COMMUNIQUÉ DE PRESSE

République centrafricaine. Des violences commises par les forces de sécurité impossibles à maîtriser

Les forces centrafricaines de sécurité sont devenues incontrôlables, et les autorités nationales et la communauté internationale doivent agir de toute urgence afin de faire respecter l’ordre public, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public mardi 29 octobre 2013.

Ce document, intitulé CAR : Human rights crisis spiralling out of control (voir document ci-dessous), souligne l’ampleur sans précédent des violations des droits humains perpétrées à travers le pays par la Seleka, la coalition de groupes armés ayant lancé une offensive contre l’ancien président, Francois Bozizé, au début du mois de décembre 2012, avant de saisir le pouvoir en mars 2013.

« Les forces de la Seleka s’en prennent aux civils à travers le pays, procédant à des exécutions, recourant à la torture, bombardant sans discrimination des zones habitées, violant des femmes et enrôlant des enfants de force », a indiqué Godfrey Byaruhanga, spécialiste de la République centrafricaine à Amnesty International.

« Le désespoir de la population est plus profond que jamais du fait de ces atteintes persistantes et de grande ampleur aux droits humains, qui sont susceptibles de constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »

Un haut responsable gouvernemental a déclaré à Amnesty International, lors d’une visite récente, que les ministres qui n’étaient pas à la tête de factions de la Seleka éprouvent des difficultés à prévenir ces graves violations des droits humains, et que même le président Michel Djotodia n’était pas habilité à donner d’ordres aux forces de la Seleka ne relevant pas de sa propre faction.

Dans un cas porté à la connaissance des chercheurs d’Amnesty International, des membres de la Seleka ont sommé un taxi transportant une douzaine d’hommes de s’arrêter. Ils ont trouvé un sac de t-shirts à l’effigie de François Bozizé dans le véhicule et ont soupçonné l’ensemble des passagers d’être des partisans de celui-ci. Ils les ont conduits dans un lieu inconnu. Plusieurs jours plus tard, les corps de certains de ces hommes ont été retrouvés flottant dans une rivière à proximité. Ils avaient les bras et les jambes attachés, et présentaient des traces de torture.

Une femme a dit à Amnesty International qu’elle avait été violée par trois membres de la Seleka pendant plusieurs heures, devant ses enfants en pleurs. Ces soldats l’ont mordue et giflée ; un mois plus tard elle portait encore des séquelles de cette agression barbare.

La coalition de la Seleka a semble-t-il recruté d’anciens délinquants, violents pour beaucoup d’entre eux, notamment des voleurs de grand chemin et des braconniers. Elle compterait par ailleurs parmi ses rangs des combattants soudanais et tchadiens, qui sont soupçonnés d’avoir commis de nombreuses violations des droits humains en République centrafricaine.

On estime que le nombre d’enfants soldats au sein de la Seleka pourrait s’élever à 3 500 ; certains ont été recrutés au Soudan et au Tchad voisins. Amnesty International est extrêmement préoccupée par le fait que nombre de ces mineurs soient utilisés comme monnaie d’échange par des commandants étrangers qui attendent d’être payés par le gouvernement centrafricain pour leur rôle dans le conflit.

Autre élément préoccupant, certaines des attaques semblent viser tout particulièrement des groupes religieux ; par exemple, des membres de la Seleka, musulmans pour la plupart, prennent ainsi pour cibles les églises et ceux qu’ils soupçonnent d’être chrétiens. Parallèlement, des miliciens chrétiens s’en prennent aux musulmans dans le pays tout entier.

Exacerbée par le conflit, la situation humanitaire en République centrafricaine est catastrophique, des milliers de personnes dépendant de l’aide humanitaire pour se nourrir et se soigner. Les travailleurs humanitaires sont cependant visés eux aussi. Dans un cas, les forces de la Seleka sont entrées par effraction dans un orphelinat et ont ouvert le feu, traumatisant les enfants. Elles se sont ensuite emparées de l’intégralité des véhicules, des ordinateurs et des denrées alimentaires de l’établissement.

Le 7 septembre 2013, des miliciens de la Seleka à Bossangoa ont roué de coups puis sommairement exécuté deux employés de l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement, une organisation humanitaire française.

Amnesty International demande aux autorités centrafricaines : de condamner publiquement et sans équivoque l’ensemble des violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité et les groupes armés ; de traduire les responsables présumés en justice et d’accorder des réparations aux victimes.

« Les autorités centrafricaines n’ont semble-t-il pas fait grand-chose pour mettre fin à ces violations des droits humains et déférer les auteurs présumés de celles-ci à la justice. Quant aux efforts déployés par la communauté internationale, ils sont décousus et inefficaces », a déploré Godfrey Byaruhanga.

« L’Union africaine, qui préside au déploiement de troupes africaines en République centrafricaine, a déclaré en juillet 2013 qu’elle enverrait quelque 3 500 soldats protéger les civils ; or, le contingent actuellement sur place représente moins de la moitié de ce chiffre. Il serait en outre largement insuffisant dans un pays dont la superficie est plus de deux fois supérieure à celle de la France », a ajouté Godfrey Byaruhanga.

Les Nations unies réfléchissent actuellement à la possibilité d’intervenir pour prendre les rênes des opérations de maintien de la paix en République centrafricaine. Amnesty International demande aux Nations unies de soutenir et de former les soldats chargés du maintien de la paix afin qu’ils soient en mesure de faire respecter l’ordre, et de déployer des observateurs des droits humains dans tout le pays.

Inquiètes au sujet de la terrible situation qui règne en République centrafricaine, de nombreuses délégations des Nations unies, de l’Union africaine et de l’Union européenne, ainsi que d’autres gouvernements étrangers, se sont rendues dans le pays depuis que le président Bozizé a été chassé du pouvoir en mars 2013. Amnesty International craint cependant que ces différents acteurs n’harmonisent pas suffisamment leur action, ni les uns avec les autres, ni avec les autorités nationales.

L’organisation exhorte l’UA et les Nations unies à faire le nécessaire pour que de véritables mesures coordonnées soient prises, afin de rétablir l’ordre dans le pays et de mettre enfin un terme à cette crise dévastatrice sur le plan humanitaire et des droits humains.

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