Communiqué de presse

RDC. La protection des civils doit briser le cycle de la violence

Tous les acteurs impliqués dans les discussions visant à résoudre la crise en République démocratique du Congo (RDC) doivent inscrire la protection des civils au cœur de leurs initiatives, alors qu’un accord de paix et de sécurité devrait être signé le 24 février par 11 États africains à Addis-Abeba.

Tandis que ces négociations se poursuivent, les populations civiles vivant dans l’est de la RDC, dans des zones contrôlées par des groupes armés, sont toujours victimes d’atteintes aux droits humains, notamment de torture et de mauvais traitements, et les affrontements entre les groupes armés et l’armée congolaise génèrent de nouvelles vagues de déplacement de populations.

Au cours des dernières semaines, le secrétaire général de l’ONU a sollicité le soutien des États africains afin de mettre sur pied un accord-cadre de paix visant à apporter une réponse globale à la crise qui fait rage dans l’est de la RDC, grâce à la mobilisation du gouvernement de la RDC, des leaders régionaux et de la communauté internationale dans son ensemble.
Le secrétaire général de l’ONU et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) débattent également d’une proposition visant à déployer une brigade d’intervention composée de troupes africaines et intégrée au sein de la force de maintien de la paix de la Mission de l’ONU pour la Stabilisation en RDC (MONUSCO), dont la mission sera de stopper
la progression des groupes armés, de les neutraliser et de les désarmer.

Tout déploiement d’une force offensive doit s’accompagner de mesures de protection, en vue d’enrayer une détérioration de la situation humanitaire et relative aux droits humains. En cas de déploiement de cette brigade d’intervention, il convient de développer une stratégie permettant d’éviter que les groupes armés ne mènent en représailles des attaques contre
les populations locales qui, selon eux, soutiennent l’armée nationale. Elle doit être assortie de programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration s’inscrivant dans la durée, afin d’inciter les membres des groupes armés à revenir à la vie civile.

La situation des droits humains dans l’est de la RDC s’est gravement dégradée à partir de mi-2012, en raison des combats opposant l’armée congolaise au Mouvement du 23 Mars (M23), qui a pris temporairement, en novembre 2012, le contrôle de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu.

À la suite des vives critiques visant la MONUSCO au lendemain de la chute de Goma, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé la proposition du secrétaire général en janvier 2013 d’équiper la MONUSCO de systèmes de surveillance non armés, communément appelés drones, afin de recueillir des informations sur les mouvements des groupes armés dans l’est de la RDC et de permettre des « prises de décisions rapides ».

Amnesty International demande que la capacité de recueillir ce type de renseignements soit utilisée pour mieux protéger les civils qui vivent dans les zones les plus touchées par le conflit. Il convient de mettre ces renseignements supplémentaires en adéquation avec les ressources requises pour les analyser correctement et générer ainsi un mécanisme d’alerte
rapide et efficace en vue de déclencher une intervention visant à protéger la population civile. Toutes les unités de la MONUSCO impliquées dans des activités de protection, y compris les contingents militaires, doivent manifester un égal engagement envers la protection des civils et agir avec rapidité et efficacité sur la base des renseignements relatifs aux menaces qui
pèsent sur les civils, dans le cadre du mandat de la MONUSCO.

Par ailleurs, le gouvernement de la RDC doit engager des réformes à plus long terme afin d’enrayer durablement les cycles de violences et d’atteintes aux droits humains qui ravagent l’est du pays.

Amnesty International invite les gouvernements africains à accorder toute leur attention aux éléments de l’accord qui esquissent les réformes que doit mettre en œuvre le gouvernement congolais, avec le soutien de la communauté internationale et de la MONUSCO, condition sine qua non pour mettre un terme aux atteintes aux droits humains et aux violations du droit
international humanitaire.

Le gouvernement congolais doit sans plus attendre élaborer et mettre en œuvre une Réforme du secteur de la sécurité (RSS) au niveau national, afin de créer des institutions chargées de la sécurité nationale professionnelles et responsables, capables de protéger les droits fondamentaux. Ces réformes doivent prévoir des procédures permettant de suspendre ou démettre de leurs fonctions les auteurs présumés de violations des droits humains, y compris les personnes placées à des postes de commandement, et de garantir le maintien d’une armée et d’une force de police disciplinées et régulièrement payées, en mesure de remplir leur devoir de protection envers la population. La Réforme du secteur de la sécurité doit s’accompagner d’une refonte du système judiciaire, y compris des mécanismes spécifiques, comme le préconisait le Rapport du projet « Mapping » des Nations unies en 2010, afin de lutter contre l’impunité pour les crimes de droit international.

