République centrafricaine. Le respect de la loi et le maintien de l’ordre disparaissent, tandis que les civils fuient la violence et les tueries

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFR 19/002/2007

Amnesty International a tiré la sonnette d’alarme ce 26 juin : des centaines de milliers de civils sont en danger en République centrafricaine (RCA), sur fond de violence persistante dans les pays voisins du Tchad et du Soudan.

« Alors que l’attention internationale reste braquée sur le Darfour et le Tchad oriental, la région nord de la RCA est entrée dans une spirale de conflit et de chaos, dans l’ignorance quasi complète de la communauté internationale », a déclaré Godfrey Byaruhanga, un chercheur d’Amnesty International récemment revenu du Tchad méridional et de la RCA.

« Les régions septentrionales souffrent particulièrement de ce chaos, elles sont devenues un terrain de chasse pour les diverses forces d’opposition armée de ce pays, les troupes gouvernementales, et même des bandits armés. Certains viennent d’Afrique de l’ouest pour se livrer à des enlèvements et des pillages dans les villages de la région. »

Les forces d’opposition armée de RCA tuent les civils qui ne les soutiennent pas ou refusent de rejoindre leurs rangs. Les troupes gouvernementales tuent les civils qu’ils accusent de collusion avec ces groupes armés, et brûlent des villages entiers lors d’attaques de représailles. Les civils qui survivent aux attaques des forces gouvernementales et de l’opposition armée sont attaqués par des bandits qui les enlèvent pour des rançons et pillent leurs biens. Le gouvernement de RCA faillit manifestement à son devoir de protéger les civils de cette région.

En interviewant des dizaines de réfugiés ayant récemment fui des zones septentrionales de RCA vers le sud du Tchad, Amnesty International est parvenue à la conclusion préliminaire qu’il n’existe quasiment aucune autorité pour protéger les civils, ce qui laisse libre cours à de nombreuses forces armées. À l’instar des forces d’opposition et du gouvernement de RCA, les troupes du gouvernement et de l’opposition du Tchad mènent des incursions dans la région. Des bandits armés rôdent en RCA septentrionale, à la recherche de bétail – et de mineurs qu’ils enlèvent ou relâchent contre de fortes rançons.

« La région tout entière est devenue un creuset de violence et de peur – ce qui menace de déstabiliser encore plus cette région, qui est déjà l’une des plus instables et dangereuses du monde », a ajouté Godfrey Byaruhanga. « Les civils pris au piège sont nécessairement perdants. Certains ont tellement peur qu’ils s’enfuient au Soudan, au Cameroun et vers le sud du Tchad : leur désespoir les jette de Charybde en Scylla. »

Lors de leur visite dans des camps de réfugiés, dans le sud du Tchad, les chercheurs d’Amnesty International ont rencontré des familles dont les enfants – certains n’ayant pas plus de trois ans – avaient été enlevés contre rançon par des bandits armés appelés Zaraguinas, ou coupeurs de routes.

Certains parents ont dû payer une rançon allant jusqu’à deux millions de francs CFA (l’équivalent de 4 000 dollars des Etats-Unis) pour un enfant. Certaines familles ont vu leurs enfants enlevés pour rançon jusqu’à sept fois de suite. Des parents qui possédaient auparavant plus de 100 têtes de bétail, dont ils tiraient leurs moyens de subsistance, sont désormais sans ressources, dépendant des maigres rations de l’aide humanitaire dans les camps de réfugiés du Tchad méridional.

« Les parents qui ont retrouvé leurs enfants après avoir payé leur rançon ont eu de la chance. Certains enfants ont été tués parce que leurs parents ne pouvaient pas la payer, d’autres sont toujours prisonniers des bandits, sans autorité pour venir à leur secours », a déclaré Godfrey Byaruhanga.

« La nouvelle se répand manifestement au sein des délinquants et criminels de toute la région : ils ont les mains libres dans le nord de la RCA, car il n’existe quasiment aucune autorité », a ajouté Godfrey Byaruhanga.

« Le respect de la loi et le maintien de l’ordre disparaissent rapidement en RCA. L’autorité du gouvernement est déjà limitée de fait à la capitale, Bangui, où règnent également l’insécurité, la corruption et l’impunité. Les répercussions d’un tel effondrement seraient catastrophiques pour la région d’Afrique centrale tout entière. »

Amnesty International demande le déploiement immédiat d’une force multidimensionnelle des Nations unies pour protéger les civils en RCA, exprimant sa crainte que la communauté internationale – notamment les Nations unies et l’Union africaine – ne prennent pas assez au sérieux la dégradation de la situation.

Selon notre organisation, cette force des Nations unies doit protéger les civils ; il faut la déployer sans attendre le déploiement d’autres forces au Darfour ou dans l’est du Tchad.

« La situation est trop dangereuse, elle ne peut tout simplement pas attendre », a déclaré Godfrey Byaruhanga. « La vie des populations de RCA ne doit pas dépendre des caprices des gouvernements soudanais et tchadien, d’autant plus que le gouvernement de RCA a accepté le déploiement d’une force internationale. »

Notre organisation a ajouté que le déploiement d’une force des Nations unies doit se faire dans le cadre plus exhaustif de la protection des civils en RCA, notamment avec le gouvernement, qui doit remplir son devoir de protéger sa population sur tout son territoire. Tandis que les Nations unies étudient la formation et le déploiement d’une force multidimensionnelle, le gouvernement de RCA doit commencer immédiatement par ordonner à ses forces de ne pas attaquer les civils. En outre, le gouvernement de RCA doit immédiatement enquêter sur ses militaires et autres responsables du maintien de l’ordre accusés de commettre des violations du droit humanitaire et relatif aux droits humains, et les traduire en justice le cas échéant, dans des procès respectant les normes internationales d’équité.

Selon Amnesty International, les groupes armés ont l’obligation de respecter le droit international humanitaire, et doivent cesser immédiatement de commettre des atteintes aux droits humains ; toutes les parties du conflit ont l’obligation de donner aux organisations humanitaires un libre accès aux populations concernées.

Amnesty International prépare un rapport plus détaillé, avec des recommandations supplémentaires à la communauté internationale et au gouvernement de RCA, pour la protection des civils.

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