Rapport annuel d’Amnesty : 159 pays passés au crible des droits humains

  • Amnesty International publie son Rapport 2017/18 sur la situation des droits humains dans le monde.
  • En 2017, le monde a subi les effroyables conséquences de discours marqués par la haine et la peur et des dirigeants de premier plan ont mené des politiques rétrogrades. Ces politiques et discours ont incité de nombreuses personnes à travers le monde à rallier des combats citoyens et à faire émerger un militantisme social.
  • Alors que la Belgique est candidate au Conseil de sécurité de l’ONU, elle doit montrer l’exemple face à ce déclin mondial et promouvoir une politique respectueuse des droits humains. Or, notre pays continue de vendre, via la Région wallonne, des armes à l’Arabie saoudite et mène une politique migratoire qui ne respecte pas les obligations européennes et internationales.

Le monde subit les effroyables conséquences d’un discours plein de haine qui menace de normaliser une discrimination exercée massivement contre des groupes marginalisés, a souligné Amnesty International le 22 février à l’occasion du lancement de son Rapport 2017/18 sur la situation des droits humains.

L’organisation a toutefois constaté qu’il existe un mouvement en plein essor réunissant des militants débutants et chevronnés menant campagne en faveur de la justice sociale, et que ce mouvement permet réellement d’espérer une inversion de la tendance allant dans le sens de l’oppression.

Le Rapport d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde couvre 159 pays et offre l’analyse la plus complète qui soit de la situation actuelle des droits fondamentaux sur la planète.

« La décision prise en janvier par le gouvernement des États-Unis d’interdire l’entrée sur le territoire aux personnes venant de plusieurs pays à majorité musulmane, action au caractère haineux évident, a donné le ton pour une année durant laquelle des dirigeants ont mené une politique de la haine aux conséquences extrêmement dangereuses, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

« La décision prise en janvier par le gouvernement des États-Unis d’interdire l’entrée sur le territoire aux personnes venant de plusieurs pays à majorité musulmane, action au caractère haineux évident, a donné le ton pour une année durant laquelle des dirigeants ont mené une politique de la haine aux conséquences extrêmement dangereuses »

« Nous avons pu observer, avec la campagne militaire de nettoyage ethnique menée contre les Rohingyas au Myanmar, ce qu’il arrive lorsqu’une société est encouragée à haïr, craindre et utiliser comme bouc émissaire des minorités », a déclaré Salil Shetty.

L’abandon des droits humains par les dirigeants déclenche des mouvements de protestation dans le monde entier

« Les spectres de la haine et de la peur affectent largement les affaires internationales, et bien peu de gouvernements défendent les droits humains en ces temps de grande instabilité. Ainsi, des dirigeants tels qu’Abdel Fattah al Sissi, Rodrigo Duterte, Nicolás Maduro, Vladimir Poutine, Donald Trump et Xi Jinping portent atteinte aux droits de millions de personnes, a déclaré Salil Shetty.

« La faiblesse des réactions face aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre commis au Myanmar, en Irak, au Soudan du Sud, en Syrie ou encore au Yémen n’a fait que souligner le manque de volonté des États pour exercer un rôle moteur en matière de droits humains. Les gouvernements opèrent un véritable retour en arrière et reviennent sans vergogne sur des protections durement acquises au fil des décennies. »

Cette régression se manifeste par un certain nombre de signes dont certains sont cités dans le Rapport, tels que la répression du droit de manifester en France ou les tentatives visant à effacer les avancées réalisées dans le domaine des droits des femmes aux États-Unis, en Russie ou encore en Pologne.

« La faiblesse des réactions face aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre commis au Myanmar, en Irak, au Soudan du Sud, en Syrie ou encore au Yémen n’a fait que souligner le manque de volonté des États pour exercer un rôle moteur en matière de droits humains. Les gouvernements opèrent un véritable retour en arrière et reviennent sans vergogne sur des protections durement acquises au fil des décennies. »

En procédant au lancement de son Rapport à Washington, Amnesty International a voulu mettre en garde contre le fait que le recul opéré par Donald Trump en matière de droits humains représente un dangereux précédent pour les gouvernements qui suivront.

