abu Rideh a déjà tenté à trois reprises au moins de mettre fin à ses jours, la dernière fois en mai 2008.

Les autorités britanniques doivent surveiller dans la pratique l’impact des mesures coercitives – comme la détention et les ordonnances de contrôle – sur l’état de santé mentale des personnes qui en font l’objet, tout particulièrement lorsqu’elles ont connaissance des antécédents psychiatriques complexes des intéressés. Amnesty International considère que les autorités se sont montrées défaillantes dans le cas de Mahmoud Abu Rideh. L’organisation est particulièrement préoccupée par la dégradation apparente de l’état de santé mentale de Mahmoud Abu Rideh et le risque accru de suicide résultant des restrictions accompagnant son ordonnance de contrôle et de l’impact que ces mesures ont sur sa vie de famille. Son épouse et ses six enfants, qui sont des citoyens britanniques, ont quitté le Royaume-Uni pour la Jordanie le 25 mai 2009, où ils sont allés s’installer chez ses beaux-parents. L’organisation craint que le départ de sa femme et de ses enfants n’augmente le risque qu’il se suicide en raison, selon ses avocats, de son désespoir à l’idée de perdre sa famille pour toujours.

Délivrance d’un document de voyage reconnu sur le plan international conformément aux dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention sur les réfugiés)

Les autorités britanniques sont tenues, aux termes de l’article 28 de la Convention sur les réfugiés, de délivrer des documents de voyage à Mahmoud Abu Rideh.

Dans son Observation générale 27 sur la liberté de circulation (art. 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait observer : « Pour que l’individu jouisse des droits garantis au paragraphe 2 de l’article 12, des obligations sont imposées tant à l’État dans lequel il réside qu’à l’État dont il est ressortissant. Étant donné que, pour voyager à l’étranger, il faut habituellement des documents valables, en particulier un passeport, le droit de quitter un pays comporte nécessairement celui d’obtenir les documents nécessaires pour voyager. La délivrance des passeports incombe normalement à l’État dont l’individu est ressortissant. Le refus d’un État de délivrer un passeport à un national qui réside à l’étranger ou d’en prolonger la validité peut priver l’individu de son droit de quitter le pays de résidence et d’aller ailleurs. »

Amnesty International pense que Mahmoud Abu Rideh étant dans l’incapacité d’obtenir des documents de voyage palestiniens, il ne peut dans la pratique exercer son droit de quitter un pays que si les autorités britanniques lui délivrent un document de voyage idoine. L’organisation a appris que les autorités britanniques tardaient à répondre aux demandes de Mahmoud Abu Rideh qui sollicite l’autorisation de quitter le pays et la délivrance d’un document de voyage reconnu sur le plan international afin de pouvoir quitter le Royaume-Uni pour une destination sûre.

Amnesty International sait que cet homme et ses avocats se sont adressés à plusieurs reprises en 2008 au ministère de l’Intérieur et au parquet pour qu’il obtienne l’autorisation de quitter le Royaume-Uni. À la connaissance de l’organisation, le document de voyage de Mahmoud Abu Rideh délivré aux termes de la Convention sur les réfugiés a expiré en février 2009 et sa demande de renouvellement a été rejetée. Amnesty International a également vu des copies de lettres qu’il a adressées le 26 mai 2009 au ministre de l’Intérieur et au Premier ministre pour demander la délivrance d’un document de voyage reconnu sur le plan international et lui permettant de quitter le Royaume-Uni.

En bref, il semble que lorsque Mahmoud Abu Rideh disposait d’un document de voyage en cours de validité il n’était pas autorisé à quitter le Royaume-Uni et qu’une fois l’autorisation accordée, il s’est vu refuser le renouvellement du document de voyage reconnu sur le plan international qui lui permettrait d’exercer son droit de quitter le Royaume-Uni dans la dignité et la sécurité pour se rendre dans un pays de son choix.

Amnesty International estime que le retard dont font preuve les autorités pour autoriser Mahmoud Abu Rideh à quitter le Royaume-Uni et pour lui délivrer un document de voyage reconnu sur le plan international et lui permettant de quitter le pays semble en contradiction avec les droits de cet homme aux termes de l’article 12-2 du PIDCP et l’empêche de jouir de ses droits à l’intimité et à la vie de famille garantis par l’article 17 du PIDCP et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

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