Recommandations :

Le gouvernement de la RDC et la MONUSCO doivent intensifier les activités de protection en vue de mettre un terme aux violences infligées à la population civile dans l’est de la RDC , en organisant par exemple des patrouilles quotidiennes dans les zones où le risque d’attaques est le plus élevé. Le renforcement de la capacité à obtenir des renseignements grâce à l’utilisation de systèmes perfectionnés doit servir à optimiser la protection des civils face aux groupes armés actifs dans la région.

Si une brigade d’intervention de l’ONU ou toute autre force internationale est
déployée, les pays contributeurs de troupes doivent garantir qu’elles soient dûment formées et respectent le droit international humanitaire et relatif aux droits humains en toutes circonstances. La protection des civils doit être placée au cœur de son mandat et des mécanismes devront rendre compte publiquement et régulièrement de sa capacité à respecter ces normes.

L’ONU doit garantir un strict respect de la Politique de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et refuser de soutenir ou retirer son soutien à toute entité – qu’il s’agisse de l’armée nationale ou de toute nouvelle force internationale opérant dans l’est de la RDC sous l’égide de l’ONU – lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que des membres de ces entités bafouent gravement le droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Que la nouvelle force internationale soit ou non intégrée dans la MONUSCO, elle
doit agir en étroite coordination avec les sections civiles de la MONUSCO et les organismes humanitaires concernés, afin de mettre conjointement en place, avant chaque opération, des plans d’évaluation des risques et des plans de protection sur mesure.

Afin d’éviter que les groupes armés ne mènent des attaques en représailles contre les civils, le gouvernement de la RDC et la MONUSCO doivent prolonger toute offensive par une stratégie de contrôle de la zone à moyen terme, période durant laquelle toutes les institutions concernées contribuent à garantir la sécurité et l’état de droit afin de protéger efficacement la population. Il est essentiel que les forces de sécurité nationales, notamment
l’armée et la police, soient dûment formées, payées et équipées, afin de ne pas s’attaquer à la population locale et de contrer les offensives des groupes armés.

L’ONU et la communauté internationale doivent sans plus attendre encourager et appuyer des réformes globales des secteurs de la sécurité et de la justice en RDC, afin de remédier aux violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Le programme des réformes doit être élaboré et mis en œuvre en consultation avec la MONUSCO, des experts nationaux et internationaux, et la société civile, dont des représentants des victimes. À cette fin, l’ONU et les acteurs internationaux doivent :

accepter les recommandations relatives à la justice énoncées dans le Rapport du projet « Mapping » des Nations unies de 2010, et suivre leur mise en œuvre ; exhorter la RDC à nommer un haut représentant comme référent pour coordonner l’action nationale sur la Réforme du secteur de la sécurité (RSS) en liaison avec l’unité RSS de la MONUSCO, qui doit être chargée de coordonner l’appui de la communauté internationale à la Réforme ; engager la RDC à mettre sur pied des mécanismes de sélection et de contrôle permettant d’écarter, de suspendre ou de démettre de leurs fonctions tous les membres des forces de sécurité raisonnablement soupçonnés d’avoir commis des crimes au regard du droit international ou d’autres violations des droits humains, en vue de mener des enquêtes et d’engager des poursuites lorsqu’il existe suffisamment d’éléments de preuve recevables.

Complément d’information

Depuis mi-2012, le M23 a mené des offensives dans le territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu, marquées par des exactions contre les civils, notamment des viols et des exécutons illégales, des recrutements forcés et des violations du droit humanitaire et des droits humains. Le vide sécuritaire laissé par l’armée nationale et les casques bleus de la MONUSCO, qui se sont redéployés pour contrer le M23, a encore aggravé la crise humanitaire. En novembre 2012, le M23 s’est provisoirement emparé de la capitale de
la province, Goma, provoquant le repli des forces de sécurité congolaises. Dans sa fuite, l’armée congolaise se serait livrée à des violations du droit humanitaire et relatif aux droits humains, notamment à des viols et à des pillages.

Le fragile arrêt des combats entre le M23 et l’armée congolaise, début décembre 2012, ne s’est pas traduit par la fin des violences commises contre la population civile dans l’est de la RDC. Les affrontements entre les groupes armés et l’armée congolaise ces dernières semaines ont engendré de nouveaux déplacements de population dans le Nord-Kivu et le Katanga, mais aussi dans le Maniema, où les Maï Maï Raïa Mutomboki ont étendu leurs
opérations. Les habitants de ces régions contrôlées par des groupes armés, notamment le Nyatura et le M23, subiraient également des exactions, notamment des actes de torture et des mauvais traitements.

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