« Les défenseurs des droits humains à travers le monde peuvent compter sur le soutien du peuple américain, même quand le gouvernement n’est pas à la hauteur. Alors que Donald Trump prend des mesures qui violent les droits humains aux États-Unis comme dans le reste du monde, des militants dans tout le pays nous rappellent que le combat pour la défense des droits universels a toujours été mené et remporté par les citoyens sur le terrain », a déclaré Margaret Huang, directrice d’Amnesty International États-Unis.

Les politiques rétrogrades ont incité de nombreuses personnes à rallier des combats menés de longue date, et le Rapport rend compte de nombreuses victoires importantes remportées grâce à l’aide des militants des droits humains : la levée de l’interdiction totale de l’avortement au Chili, l’avancée en direction de l’égalité face au mariage à Taiwan et la victoire historique remportée contre la pratique des expulsions forcées à Abuja, au Nigeria, en sont quelques exemples.

« Les défenseurs des droits humains à travers le monde peuvent compter sur le soutien du peuple américain, même quand le gouvernement n’est pas à la hauteur. Alors que Donald Trump prend des mesures qui violent les droits humains aux États-Unis comme dans le reste du monde, des militants dans tout le pays nous rappellent que le combat pour la défense des droits universels a toujours été mené et remporté par les citoyens sur le terrain »

La grande Marche des femmes aux États-Unis, qui a eu un écho dans d’autres pays, témoigne de l’influence grandissante des nouveaux mouvements sociaux, tout comme le phénomène #MeToo et le mouvement « Ni Una Menos » en Amérique latine – qui dénoncent la violence à l’égard des femmes et des filles.

« L’esprit indomptable des femmes à la tête de puissants mouvements de défense des droits humains nous rappelle que la volonté d’obtenir l’égalité, la dignité et la justice ne s’éteindra jamais. On sent de façon palpable que les mouvements de contestation croissent à travers le monde. Si les gouvernements s’opposent à de tels mouvements, ils saperont alors leur propre légitimité », a déclaré Salil Shetty.

L’importance extrême de la liberté de parole dans ce nouveau combat pour la défense des droits humains

La volonté de dirigeants de premier plan de promouvoir de « fausses nouvelles » dans le but de manipuler l’opinion publique et les attaques contre les institutions jouant un rôle de garde-fou vis-à-vis des tenants du pouvoir montrent que la liberté de parole représentera cette année un enjeu essentiel, a affirmé Amnesty International.

« En 2018, nous ne pouvons certainement pas tenir pour acquise la liberté de nous rassembler pour protester ou celle de critiquer nos dirigeants. En fait, il devient de plus en plus dangereux d’exprimer ses opinions »

Le Rapport indique que des centaines de militants ont été tués en 2017 parce que les autorités ont voulu les réduire au silence et museler les médias. Ce sont la Turquie, l’Égypte et la Chine, où le lauréat du prix Nobel Liu Xiaobo est mort après avoir été emprisonné pour avoir critiqué le gouvernement, qui ont emprisonné le plus grand nombre de journalistes. Des gouvernements s’en prennent sans remords aux militants des droits humains, et Amnesty International a ainsi dû faire face en Hongrie à des manœuvres menaçant son action, et en Turquie à l’arrestation sans précédent de plusieurs de ses représentants.

« Les gouvernements pensent pouvoir déclarer ouverte la chasse aux militants des droits humains. Ils peuvent fermer nos journaux, saper le pouvoir des juges et emprisonner les militants, mais ils ne nous réduiront pas au silence. Le célèbre militant Liu Xiaobo nous a appris que nous devons dire la vérité à ceux qui sont au pouvoir précisément quand cela semble impossible »

Des manifestations prônent la haine et des personnes sont prises pour cible en raison de leur identité

Le Rapport souligne qu’il est absolument nécessaire de continuer à dénoncer ouvertement les discours de haine véhiculés par des slogans xénophobes lors d’une manifestation à Varsovie, en Pologne, d’un rassemblement de partisans de la suprématie blanche à Charlottesville, aux États-Unis, ou encore de mouvements de répression contre les personnes LGBTI en Tchétchénie ou en Égypte, par exemple.

La diffamation des réfugiés et des migrants au plus haut niveau de certains gouvernements a mis en évidence cette nécessité. Si les propos du gouvernement de Donald Trump à l’encontre des réfugiés ont fait les gros titres des journaux, le Rapport indique que ce gouvernement n’est pas le seul à mener une politique xénophobe.

