Préoccupations en matière de droits humains en Afrique du Sud pendant la Coupe du monde

ÉFAI-4 juin 2010
Index AI : AFR 53/007/2010

Violations des droits humains à l’approche de la Coupe du monde
Les actes de harcèlement menés par la police contre des vendeurs des rues (camelots), des Sud-Africains sans domicile fixe et des réfugiés et migrants vivant dans des centres d’accueil ou des logements surpeuplés dans les quartiers pauvres ont augmenté.
Ce harcèlement se traduit par des descentes de police, des arrestations arbitraires, des mauvais traitements et de l’extorsion ainsi que par la destruction de logements informels.
Ces destructions ont lieu sans avertissement préalable, en l’absence de toute proposition de solution de relogement satisfaisante ou de compensation, et au mépris du droit national, qui interdit les expulsions forcées.

La réglementation adoptée dans les villes hôtes pour respecter les exigences de la FIFA est utilisée par la police pour éloigner les vendeurs ambulants de sites à accès contrôlé et de zones d’exclusion aux alentours des lieux accueillant la Coupe du monde. Les infractions à cette réglementation sont passibles d’amendes pouvant atteindre 10 000 rands (environ 1 000 euros) et de peines pouvant aller jusqu’à six mois de prison.
En mai 2010, des camelots ont protesté devant le centre des opérations de la FIFA à Soweto pour demander que les autorités mettent un terme aux expulsions et aux mesures perturbant leurs activités à proximité des stades de football. Ailleurs, des tensions sont apparues entre la police et les vendeurs des rues, des policiers ayant confisqué les marchandises de ces derniers dans le but de « nettoyer » les rues en amont de la Coupe du monde.

Violences xénophobes

Au cours des cinq premiers mois de 2010, au moins 11 cas d’attaques et de pillages avec violence de magasins appartenant principalement à des ressortissants somaliens ou éthiopiens ont été recensés dans cinq provinces.

Ces flambées de violence coïncident souvent avec des manifestations publiques visant à protester contre la corruption et contre le fait que les autorités locales ne fournissent pas certains services de base aux quartiers pauvres.

Les migrants et les réfugiés sont perçus par certains comme des rivaux sur le plan de l’emploi, du logement et des opportunités économiques, et deviennent la cible de violences lors des manifestations. Cependant, les attitudes xénophobes alimentent aussi ces violences et semblent être à l’origine du manque d’empressement de la police à réagir voire, dans certains cas, de sa complicité dans les agressions. Il est très difficile pour les victimes d’obtenir justice et réparation.

Début juin, le gouvernement a répondu aux appels de la société civile sud-africaine, d’Amnesty International et d’autres organismes, qui lui demandaient de porter le plus rapidement possible son attention sur les éléments pouvant indiquer d’éventuelles violences xénophobes à grande échelle, en particulier les menaces adressées à des réfugiés et à des migrants affirmant qu’« après la Coupe du monde », ils seraient de nouveau chassés de leur quartier ou du pays.

Après la réunion des ministres le 2 juin, le gouvernement a annoncé la mise en place d’un comité interministériel chargé de se pencher sur les attaques et les menaces visant des ressortissants étrangers, et il a promis que les organes chargés de l’application des lois agiraient promptement contre toute personne incitant ou participant à des actes de violence visant des ressortissants étrangers. Amnesty International salue cette décision.

Crimes violents et maintien de l’ordre

Les forces de sécurité ont prévu des mesures pour assurer la sécurité des stades de football et d’autres lieux où des rassemblements de fans et de visiteurs sont attendus.
Ces plans inspirent quelques inquiétudes à Amnesty International. Premièrement, les énormes ressources ayant dû être déployées en prévision de la Coupe du monde, en grande partie en réponse aux exigences fixées par la FIFA, auront des conséquences sur la sécurité des Sud-Africains, en particulier ceux qui vivent dans les zones les plus pauvres, où le maintien de l’ordre et la prévention de la délinquance relèvent déjà du défi.

