Réfugiés en Afrique du Nord, ils connaissent des déplacements à répétition

Lorsque Amina, 65 ans, est arrivée au camp de Choucha (Tunisie) en mars 2011 en provenance de Tripoli, tout était à recommencer pour elle et sa famille.

Elle avait passé deux ans à espérer une réinstallation aux États-Unis. Le conflit récent en Libye a forcé Amina et ses proches à remettre ce projet à plus tard. En 2010, le colonel Kadhafi a fermé le bureau du Haut-Commissariat aux réfugiés à Tripoli et lorsque les combats ont commencé à s’intensifier en Libye, Amina, sa fille et sa petite-fille âgée de quelques mois ont été forcées de quitter le pays.

Pour Amina, le déplacement est un état familier. Au milieu des années 90, elle a fui les combats en Somalie, son pays natal, et gagné la Libye avec sa fille Nadifa, alors âgée de huit ans. Lorsqu’elles sont arrivées sur place les Somaliens étaient peu nombreux en Libye ; elles ont été enregistrées en tant que réfugiées et ont reçu un peu d’argent.

Amina a travaillé comme employée de maison pour un policier libyen à Tripoli. Mais leurs relations se sont détériorées après qu’il l’eut menacée d’une arme et eut refusé de lui verser son salaire.

La mère comme la fille ont de graves problèmes de santé. Amina est diabétique et une opération chirurgicale bâclée lui a valu des lésions osseuses. On a diagnostiqué à Nadifa une malformation cardiaque ; elle est en outre asthmatique et a du mal à respirer.

« À cause de tout le sable et la poussière, il lui est difficile de se déplacer, même pour aller aux toilettes. Je dois aller chercher à manger moi-même et j’ai un bras cassé, alors c’est difficile. L’hôpital militaire tunisien a donné à ma fille le mauvais inhalateur pour son asthme ; elle a donc dû arrêter de l’utiliser  », a-t-elle raconté à Amnesty International.

Lorsque les combats ont commencé, des centaines de milliers de personnes désireuses de fuir l’insécurité en Libye ont gagné la Tunisie, pays voisin. La majorité d’entre elles ont depuis lors été renvoyées dans leur pays d’origine.

Cependant, de même que les près de 4 000 réfugiés et demandeurs d’asile bloqués à Choucha, Amina, sa fille et sa petite-fille ne peuvent rentrer chez elles en raison du conflit dans leur propre pays.

Avant le début du soulèvement, entre 1,5 et 2 millions de ressortissants étrangers vivaient en Libye. La plupart venaient de pays d’Afrique subsaharienne, dont le Burkina Faso, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Ghana, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Somalie et le Soudan.

En Libye, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants vivaient constamment sous la menace d’une arrestation et d’une incarcération dans des conditions épouvantables pour « infractions en relation avec la migration ».

Les Africains noirs en particulier risquaient de connaître l’exploitation et les agressions racistes aux mains de Libyens ordinaires.

Des moments très difficiles

Le poste-frontière de Saloum se trouve entre l’Égypte et le Soudan ; un millier de demandeurs d’asile et de réfugiés ayant fui la Libye y sont bloqués.

Meron Abebe (son nom a été changé), une Éthiopienne d’une vingtaine d’années se trouve elle aussi dans l’incapacité de rentrer chez elle depuis que son père a été emprisonné à la suite des élections de 2005. Lorsqu’Amnesty International l’a rencontrée à Saloum, elle était enceinte de huit mois.

Après avoir travaillé comme employée de maison à Khartoum pendant trois ans, elle a fui en Libye lorsqu’elle a entendu dans sa paroisse des rumeurs selon lesquelles le gouvernement soudanais avait commencé à expulser des Éthiopiens.

Elle a passé ses premiers mois en Libye derrière les barreaux de la tristement célèbre prison de Kufra, où elle a été placée en détention pour entrée illégale sur le territoire. Elle a par la suite été libérée, pour être de nouveau incarcérée pendant cinq mois supplémentaires à Benghazi.

« Après ma libération, j’ai commencé à travailler à Benghazi comme femme de ménage et mon mari était employé dans la même maison, il s’occupait des voitures. Mes employeurs étaient des gens bien », a-t-elle déclaré à Amnesty International.

« Quand le conflit a éclaté, les Libyens se sont mis à traiter les personnes d’Afrique subsaharienne encore plus durement. Les Africains étaient à la merci des Libyens. Ils vous jugent. Des hommes libyens entraient chez nous sans y être invités et nos hommes ne pouvaient pas nous protéger », a-t-elle ajouté.

Meron a expliqué aux délégués d’Amnesty International qu’après que des Libyens s’en soient violemment pris à leur propriétaire, un Tchadien, elle et son mari ont décidé qu’ils ne pouvaient pas courir le risque de rester plus longtemps. Ils ont rejoint d’autres Éthiopiens ayant trouvé refuge auprès du Croissant-Rouge et ont fini par se rendre à Saloum.

Meron Abebe bénéficie désormais officiellement du statut de réfugiée.

« Ce serait vraiment bien si on pouvait nous aider dans ces moments très difficiles. Si c’est pour mourir ici, j’aurais aussi bien fait de rester à Benghazi », a-t-elle résumé.

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