« La politique de Donald Trump marque peut-être une nouvelle étape en ce qui concerne la régression des droits humains, mais il ne s’agit pas d’un cas isolé. Si l’on observe ce qui se passe en Australie ou encore en Hongrie, cela fait longtemps que des dirigeants considèrent les réfugiés et les migrants comme un problème dont il faut se débarrasser, et non comme des êtres humains qui ont des droits et qui méritent notre compassion », a déclaré Salil Shetty.

Les gouvernements doivent résoudre les injustices à l’origine des mouvements de contestation

Le Rapport indique aussi qu’il est de plus en plus difficile pour des millions de personnes à travers le monde d’avoir accès à des biens et des services de première nécessité tels qu’un logement, des denrées alimentaires et des soins de santé. Amnesty International met en garde contre le fait que les troubles et l’instabilité risquent fortement de s’amplifier si les gouvernements ne font pas le nécessaire pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des inégalités.

« Partout dans le monde, des personnes sont contraintes de vivre dans des conditions intolérables parce qu’elles sont privées d’une nourriture suffisante, d’eau potable, de soins médicaux et d’un logement. Lorsque l’on prive des personnes de ces droits fondamentaux, on crée une situation de désespoir qui ne connaît aucune limite. Au Venezuela comme en Iran, nous assistons ainsi actuellement à une puissante vague de mécontentement social »

Au lieu de tenter de faire taire ceux qui s’expriment haut et fort, les gouvernements devraient répondre à leurs préoccupations, a déclaré Amnesty International, et commencer par assouplir les restrictions pesant sur les médias, la société civile et les mécanismes essentiels de contrôle du pouvoir.

« Nous assistons à un moment historique où un nombre croissant de personnes se mobilisent pour demander justice. Si les dirigeants ne parviennent pas à comprendre ce qui pousse les populations à la contestation, ils courent à leur perte. Les gens ont clairement fait comprendre qu’ils veulent que soient respectés leurs droits fondamentaux ; les gouvernements doivent à présent montrer qu’ils les ont entendus », a déclaré Salil Shetty.

La Belgique dans le Rapport annuel 2017-2018

« Amnesty exige des États plus de leadership en matière de droits humains, tant au niveau national qu’international. La Belgique est également concernée. Nous pointons entre autres les craintes que nous avions concernant les renvois de personnes vers le Soudan et qui ont été confirmées par le récent rapport du CGRA sur le respect du principe de non-refoulement par la Belgique. Nous condamnons également le fait que la Région wallonne continue de vendre des armes à des pays violant gravement les droits humains, comme l’Arabie saoudite, qui commet au Yémen des crimes de guerre. Ce faisant, le gouvernement de Willy Borsus ne respecte même pas le droit wallon et viole le Traité sur le commerce des armes que la Belgique a ratifié en 2014 », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

« Au niveau international, le rôle de la Belgique est de traduire son ambition en contrant le déclin mondial des droits humains et en les promouvant, notamment dans le cadre de sa candidature au Conseil de sécurité de l’ONU. »

Les points suivants sont abordés dans le Rapport annuel 2017-2018 d’Amnesty :

  • Détention : la surpopulation demeure problématique et plusieurs centaines de délinquants souffrant de troubles psychiques et d’un handicap mental sont toujours détenus dans des prisons ordinaires où ils ne bénéficient pas d’une prise en charge et de traitements appropriés
  • Personnes réfugiées ou demandeuses d’asile : la Belgique n’a pas suffisamment enquêté sur les risques de torture auxquels sont exposées les personnes qui ont été renvoyées au Soudan et a adopté une nouvelle législation restreignant les droits des demandeurs d’asile.
  • Commerce des armes : le gouvernement wallon continue d’accorder des licences d’armes vers l’Arabie saoudite, qui mène une coalition responsable de crimes de guerre au Yémen.
  • Lutte contre le terrorisme : la Belgique a pris de nombreuses mesures contre le terrorisme et la radicalisation, mais n’a pas effectué de réel suivi des répercussions sur les droits humains.
  • Nouvelle loi sur les personnes transgenres : les personnes transgenres ne doivent plus subir obligatoirement une stérilisation ou être soumises à un examen psychiatrique pour changer légalement de sexe.

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