RAPPORT 2004 d’AMNESTY INTERNATIONAL : Guerre contre les valeurs universelles : les offensives des groupes armés et des États entretiennent la méfiance, la peur et la division

Index AI : POL 10/016/2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

(Londres) Des États et des groupes armés mènent une guerre contre les
valeurs universelles et battent en brèche les droits fondamentaux de
citoyens ordinaires, a déclaré Amnesty International ce mercredi 26 mai, à
l’occasion de la sortie du rapport annuel de l’organisation, qui fait le
bilan de la situation des droits humains dans le monde entier.

Sous les feux croisés des violences perpétrées par les groupes armés et des
violations croissantes commises par les États, les droits humains et le
droit international humanitaire ont subi en 2003 les attaques les plus
systématiques depuis un demi-siècle, a déclaré Amnesty International lors du
lancement de son Rapport 2004, soulignant que cette situation était à
l’origine d’un monde où la méfiance, la peur et la division gagnent chaque
jour du terrain.

« Les attaques criminelles, cruelles et implacables menées par des groupes
armés comme Al Qaïda mettent très concrètement en péril la sécurité de
personnes dans le monde entier. Nous condamnons avec la plus grande énergie
ces actes, qui sont des crimes graves en vertu du droit international et des
législations des États et constituent dans certains cas des crimes de guerre
et des crimes contre l’humanité », a indiqué Irene Khan, la secrétaire
générale de l’organisation.

Amnesty International s’est déclarée indignée par les atrocités commises par
des groupes armés, comme les attentats perpétrés le 11 mars 2004 à Madrid ou
celui qui, le 19 août 2003, a visé les locaux des Nations unies en Irak et
au cours duquel le haut-commissaire aux droits de l’homme, Sergio Vieira de
Mello, a été tué.

L’organisation a indiqué que les attaques violentes contre les civils et
contre les institutions chargées de trouver des solutions aux conflits et à
l’insécurité, telles que les Nations unies et le Comité international de la
Croix-Rouge, constituaient une menace nouvelle et bien réelle pour la
justice internationale.

« Mais il est tout aussi effrayant de voir de puissants États laisser de
côté, saper ou faire voler en éclats les principes du droit international et
les instruments de l’action multilatérale susceptibles de nous protéger
contre ces attaques », a poursuivi Irene Khan.

« Les gouvernements n’agissent plus dans une perspective morale et
sacrifient les valeurs universelles sur l’autel de la sécurité. Ces erreurs
au plus haut niveau constituent un dangereux renoncement devant le
terrorisme imputable aux groupes armés.

« Les visées sécuritaires mondiales du gouvernement des États-Unis se
révèlent dépourvues de principes ou de clairvoyance. En se rendant coupable
de violations des droits humains sur son territoire, en fermant les yeux sur
les atteintes commises à l’étranger et en recourant sans restriction à des
frappes militaires préventives, ce gouvernement porte atteinte à la justice
et à la liberté et rend le monde encore moins sûr. »

Le rapport recense un certain nombre d’homicides illégaux de civils commis
par les troupes de la coalition et par des groupes armés en Irak. Dans ce
pays, mais aussi sur la base américaine de Guantánamo Bay (Cuba), en
Afghanistan et ailleurs, des centaines de personnes ont été emprisonnées par
les États-Unis et leurs alliés. Vulnérables, comme en témoignent les
informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements,
elles sont détenues sans inculpation ni jugement, ne sont pas autorisées à
consulter un avocat et ne bénéficient pas de la protection des Conventions
de Genève.

« En refusant de protéger les droits fondamentaux de coupables présumés, les
gouvernements portent atteinte aux droits d’innocents et nous mettent tous
en danger ».

La « guerre contre le terrorisme » et la guerre en Irak ont suscité une
nouvelle vague d’atteintes aux droits humains et détourné l’attention de
situations préexistantes. Le Rapport 2004 contient des informations sur les
conflits persistants qui, en Colombie, au Népal, en République démocratique
du Congo, au Soudan, en Tchétchénie et dans d’autres pays, donnent lieu aux
pires atrocités, et ce loin de l’attention de la communauté internationale.
La violence en Israël et dans les Territoires occupés s’est aggravée, tandis
que dans d’autres États, les autorités jouent ouvertement la carte de la
répression.

« Obnubilés par la menace représentée par l’éventuelle présence d’armement
de destruction massive en Irak, les États ne se sont pas préoccupés des
véritables armes de destruction massive que sont l’injustice et l’impunité,
la pauvreté, la discrimination et le racisme, le commerce non réglementé
d’armes légères, la violence contre les femmes et contre les enfants », a
déclaré Irene Khan.

« Le monde a grand besoin de dirigeants guidés par le sens moral et
s’appuyant sur les valeurs universelles des droits humains. »

Tout en mettant en évidence les atteintes aux droits humains et l’impunité,
ainsi que l’hypocrisie et le double langage, Amnesty International a
souligné le rôle grandissant de la société civile, qui peut renverser le
cours des choses au bénéfice du respect des droits humains.

Les millions de personnes qui, à travers le monde, sont descendues dans la
rue en signe de solidarité avec le peuple irakien, les Espagnols qui ont
défilé au nom du respect des principes d’humanité après les attentats de
Madrid, et les citoyens du monde qui se sont rassemblés au Brésil pour le
Forum social mondial témoignent de l’existence d’un mouvement en faveur de
la justice au niveau de la planète.

« Il faut que les gouvernements nous entendent. Dans ces temps
d’incertitude, le monde doit non seulement lutter contre les menaces
planétaires, mais également pour la justice planétaire », a déclaré Irene
Khan.

Malgré la croisade menée par les États-Unis pour affaiblir la justice
internationale et obtenir l’immunité universelle de ses ressortissants, la
Cour pénale internationale a nommé son procureur et s’est mise sérieusement
au travail. Lentement, mais sûrement, les tribunaux des États-Unis et du
Royaume-Uni commencent à se pencher sur les manœuvres des pouvoirs publics
visant à restreindre les droits fondamentaux.

« Il faut compter avec les droits humains, parce qu’ils offrent une
véritable conception d’un monde meilleur et plus juste, et qu’ils forment la
base d’un programme concret permettant de construire un tel monde. La
meilleure voie pour parvenir à la paix et à la sécurité passe par ces
valeurs universelles de justice », a déclaré Irene Khan.

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