Les réfugiés et les migrants, qui ne parviennent déjà pas obtenir une protection policière efficace contre les attaques xénophobes, pourraient devenir de plus en plus vulnérables.
Deuxièmement, le fait que la priorité soit donnée à la protection des visiteurs pourrait conduire la police à recourir à la force meurtrière contre des suspects de manière abusive et contraire aux normes internationales relatives aux droits humains. Les plans d’urgence de la police liés à l’« extrémisme national » et aux « manifestations » ne doivent pas entraîner de recours excessif à la force ni porter atteinte au droit de rassemblement pacifique des manifestants.

Amnesty International et d’autres organismes ont constaté une augmentation du nombre de cas de torture de suspects dans le cadre d’informations judiciaires, de recours excessif à la force contre des manifestants et de décès dus à un usage abusif de la force meurtrière en 2009. Dans la province du KwaZulu-Natal, le nombre de tirs meurtriers effectués par la police a augmenté de 47 % au cours des deux dernières années.

Dépenses pour la Coupe du monde

L’Afrique du Sud est confrontée à des difficultés socio-économiques majeures et le gouvernement lutte pour faire face de manière efficace au taux de chômage qui se maintient à un niveau élevé, aux fortes inégalités et aux disparités dans la mise à disposition de services de base aux communautés pauvres, urbaines ou rurales.
Amnesty International ne se prononce pas sur les dépenses engagées par le gouvernement en relation avec l’organisation d’événements sportifs de renommée planétaire. Les préparatifs de la Coupe du monde semblent avoir donné lieu à la création d’emplois temporaires ; il est par ailleurs possible que le développement de meilleures infrastructures de transport public ait des effets positifs à long-terme.
Cependant, des manifestants issus des couches pauvres de la population continuent à déplorer le fait que la majorité des Sud-Africains restent exclus des retombées bénéfiques de l’organisation de la Coupe du monde dans le pays.

Les dispositions appliquées en vertu des règlements de la FIFA, qui créent de vastes zones d’exclusion pour l’économie souterraine, sont perçues comme particulièrement néfastes dans un pays où une grande partie de la population dépend entièrement du secteur informel pour survivre.
L’un des principaux axes de campagne d’Amnesty International en Afrique du Sud consiste à faire en sorte que les services de santé spécialisés dans la prévention et le traitement du VIH et dans les soins qui y sont liés soient rendus plus accessibles à tous, sans discrimination, et en particulier aux femmes vivant dans des zones rurales isolées.

Le gouvernement a récemment lancé une nouvelle campagne visant à combattre l’épidémie du sida. Il va devoir montrer la même détermination que celle, évidente, dont il fait preuve dans le cadre des préparatifs de la Coupe du monde. Il faut notamment qu’il s’attaque aux difficultés liées aux transports, entre autres, qui représentent un obstacle au droit à la santé pour ces femmes, touchées de manière disproportionnée par cette épidémie.
Amnesty International appelle le gouvernement d’Afrique du Sud à :
• mettre un terme aux arrestations arbitraires et aux autres atteintes dont sont victimes des migrants et des Sud-Africains pauvres, notamment des vendeurs des rues, et qui constituent une application abusive d’arrêtés municipaux et de la règlementation en rapport avec la Coupe du monde ;
• diligenter une enquête indépendante et exhaustive sur les allégations d’atteintes commises par la police et les autorités de gouvernements locaux, et faire en sorte que les victimes de ces atteintes obtiennent justice et compensation ;
• veiller à ce que tout usage de la force par la police dans le but de maintenir l’ordre public soit proportionné et réponde aux normes internationales en matière de droits humains ;
• garantir la mise en place rapide de mécanismes efficaces de prévention et de réaction d’urgence, ainsi que l’instauration de mesures visant à combattre l’impunité pour les crimes commis contre des réfugiés et d’autres personnes nécessitant une protection internationale ;
• redoubler d’efforts dans sa lutte contre les atteintes persistantes aux droits des femmes à la dignité et à l’égalité, droits essentiels des programmes de prévention et de traitement du VIH.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit