Communiqué de presse

Il est nécessaire de rendre des comptes au sujet du conflit entre Gaza et Israël

Déclaration écrite d’Amnesty International à l’intention du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à l’occasion de sa 22e session (du 25 février au 22 mars 2013) : nécessité de rendre des comptes au sujet des conflits entre Gaza et Israël

Amnesty International souhaite évoquer le besoin de justice, de vérité et de réparations lié aux atteintes aux droits humains commises par les deux parties pendant les huit jours de l’escalade de violence militaire du conflit à Gaza et dans le sud d’Israël en novembre 2012, qui ont notamment pris la forme de crimes de guerre et d’autres crimes de droit international.

Avant cela, ni le gouvernement israélien, ni le gouvernement de facto du Hamas n’avaient mené d’enquête, comme l’exige le droit international, sur les crimes de guerre et les éventuels crimes contre l’humanité commis par les forces israéliennes et par les groupes armés palestiniens pendant le conflit armé de 2008-2009 à Gaza et dans le sud d’Israël. Bien que plusieurs rapports dignes de foi aient été remis au Conseil des droits de l’homme, au secrétaire général des Nations unies et à l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas saisi la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) de la situation à Gaza. Le fait que les responsables de crimes de droit international, notamment des crimes de guerre, commis en 2008 et 2009, n’aient pas été tenus de rendre des comptes alimente le cycle de l’impunité et de la violence.

Le 14 novembre 2012, les forces israéliennes ont lancé une vaste opération militaire sur Gaza, appelée « Pilier de défense », en commençant par une frappe aérienne qui a tué le chef de la branche politique du Hamas. Pendant les huit jours qui ont suivi, jusqu’à la signature d’un cessez-le-feu le 21 novembre, grâce à une médiation égyptienne, 150 Palestiniens environ, dont plus de 30 enfants et environ 70 autres civils, ainsi que six Israéliens, dont quatre civils, ont été tués. Les forces israéliennes, la branche militaire du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont commis des crimes de guerre. L’aviation israélienne a lancé des bombes et des missiles sur des zones d’habitation, dont des frappes d’une ampleur disproportionnée, qui ont fait de nombreuses victimes parmi les civils. Dans certains cas, Israël ne semble pas avoir respecté son obligation d’établir en toutes circonstances une distinction entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires, puisque les forces israéliennes ont mené des frappes aériennes aveugles qui ont endommagé ou détruit des biens immobiliers civils, des installations médiatiques, des bâtiments gouvernementaux et des commissariats. La marine israélienne a également bombardé des régions côtières habitées en effectuant des tirs d’artillerie sans discrimination.

Le 18 novembre 2012, 10 membres de la famille al Dalu, dont quatre enfants de moins de huit ans, une adolescente et quatre femmes, ainsi que deux voisins de la famille, ont été tués lorsque leur maison a été touchée par une attaque aérienne israélienne sur la ville de Gaza. Les porte-parole de l’armée israélienne ont déclaré à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’un accident, ou que la frappe visait un militaire. Mais ils ont donné plusieurs noms différents pour cette cible, sans apporter d’éléments pour prouver leurs dires.

Le 19 novembre 2012, Mohammed Abu Zur, cinq ans, et deux de ses tantes ont été tués lors d’une frappe aérienne israélienne visant la maison de leurs voisins, qui a également fait des dizaines de blessés.

Lors du conflit de novembre 2012 à Gaza, la branche militaire du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont tiré plus de 1 500 roquettes et obus de mortier sur Israël, tuant des civils et endommageant des biens civils.

Avant et pendant l’escalade militaire de novembre, des groupes armés palestiniens associés au Hamas, au Fatah, au Djihad islamique, au Front populaire de libération de la Palestine et à des groupes salafistes ont commis des crimes de guerre en tirant des roquettes et des obus de mortier sans discrimination sur Israël. Certains de ces tirs sont retombés à Gaza, tuant au moins deux Palestiniens. D’autres ont touché des habitations et d’autres bâtiments en Israël, tuant quatre civils israéliens, faisant de nombreux blessés civils et endommageant des biens immobiliers civils. Les autorités du Hamas n’ont demandé aucun compte aux responsables présumés de ces crimes.

Hadeel Ahmad Haddad, deux ans, a été tuée par une roquette tirée par un groupe armé palestinien, qui s’est abattue sur sa maison du quartier d’al Zeitoun, dans la ville de Gaza, le 19 juin 2012, blessant également gravement son cousin de huit ans.

Le 15 novembre 2012, trois civils israéliens – Mirah Scharf, Itzik Amsalem et Aharon Smadja – ont été tués et d’autres civils ont été blessés par une roquette tirée sans discrimination par un groupe armé palestinien depuis Gaza, et qui a touché leur maison de Kiryat Malachi.

Même si le cessez-le-feu établi le 21 novembre 2012 est largement respecté, des soldats israéliens ont tiré sur des Palestiniens à Gaza, dans un périmètre jouxtant Israël et considéré par l’État israélien comme une zone interdite. Quatre Palestiniens ont été tués dans des incidents de ce type, qui ont également fait de nombreux blessés, y compris des enfants dont certains n’avaient que deux ans.

Le 6 février 2013, selon les médias, l’avocat général militaire israélien, le général Danny Efroni, a annoncé que l’armée israélienne avait ouvert une enquête sur 70 cas de civils palestiniens tués pendant l’opération militaire de novembre 2012. On ignore les détails de cette enquête, mais Amnesty International craint que, comme ce fut le cas pour les enquêtes précédentes de l’armée israélienne, la procédure initiale corresponde à un interrogatoire mené par et pour des militaires. Cette procédure n’est pas conforme au droit international et aux autres normes applicables aux enquêtes, qui exigent que l’autorité chargée de l’enquête soit indépendante de l’armée, habilitée à mener des enquêtes visant à évaluer des responsabilités pénales et autorisée à interroger tous les acteurs concernés, en particuliers les haut gradés qui ont donné les ordres et les responsables gouvernementaux. En somme, les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes au regard du droit international doivent faire l’objet d’enquêtes uniquement dans le cadre de la juridiction de droit commun compétente, à l’exclusion de toute autre juridiction spéciale, notamment les juridictions militaires.

De la même manière, le gouvernement de facto du Hamas n’aurait, selon les informations disponibles, ouvert aucune enquête, ni même envisagé de modifier sa ligne de conduite relative aux tirs de roquettes sans discrimination.

Amnesty International prend note que depuis la fin du conflit de novembre 2012 à Gaza, la Palestine a obtenu le statut d’État non-membre à l’Assemblée générale des Nations unies. Si la Palestine devait devenir partie au Statut de Rome de la CPI, cela augmenterait énormément les chances de pouvoir déterminer les responsabilités pénales individuelles pour les crimes de droit international.

La justice, la vérité et les réparations sont les meilleures armes contre l’impunité et pour éviter de nouvelles violences. Amnesty International appelle le Conseil des droits de l’homme à prendre des mesures en faveur de la justice, de la vérité et des réparations pour les crimes commis par les deux parties au conflit de Gaza en novembre 2012, ainsi qu’en décembre 2008 et janvier 2009.

Amnesty International exhorte le Conseil des droits de l’homme à demander à Israël et au gouvernement de facto du Hamas à Gaza de mener dans les meilleurs délais des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur les informations faisant état de crimes de droit international et d’autres violations des droits humains commis en novembre 2012.

Amnesty International appelle également le Conseil des droits de l’homme à demander à la communauté internationale d’envoyer des observateurs experts suffisamment qualifiés pour enquêter sur les crimes au regard du droit international dans la bande de Gaza et en Israël. Tant que de telles enquêtes n’ont pas été menées et qu’aucun responsable présumé des crimes en question n’a été traduit en justice, le Conseil de sécurité doit imposer un embargo sur les armes à toutes les parties au conflit. Dans cette attente, tous les États doivent suspendre immédiatement les transferts d’armes, de munitions et d’équipements connexes à Israël, au gouvernement de facto du Hamas et aux groupes armés palestiniens de Gaza.

Amnesty International demande au Conseil des droits de l’homme d’exhorter la communauté internationale à laisser la voie ouverte à la justice, à la vérité et aux réparations à l’échelle internationale, notamment en exerçant la compétence universelle et en saisissant la CPI.

Amnesty International demande au Conseil des droits de l’homme d’encourager la Palestine à devenir partie au Statut de Rome de la CPI dans les meilleurs délais, ainsi qu’à tous les traités relatifs aux droits humains et au droit international humanitaire pertinents, sans émettre de réserves ni de déclaration équivalant à une réserve.

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