Amnesty International est extrêmement préoccupée par le fait que, quatre ans après l’arrêt rendu en 2007 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire D.H. et autres, les autorités tchèques n’ont toujours pas remédié à la discrimination structurelle du système éducatif à l’égard des enfants roms. La ségrégation illégale des enfants roms continue donc de sévir dans les écoles tchèques. Ceux qui sont touchés par cette ségrégation, quelle que soit sa nature, en subiront les conséquences tout au long de leur vie.
Dans l’arrêt rendu en 2007, la CEDH estimait que l’enseignement dispensé aux enfants roms en République tchèque compromettait leur développement personnel et leurs perspectives d’emploi.
Malgré ces graves répercussions, le gouvernement tchèque permet à cette discrimination structurelle de perdurer. Il a fait preuve d’une incapacité constante à s’attaquer de façon efficace et cohérente aux causes à l’origine de ces pratiques .Les statistiques du gouvernement lui-même montre que les enfants roms continuent d’être surreprésentés dans les établissements spécialisés dans l’accueil d’enfants souffrant d’un handicap mental léger, désormais rebaptisées « écoles pratiques ». Le médiateur de la République tchèque a estimé en 2010 que cette surreprésentation relevait de la discrimination.
Le problème de la discrimination à l’égard des enfants roms dans le système éducatif tchèque devait être traité dans le cadre du Plan national d’action en faveur d’une éducation pour tous, adopté en mars 2010. Amnesty International constate avec regret que sa mise en œuvre est à l’arrêt depuis 12 mois. L’incapacité du gouvernement à prendre des mesures prioritaires pour que les enfants roms bénéficient du même enseignement que les autres a entraîné la démission, en octobre 2010, des hauts responsables des groupes de travail du ministère de l’Éducation, et le départ d’experts extérieurs en mai 2011. La capacité du ministère à donner suite à l’arrêt de la Cour européenne s’en est trouvée extrêmement diminuée.
En mai 2011, le gouvernement a modifié deux textes législatifs portant sur la présence de services d’orientation dans les établissements scolaires et l’enseignement dispensé aux enfants, élèves et étudiants présentant des besoins éducatifs spécifiques. Ces modifications ont été présentées comme des mesures prises pour donner suite à l’arrêt rendu par la Cour européenne. Toutefois, Amnesty International considère que ces initiatives sont insuffisantes pour garantir une mise en œuvre effective de la décision de la Cour.
Amnesty International demande au Comité des ministres du Conseil de l’Europe, chargé de superviser l’application des arrêts de la Cour européenne, de veiller à ce que le gouvernement tchèque prenne les mesures nécessaires pour lutter contre les pratiques discriminatoires qui ont cours dans le pays et qui entraînent la ségrégation des enfants roms.
Complément d’information
Le 13 novembre 2007, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision qui fera date dans une affaire intentée par 18 enfants roms contre la République tchèque. Dans l’arrêt D.H. et autres c. République tchèque, elle a estimé que la ségrégation des enfants roms fondée sur leur origine ethnique constituait une violation de l’obligation incombant au gouvernement d’assurer l’accès de ces enfants à l’éducation sans discrimination. La Cour a rappelé au gouvernement tchèque qu’il était tenu, au titre de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de mettre fin à cette pratique et d’en réparer les conséquences dans la mesure du possible.
Dans un rapport sur la République tchèque publié en mars 2011, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Thomas Hammarberg écrit que la ségrégation à l’égard des enfants roms sévit de manière constante et généralisée dans le pays.
En juin 2011, le Comité sur les droits de l’enfant des Nations unies a déclaré dans ses Observations finales que les enfants roms continuaient d’être victimes de discriminations en République tchèque, notamment des pratiques illégales de ségrégation qui caractérisent le système éducatif classique.
En septembre 2011, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a exprimé sa préoccupation face à la ségrégation persistante dont font l’objet les enfants roms dans les écoles tchèques. Le Comité a critiqué les modifications apportées en mai 2011 à la législation secondaire concernant la présence de services d’orientation dans les écoles et l’enseignement dispensé aux enfants, élèves et étudiants présentant des besoins éducatifs spécifiques, faisant valoir que ces dispositions pouvaient renforcer la discrimination. Le Comité a exhorté la République tchèque à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la ségrégation des enfants et des élèves roms, et pour garantir qu’ils ne soient pas privés de leurs droits à l’éducation, quels que soient le type ou le degré d’enseignement.