Reprise des travaux de la sixième session du Conseil des droits humains des Nations unies : les promesses d’avenir hantées par les fantômes du passé

Déclaration publique

IOR 41/029/2007

Amnesty International considère que le Conseil des droits humains a fait de notables progrès dans la sauvegarde et le développement des mécanismes hérités de l’ancienne Commission des droits humains, lors de la reprise des travaux de sa sixième session. Le Conseil a également réussi à garder sur le devant de la scène les graves situations des droits humains dans la région du Darfour au Soudan ainsi qu’au Myanmar.

Si le Conseil est parvenu à plusieurs résultats positifs lors de la reprise de la sixième session, Amnesty International considère que ses membres seraient bien avisés de réfléchir à la question de savoir dans quelle direction le Conseil s’engage, alors qu’apparaissent des signes troublants de retour aux travers à l’origine du discrédit de la Commission. L’accent mis sur la prise de décision par consensus dans le cas du Soudan a conduit le Conseil à parler de progrès dans la protection des droits humains au Darfour, en contradiction manifeste avec les analyses des propres experts du Conseil qui n’ont constaté que peu d’amélioration au niveau de la situation des droits humains au Darfour. La crise des droits humains qui se développe au Sri Lanka n’a fait l’objet que d’une attention superficielle. Les atteintes aux règles du droit au Pakistan ont été à peine mentionnées. Les membres du Conseil ont pour l’essentiel abdiqué toute responsabilité dans la négociation d’une résolution sur la question universellement importante de la liberté de religion et de croyance, s’en remettant à l’Union européenne et à l’Organisation de la conférence islamique. Les membres du Conseil dans leur ensemble ont le devoir de veiller à ce que des questions de cette importance soient traitées avec l’attention qu’elles méritent.

Parmi les points forts abordés lors de la reprise de la session, Amnesty International salue le renouvellement des mandats des rapporteurs spéciaux sur le logement convenable, la santé, la liberté de religion et de croyance, la promotion et de la protection des droits humains dans la lutte antiterroriste, ainsi que le renouvellement du mandat de la rapporteuse spéciale sur le Soudan, du représentant du secrétaire général en charge des droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays et de l’experte indépendante pour le Libéria.

Amnesty International salue également l’adoption par consensus d’une résolution globale concernant l’intégration des droits fondamentaux des femmes dans tous les organismes du système des Nations unies. L’organisation note particulièrement la décision du Conseil de consacrer au moins une journée chaque année à l’examen des droits fondamentaux des femmes et de tenir un débat annuel consacré à l’intégration d’une perspective sexo-spécifique dans tous les travaux du Conseil. Cette résolution est le signe d’une détermination bienvenue à traduire les paroles en actes, afin de mettre un terme aux violations des droits des femmes et à la discrimination basée sur le genre.

Amnesty International applaudit la décision de prolonger le mandat de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains au Soudan. Toutefois, l’organisation déplore la décision de mettre fin au mandat du groupe d’experts. Le groupe a été un élément clé du processus que le Conseil avait lui-même mis en place, avec la participation pleine et entière du gouvernement du Soudan, pour encourager l’application effective des précédentes recommandations des Nations unies relatives à la protection des droits humains au Darfour. Bien qu’aucun progrès pratiquement n’ait été réalisé dans l’application de ces recommandations par le gouvernement du Soudan, le Conseil a démantelé le groupe alors que le processus n’en était qu’à mi-parcours. La lourde tâche de veiller à l’application sur le terrain des recommandations a été laissée à la rapporteuse spéciale sur le Soudan, qui avec très peu de moyens est également censée mener des actions de surveillance sur le terrain dans tout le Soudan, où la situation ne cesse de se dégrader. La mise en place du groupe d’experts en mars 2007 avait été largement considérée comme un tournant dans l’engagement du Conseil sur la situation au Darfour et une innovation prometteuse pour le Conseil. Amnesty International espère que la dissolution du groupe d’experts ne préfigure pas le retour à une époque où les États bénéficiant du soutien d’amis puissants pouvaient échapper à tout contrôle, quel qu’ait été leur bilan en matière de droits humains.

Amnesty International reconnaît que les membres du Conseil restent unis dans leurs efforts pour traiter la question de la situation des droits humains au Myanmar. Toutefois, l’organisation est déçue que le Conseil n’ait pas jugé utile d’aller au-delà d’un renouvellement des exigences déjà formulées lors de sa cinquième session spéciale en octobre 2007. Le rapporteur spécial n’a constaté aucun geste significatif de la part du gouvernement du Myanmar indiquant une mise en œuvre des dispositions principales de la résolution adoptée par le Conseil ; le Conseil a ainsi laissé passer l’occasion de signifier au gouvernement du Myanmar que la communauté internationale attend maintenant des actes plutôt que des paroles. Amnesty International pense que le Conseil doit trouver des moyens plus efficaces de faire entendre ses préoccupations au gouvernement du Myanmar si celui-ci ne se montre pas plus réceptif à toute coopération avant la septième session. Lors de cette session, le Conseil devra, au minimum, examiner dans son ensemble la situation des droits humains au Myanmar et prolonger le mandat du rapporteur spécial.

Amnesty International regrette une nouvelle fois que le Conseil n’ait pas profité de cette session pour apporter son assistance au gouvernement du Sri Lanka et l’aider à prévenir de nouvelles violations des droits humains. Le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits humains venait juste de décider que la Commission des droits humains du Sri Lanka n’était plus indépendante au sens des Principes de Paris, corroborant l’affirmation du haut-commissaire aux droits de l’homme qui avait déclaré que les institutions et mécanismes nationaux du Sri Lanka n’offraient pas une protection adéquate des droits fondamentaux. Même l’ambassadeur du Sri Lanka avait parlé de la détermination de son pays à demander que les institutions nationales et processus nationaux soient complétés et soutenus par une assistance internationale. Le temps est venu pour le Conseil d’aller au delà des discussions politiques stériles sur la situation des droits humains au Sri Lanka pour en venir à des mesures concrètes afin de répondre à l’urgence de la situation en matière de droits humains dans ce pays.

Lors d’une séance évocatrice de la double échelle de valeurs et de la sélectivité de la Commission des droits de l’homme, presque tous les membres du Conseil ont choisi de fermer les yeux sur le préjudice à long terme aux principes du droit et à la protection des droits humains que représente l’imposition récente de l’état d’urgence au Pakistan. Plutôt que d’appeler le Pakistan à remplir ses obligations de « respecter les normes les plus élevées en matière de droits humains » en tant que membre du Conseil [résolution A/RES/60/251, op. 9 de l’Assemblée générale des Nations unies], les États membres et observateurs ont préféré ignorer l’inquiétude exprimée par la société civile et le haut-commissaire aux droits humains pour lesquels l’état d’urgence et les mesures prises dans le cadre de cet état d’urgence ont infligé un tort sévère, à long terme, au pouvoir judiciaire et à la société civile.

Alors que le Conseil prépare maintenant sa septième session en mars 2008, Amnesty International exhorte ses membres et observateurs à s’élever au dessus de la tentation de se perdre eux-mêmes dans le processus d’édification institutionnelle du Conseil et à s’attacher à la réalisation de la promesse offerte par le Conseil lorsqu’il a remplacé la Commission des droits humains.

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