Questions et réponses : la demande d’adhésion palestinienne à l’ONU et ce que cela implique pour les droits humains

Les efforts déployés par l’Autorité palestinienne sur le plan diplomatique pour obtenir un statut amélioré aux Nations unies ont suscité une grande attention au sein de l’Assemblée générale à New York. L’Autorité palestinienne demande à devenir membre à part entière des Nations unies, dans le cadre de sa stratégie pour que l’État palestinien soit plus largement reconnu.

Amnesty International ne prend pas position sur la résolution du conflit israélo-palestinien, ni sur les questions d’accession au statut d’État, y compris concernant l’initiative palestinienne en cours. En tant qu’organisation de défense des droits humains, nous tenons avant tout à ce que les accords, résolutions ou initiatives éventuels respectent les droits fondamentaux des Palestiniens et des Israéliens. Quelle que soit la décision des Nations unies, cependant, elle aura des répercussions considérables sur les questions de droits humains dans les territoires palestiniens occupés.

Quel est le statut actuel de la Palestine à l’ONU ?

Plus de 120 gouvernements ont reconnu la Palestine comme État. Son statut actuel n’est pourtant que celui d’une entité observatrice à l’Assemblée générale de l’ONU, où elle est représentée par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).


Que demande l’Autorité palestinienne et quelle est la prochaine étape ?

Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a soumis à Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, une demande pour que la Palestine devienne membre à part entière des Nations unies. Le secrétaire général doit transmettre cette demande au Conseil de sécurité de l’ONU. Pour que le Conseil accepte cette demande d’adhésion, au moins neuf de ses 15 membres doivent se prononcer en faveur de celle-ci lors d’un vote, tandis que les cinq membres permanents, qui ont un droit de veto, doivent soit voter en faveur de l’adhésion soit s’abstenir.

Si elle était acceptée, cette candidature serait alors présentée à l’Assemblée générale, où elle devrait être approuvée par deux tiers des États membres.

Le gouvernement américain, l’un des cinq membres permanents du Conseil, s’oppose à toute amélioration du statut de la Palestine à l’ONU et affirme qu’il opposera son veto si nécessaire. Il est toutefois probable qu’un vote au niveau du Conseil soit différé.

La Palestine a-t-elle d’autres possibilités d’améliorer son statut à l’ONU ?

L’Autorité palestinienne pourrait également présenter à l’Assemblée générale une résolution demandant aux États membres de reconnaître la Palestine de manière bilatérale et de soutenir sa demande pour devenir membre de l’ONU et d’autres organisations internationales. L’Autorité palestinienne a cependant récemment indiqué qu’elle attendra que le Conseil de sécurité examine la demande d’adhésion avant de se tourner vers l’Assemblée générale.

L’Assemblée générale ne peut approuver de candidature de membre sans une recommandation positive du Conseil de sécurité. Cependant, si la question devait lui être soumise, l’Assemblée aurait plusieurs possibilités : elle pourrait recommander que la Palestine devienne un État observateur non membre, le même statut que celui dont jouit le Vatican. Ce statut ne nécessiterait pas l’approbation du Conseil de sécurité et pourrait être obtenu à la majorité simple lors d’un vote à l’Assemblée générale. Les droits et privilèges qui y sont associés ne sont cependant pas définis ; ce qu’impliquerait l’obtention de ce statut sur le plan pratique est donc peu clair. Depuis que l’OLP s’est vu accorder le statut d’observateur à l’ONU en 1974, l’Assemblée générale a peu à peu augmenté ses droits de participation, qui sont désormais quasiment identiques à ceux d’un État observateur non membre.

Est-ce que la tentative visant à faire reconnaître la Palestine comme État changera quoi que ce soit aux normes juridiques applicables dans les territoires palestiniens occupés, ou aux obligations d’Israël en tant que puissance d’occupation ?

