Le rapport de la Commission enseignements et réconciliation sri-lankaise ne va pas assez loin

Le rapport final de la Commission enseignements et réconciliation (LLRC) sri-lankaise, rendu public vendredi 16 décembre, reconnaît l’existence de graves problèmes sur le terrain des droits humains au Sri Lanka, mais ne rend pas pleinement compte de l’ampleur des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis lors de la phase ultime du conflit ayant opposé le gouvernement aux Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), a déclaré Amnesty International le jour de la publication de ce document.

« Un examen préliminaire du rapport donne à penser qu’il admet que de très graves problèmes existent au Sri Lanka en matière de droits humains. Mais l’analyse qu’il livre semble vraiment faiblir lorsqu’il ne prend pas en compte les éléments de preuve accablants en rapport avec les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres atteintes aux lois de la guerre commis par les forces gouvernementales, alors qu’il met en avant les violations graves et systématiques perpétrées par les LTTE », a indiqué Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Ceci est un signe manifeste du parti pris que nous redoutions et avions déjà détecté dans la composition et le comportement de la LLRC. Le rapport contient toutefois quelques recommandations intéressantes en vue de l’amélioration de la situation globale des droits humains au Sri Lanka, que le gouvernement serait bien inspiré de prendre au sérieux  », a poursuivi Sam Zarifi.

« Le gouvernement sri-lankais doit désormais se pencher sur les conclusions de ce rapport. Il doit faire état devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, lors de la prochaine session de celui-ci, en mars 2012, des mesures prises afin de mettre en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport. Il devra notamment évoquer la nécessité de mener une enquête plus approfondie sur certaines atteintes présumées aux lois de la guerre, en prenant en compte les conclusions et recommandations du rapport du groupe d’experts du secrétaire général des Nations unies chargé de conseiller ce dernier sur les questions de responsabilités au Sri Lanka. »

La LLRC a reçu de nombreux témoignages au sujet de disparitions forcées, de formes illégales et abusives de détention, et d’exécutions extrajudiciaires. Elle a demandé au gouvernement sri-lankais d’enquêter sur ces allégations et de poursuivre les responsables présumés.

Fait important, il est mentionné dans le rapport que de nombreuses personnes ont souligné que « l’adoption de mesures énergiques contre les cas présumés de disparition forcée, ainsi que de mesures préventives aurait un impact considérable sur le processus de réconciliation. »

Amnesty International soutient depuis longtemps que l’établissement des responsabilités est essentiel à la réconciliation au Sri Lanka. S’il est nécessaire que les autorités sri-lankaises prennent au sérieux les recommandations de la LLRC, Amnesty International estime que compte tenu du problème d’impunité se posant de longue date dans le pays, du manque manifeste de volonté politique pour ce qui est de sanctionner les violations persistantes et de l’énorme retard enregistré dans le traitement des cas non élucidés de violations, la perspective que des enquêtes et des poursuites efficaces soient lancées contre les auteurs présumés de ces agissements (dont des hauts gradés) est très peu probable sans le soutien actif de la communauté internationale.

Le défaut majeur de ce rapport réside dans le traitement réservé aux atteintes présumées aux lois de la guerre ; la LLRC semble en effet avoir pris les réponses du gouvernement pour argent comptant. La LLRC reconnaît ce que le gouvernement a catégoriquement nié, c’est-à-dire que des civils, y compris dans les hôpitaux, ont pâti directement des pilonnages effectués par les LTTE et le gouvernement. Cependant, le fait que la Commission rejette en bloc l’hypothèse que des civils aient été pris pour cible par le gouvernement et minimise de manière délibérée le nombre de civils pris au piège lors de la phase finale des combats n’est pas étayé par les éléments de preuve recensés, y compris ceux présentés par la LLRC elle-même.

« La LLRC a reconnu sa propre incapacité à établir la vérité quant au déroulement des combats, et signale certaines complexités juridiques dépassant ses compétences. C’est pourquoi la communauté internationale doit désormais prendre le relai en ouvrant une enquête qui mobilise toutes les ressources et l’aide des Nations unies et de la communauté internationale », a conclu Sam Zarifi.

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