RDC : de toute urgence une intervention internationale

Index AI : AFR 62/026/2003
ÉFAI

Vendredi 1er août 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

À la veille de l’anniversaire du début du conflit qui a éclaté le 2 août 1998, et tandis que la communauté internationale met les pleins feux sur l’installation d’un nouveau gouvernement de transition dans la capitale Kinshasa et sur la fin présumée d’une guerre qui ravage la République démocratique du Congo (RDC) depuis cinq ans, les atrocités se poursuivent dans l’est du pays. « Il est toujours aussi urgent que la communauté internationale se mobilise pour intervenir de manière efficace », a déclaré Amnesty International ce jour, vendredi 1er août 2003, au terme d’une mission de recherche de trois semaines dans l’est de la RDC et l’Ouganda voisin.

« La majorité des Congolais souhaitent ardemment que leur pays retrouve la paix, afin de pouvoir commencer à reconstituer leurs vies brisées. Pourtant, tandis que les massacres, les mutilations et les viols continuent d’être perpétrés dans les provinces d’Ituri et du Kivu, il serait vain de vouloir croire, en dépit des événements violents auxquels sont confrontés au quotidien les Congolais vivant dans l’est du pays, que la paix est réellement de retour dans leurs communautés », a précisé l’organisation de défense des droits humains.

La communauté internationale doit de toute urgence intervenir de manière décisive

À Bunia, capitale de l’Ituri, quelque 20 000 personnes vivent actuellement dans des camps improvisés pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, sous la protection militaire de troupes internationales. La plupart ont fui les affrontements entre milices belligérantes qui ont décimé Bunia et ses environs ces derniers mois. Encore trop terrifiées, ces personnes ne sont pas en mesure de rentrer chez elles.

La violence qui secoue l’Ituri est le fruit d’une lutte de pouvoir entre les chefs de groupes armés rivaux opérant dans la région. Ces dirigeants manipulent sans scrupule les tensions entre deux groupes ethniques majeurs, les Hema et les Lendu, afin de servir leurs propres intérêts politiques et économiques. Ce n’est pas une guerre au cours de laquelle les civils sont les malencontreuses victimes de « dommages collatéraux », mais une guerre qui prend systématiquement et délibérément pour cible la population civile. L’initiative militaire des factions armées opérant en Ituri consiste principalement à exterminer de manière systématique les personnes - civiles ou non - en fonction de leur identité ethnique, quels que soient leur âge ou leur sexe.

« Alimentée par les dirigeants politiques et les chefs des milices, la haine réciproque que se vouent les différents groupes ethniques en Ituri est maintenant si profonde et si ancrée qu’il faudra des années pour que cette fracture commence à se résorber, a souligné Amnesty International. Il est crucial que la communauté internationale y soit présente en force, tant pour activer ce processus de guérison que pour affronter, le cas échéant, les milices qui poursuivraient le massacre. »

Dans l’intervalle, la population civile de Bunia continue de vivre dans la perspective effrayante des nouvelles atrocités qui risquent de se produire si la force multinationale dirigée par les Français se retire comme prévu le 1er septembre, sans être remplacée par une force solide ayant à cœur d’intervenir militairement pour sauver leurs vies. Le 28 juillet, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1493 : elle prolonge jusqu’au 30 juillet 2004 le mandat de sa force déployée en RDC - la Mission de l’Organisation des Nations unies pour le Congo (MONUC) - et autorise la MONUC, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, à faire usage de tous les moyens nécessaires pour protéger la vie des civils.

« Si le sang des civils sans défense de Bunia coule une fois encore en septembre, comme ce fut le cas en mai, les principaux coupables seront les chefs des milices et les gangs qu’ils emploient - dont des enfants - pour mettre en œuvre leur " programme " de haine et de nettoyage ethnique, a ajouté Amnesty International. Mais si elle assiste passivement et laisse faire, la MONUC elle-même, qui incarne la volonté de la communauté internationale, serait moralement coupable de n’avoir pas sauvé ces vies. Il n’est plus temps pour la MONUC de se contenter d’" observer ". Forte de son nouveau mandat consolidé, elle doit maintenant agir, et agir efficacement, pour empêcher de nouvelles morts, innombrables et inutiles. »

Recommandations

Amnesty International se félicite sur le principe que le Conseil de sécurité des Nations unies ait adopté la résolution 1493, renforçant ainsi le mandat de la MONUC. Toutefois, la réussite de la MONUC en Ituri dépendra dans une large mesure de sa capacité, et de sa volonté politique, à affronter les milices sur le plan militaire, ainsi que de sa capacité à nouer de véritables relations avec la population civile locale. Son succès sera également tributaire de la coopération des acteurs clés de ce conflit armé. Par conséquent, Amnesty International demande instamment que :

 la MONUC exerce pleinement son nouveau mandat renforcé au titre du Chapitre VII et intervienne énergiquement pour protéger la vie des civils ;

 la MONUC bénéficie de toutes les ressources militaires nécessaires en personnel, équipement et formation, afin d’accomplir son mandat ;

 la MONUC se déploie dans tous les districts de Bunia et, progressivement, dans le reste de l’Ituri ;

 la MONUC dispose en nombre suffisant d’attachés de liaison et d’agents des questions humanitaires parlant français, afin de faciliter la communication avec les communautés locales ;

 l’Ouganda, le Rwanda et le gouvernement de Kinshasa cessent tout appui militaire et politique aux groupes armés opérant en RDC, ces groupes s’étant tous rendus responsables de violations flagrantes des droits humains.

Par ailleurs, Amnesty International salue la décision du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), visant à recueillir les preuves préliminaires de crimes commis en Ituri depuis juillet 2002 qui pourraient relever de la compétence de la CPI. L’organisation de défense des droits humains espère que cette décision débouchera sur des enquêtes approfondies de la CPI et sur des poursuites. Toutes les parties au conflit dans l’est de la RDC et toutes les institutions nationales et internationales concernées doivent coopérer pleinement, afin de veiller à ce que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité soient traduits en justice. Ces crimes englobent l’homicide ciblé et délibéré de civils en fonction de leur identité ethnique, l’incitation à la haine raciale et l’utilisation d’enfants soldats âgés de moins de quinze ans.

En outre, il convient de mettre sur pied un mécanisme judiciaire idoine, de manière à enquêter sur les atteintes aux droits humains perpétrées avant juillet 2002 et à déférer leurs auteurs à la justice l

Pour connaître les premières conclusions de la mission de recherche menée récemment pendant trois semaines dans l’est de la RDC et l’Ouganda voisin, veuillez consulter la synthèse destinée aux médias publiée le 1er mars 2003 (index AI : AFR 62/025/2003).

Pour en savoir plus sur la crise en Ituri et signer la pétition en ligne d’Amnesty International, « Arrêtons le massacre immédiatement ! », veuillez vous connecter à l’adresse :

http://web.amnesty.org/pages/cod-040803-petition-fra.

Pour en savoir plus sur la crise des droits humains en Ituri, veuillez consulter le rapport d’Amnesty International, intitulé « RDC. Au bord du précipice : aggravation de la situation des droits humains et de la situation humanitaire en Ituri » (AFR 62/006/2003, mars 2003), à l’adresse : http://web.amnesty.org/library/index/FRAAFR620062003.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d’Amnesty International à Londres, au +44 20 7413 5566, ou consulter le site http://www.amnesty.org <http://www.amnesty.org/>

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