Israël reste la puissance d’occupation en Cisjordanie - y compris à Jérusalem-Est - et dans la bande de Gaza, car il conserve le « contrôle effectif » de ces deux zones. Ses agissements dans ces territoires sont donc encadrés par les dispositions pertinentes du droit international humanitaire (droit relatif à l’occupation) et du droit international relatif aux droits humains. En tant que puissance d’occupation, Israël est responsable du bien-être de la population palestinienne et de la protection des civils. Ces responsabilités resteront les mêmes, quel que soit le chemin que prendra la demande d’adhésion palestinienne aux Nations unies. Les actions d’Israël dans les territoires palestiniens occupés doivent par ailleurs être conformes à ses obligations en vertu des nombreux traités internationaux relatifs aux droits humains qu’il a signés et ratifiés, et du droit international coutumier.

Les efforts de l’Autorité palestinienne pour faire reconnaître la Palestine comme État lui permettent-elle de ratifier des conventions et traités internationaux des droits humains, en particulier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ?

Cela dépend du traité en question, car différents traités ont des conditions de ratification différentes.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont tous deux ouverts à la signature des membres des Nations unies et des États ayant été invités à y devenir partie par l’Assemblée générale. Une résolution de l’Assemblée générale pourrait donc permettre à la Palestine de devenir partie à ces traités, même si le statut de la Palestine au sein des Nations unies n’était pas amélioré. Cela officialiserait les obligations de l’Autorité palestinienne en matière de droits humains et la soumettrait à un suivi et à des évaluations régulières de la part des organes de surveillance de l’application de ces traités. L’Autorité palestinienne continuerait par ailleurs à être liée par le droit international coutumier.

Tous les États sont autorisés à signer et ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les opinions juridiques diffèrent lorsqu’il s’agit de déterminer si une reconnaissance plus large de la Palestine comme État, une résolution de l’Assemblée générale ou un statut amélioré aux Nations unies permettrait à la Palestine de ratifier le Statut de Rome. N’importe lequel de ces cas de figure donnerait toutefois du poids aux revendications palestiniennes en rapport avec le statut d’État, permettant donc à l’Autorité palestinienne de faire valoir son droit de devenir partie à la CPI.

Cependant, les manœuvres politiques actuelles caractérisant les efforts visant à faire reconnaître la Palestine comme État pourraient également nuire à ses chances d’adhésion à la CPI. Certaines informations relayées par les médias indiquent que l’Union européenne (UE) a proposé de conférer à la Palestine le statut d’État observateur non membre à condition que les Palestiniens renoncent à obtenir l’aide de la CPI. Catherine Ashton, la haute représentante de l’UE, aurait ainsi proposé de créer un nouveau statut à l’Assemblée générale qui ne permettrait pas à l’Autorité palestinienne de ratifier le Statut de Rome.

Amnesty International est opposée à toutes les tentatives visant à empêcher les Palestiniens d’adhérer à la CPI. Ce genre de pratique est contraire au principe fondamental selon lequel la justice doit être accessible à tous. Elles semblent par ailleurs avoir pour objectif de laisser impunis les crimes commis lors du conflit de 2008-2009 à Gaza et dans le sud d’Israël, en empêchant les victimes palestiniennes comme israéliennes d’obtenir justice par le biais de la CPI.

Quel impact auraient les efforts pour faire reconnaître la Palestine comme État sur les initiatives visant à établir les responsabilités dans les crimes de droit international commis pendant le conflit de 2008-2009 dans la bande de Gaza et le sud d’Israël ?

Amnesty International a recensé des éléments prouvant que des crimes de guerre ont été perpétrés par les forces israéliennes comme par des groupes armés palestiniens au cours du conflit de 2008-2009 dans la bande de Gaza et dans le sud d’Israël. La mission d’établissement des faits de l’ONU sur ce conflit a confirmé les constats de l’organisation. Amnesty International estime que le gouvernement israélien et le gouvernement de facto du Hamas n’ont ni l’un ni l’autre mené d’enquêtes indépendantes et crédibles, et n’ont pas poursuivi comme il se doit les auteurs présumés de crimes de droit international.

