Les autorités thaïlandaises doivent immédiatement abandonner l’enquête pénale ouverte contre trois des défenseurs des droits humains les plus en vue du pays, a déclaré Amnesty International lundi 25 juillet. Ces trois militants, parmi lesquels se trouve la présidente de la section thaïlandaise d’Amnesty International, risquent d’être inculpés le 26 juillet pour avoir rassemblé des informations et publié un rapport sur le recours à la torture par les forces de sécurité en Thaïlande.
Somchai Homla-or, Anchana Heemmina et Pornpen Khongkachonkiet, qui a été nommée à la présidence du bureau exécutif d’Amnesty International Thaïlande en juin, encourraient jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 4 800 dollars des États-Unis s’ils venaient à être déclarés coupables de « diffamation » et d’« infractions dans le domaine informatique ». Tous trois doivent se présenter à un poste de police de Pattani le 26 juillet.
« Il est paradoxal de constater qu’à l’heure où le gouvernement thaïlandais promet de légiférer contre la torture des militants sont harcelés pour avoir dénoncé cette pratique », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.
« Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement classer l’enquête pénale ouverte contre les trois militants, abandonner toutes les charges et ordonner l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur les graves violations des droits humains qu’ils ont dénoncées. L’État a le devoir de protéger les défenseurs des droits humains, pas d’éviter aux forces de sécurité d’avoir à rendre des comptes. »
Somchai Homla-or, Pornpen Khongkachonkiet et Anchana Heemmina sont membres de la Cross Cultural Foundation et du groupe Duay Jai. Ensemble, ils ont publié en février 2016 un rapport décrivant 54 cas de torture et autres mauvais traitements dont la police et l’armée royales thaïlandaises se seraient rendues coupables dans les provinces du sud, où la situation est instable.
La plainte contre eux a été déposée le 17 mai 2016 par le commandement des opérations de sécurité intérieure pour la quatrième région, responsable des opérations de sécurité dans les provinces du sud du pays, sur lesquelles se concentre le rapport.
Les accusations portées contre eux ne sont que la dernière manifestation en date d’une longue série d’actes visant à intimider des défenseurs des droits humains, ce qui va clairement à l’encontre de l’obligation qui incombe à la Thaïlande, au titre du droit international, de protéger les droits de ces personnes.
Depuis le coup d’État de 2014, le gouvernement militaire thaïlandais a intensifié ses efforts pour étouffer toute forme de dissidence, notamment en imposant de larges restrictions aux libertés d’expression, d’association et de réunion. Au cours des seuls trois derniers mois, les autorités ont engagé des poursuites contre plus de 100 personnes qui se seraient opposées à un projet de constitution devant être soumis à un référendum national le 7 août.
« Si ce genre de chose peut arriver à des militants connus, alors le message qu’envoie le gouvernement militaire est que personne ne peut lui échapper, personne n’est en sécurité », a affirmé Salil Shetty.
Amnesty International considère toute personne emprisonnée uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression comme un prisonnier d’opinion, qui doit être libéré immédiatement et sans condition.
Complément d’information
Somchai Homla-or est conseiller principal et ancien président de la Cross Cultural Foundation, une organisation qui rassemble des informations sur les violations des droits humains. Pornpen Khongkachonkiet est directrice de cette organisation.
Le mois dernier, elle a également été élue présidente du bureau exécutif d’Amnesty International Thaïlande, un rôle qu’elle exerce indépendamment de son travail avec la Cross Cultural Foundation.
Amnesty International n’a pas participé à l’élaboration ou à la publication du rapport des trois défenseurs des droits humains sur la torture.
Le 17 décembre 2015, la Thaïlande a soutenu, avec 127 autres États membres, une résolution des Nations unies condamnant les actes d’intimidation et de représailles organisés par des représentants de l’État contre des défenseurs des droits humains.