En janvier 2009, l’Autorité palestinienne a soumis une déclaration dans laquelle elle reconnaissait que la CPI était compétente pour juger les crimes commis sur son territoire depuis juillet 2002. Cette déclaration est susceptible de couvrir tous les crimes perpétrés dans la bande de Gaza et dans le sud d’Israël pendant le conflit de 2008-2009.

Depuis qu’elle a été soumise, le procureur de la CPI étudie ce que cette déclaration implique sur le plan juridique, mais personne ne s’est encore prononcé sur sa validité. Si cette déclaration ou toute autre future déclaration de l’Autorité palestinienne était considérée valide, la CPI pourrait être en mesure d’engager des poursuites pour les crimes commis dans le cadre du conflit de 2008-2009.

Amnesty International a demandé à l’Assemblée générale de l’ONU d’engager le Conseil de sécurité à saisir la CPI à ce propos. Elle a par ailleurs exhorté tous les États à enquêter et engager des poursuites devant leurs juridictions nationales sur les crimes de droit international qui auraient été commis pendant ce conflit, et cela en exerçant leur compétence universelle.

Quel impact auraient les efforts pour faire reconnaître la Palestine comme État sur les initiatives visant à obliger l’Autorité palestinienne et le gouvernement de facto du Hamas à rendre des comptes pour les violations des droits humains et les crimes de droit international qui leur sont attribués ?

Si la Palestine devait signer et ratifier les principaux traités des Nations unies en matière de droits humains, cela donnerait plus de poids aux initiatives visant à obtenir que l’Autorité palestinienne rende des comptes pour les graves atteintes aux droits humains qu’elle continue semble-t-il à commettre. Parmi les violations en question figurent des arrestations arbitraires, des actes de torture et des mauvais traitements infligés à des détenus, le non respect de décisions de justice ordonnant la libération de détenus et des restrictions arbitraires à la liberté d’expression et d’association. En sa qualité de signataire de traités internationaux des droits humains, l’Autorité palestinienne serait suivie par les organes de surveillance des traités des Nations unies, et serait tenue de prendre des mesures pour prévenir les violations.

Depuis son arrivée au pouvoir dans la bande de Gaza, en 2007, le gouvernement de facto du Hamas a commis de graves violations du même ordre. Il est par ailleurs responsable de l’exécution de personnes à l’issue de procès iniques, et a manqué à son obligation consistant à empêcher des groupes armés palestiniens de lancer des attaques aveugles à la roquette sur le sud d’Israël, ce qui constitue un crime de guerre, et à l’obligation de veiller à ce que le soldat israélien Gilad Shalit soit traité avec humanité en captivité.

L’impact que les efforts de l’Autorité palestinienne pour faire reconnaître la Palestine comme État sont susceptibles d’avoir sur les initiatives visant à établir les responsabilités dans les abus attribués au Hamas est moins direct. Même si les Palestiniens venaient à adhérer aux traités internationaux, ceux-ci ne seraient pas liants pour le Hamas, qui resterait un acteur non étatique. Le Hamas a toutefois des obligations au titre du droit international humanitaire coutumier. Si la Palestine parvenait à se frayer un chemin jusqu’à la CPI, cela renforcerait les initiatives ayant pour objectif d’obliger les autorités du Hamas et les groupes armés palestiniens à rendre des comptes ; en effet, la CPI peut enquêter sur des crimes de droit international et engager des poursuites, même si les violations en question ont été commises par des acteurs non étatiques.

Si la Palestine se voit conférer un statut amélioré aux Nations unies, Amnesty International fera pression pour que l’Autorité palestinienne signe et ratifie tous les traités relatifs aux droits humains.

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