République démocratique du Congo. Le moment n’est pas venu d’assouplir l’embargo des Nations unies sur les armes

Synthèse destinée aux médias

Amnesty International a exhorté ce mercredi 26 mars le Conseil de sécurité des Nations unies à ne pas assouplir l’embargo sur les armes à destination de la RDC, insistant sur le fait qu’un tel assouplissement serait prématuré et pourrait se révéler contre-productif pour la protection des droits humains. L’organisation est particulièrement préoccupée par les propositions visant à supprimer les restrictions relatives à l’embargo pour les unités non intégrées dans les forces de sécurité de la RDC.

« Des armes et des munitions continuent d’être utilisées par des membres de l’armée régulière et de la police ainsi que par des groupes armés, pour commettre au quotidien des exactions contre des civils, notamment des homicides et des viols généralisés. Le gouvernement de la RDC a trop peu progressé au niveau de la professionnalisation de ses forces de sécurité et de son combat contre l’impunité pour justifier un assouplissement des contrôles des Nations unies à ce stade. »

Aux termes de l’embargo existant, le gouvernement de la RDC peut, sous réserve d’en avertir préalablement les Nations unies, obtenir que soient importées en RDC des armes destinées aux unités des forces de sécurité ayant suivi le programme national d’intégration et de réforme. La fourniture d’armes aux unités n’ayant pas terminé le programme est en revanche interdite.

« Tout assouplissement de l’embargo serait incompatible avec les initiatives prises par les Nations unies et au niveau international en vue d’encourager une réforme effective des forces de sécurité et de mettre un terme aux atteintes aux droits humains, notamment à la violence sexuelle endémique et au recrutement et à l’emploi d’enfants soldats. »

Il y a seulement un mois, le groupe d’experts des Nations unies mis en place pour enquêter sur les violations de l’embargo sur les armes a établi l’existence de plusieurs cas manifestes de violations de l’embargo par le gouvernement de la RDC et par plusieurs États ayant fourni des armes au gouvernement. Loin de proposer un assouplissement des contrôles, le groupe a recommandé un renforcement de la capacité de la force de maintien de la paix des Nations unies en RDC, la MONUC, pour faire appliquer l’embargo.


« Si le Conseil de sécurité des Nations unies et la communauté internationale veulent aider la RDC à faire diminuer les atteintes aux droits humains, il est vital que les Nations unies surveillent étroitement tous les transferts d’armes et de matériel militaire vers la RDC de façon à s’assurer qu’ils ne parviennent qu’aux seuls bénéficiaires légaux et ne sont utilisés que de manière légale. La proposition actuellement à l’étude devant le Conseil de sécurité est un recul par rapport à cette surveillance étroite. »

Amnesty International a également mis en garde contre le fait qu’il serait mal venu d’assouplir l’embargo tant que l’intégration dans l’armée régulière de groupes armés des provinces orientales du Kivu n’a pas été résolue. Le 23 janvier 2008, des représentants de ces groupes armés ont signé un « Acte d’engagement », acceptant de soumettre leurs forces à un processus de démobilisation ou intégration, mais les modalités de ce processus doivent encore être négociées. Ces négociations risquent de se révéler extrêmement délicates. Une initiative précédente, de « brassage », visant à intégrer le groupe armé du CNDP de Laurent Nkunda dans l’armée nationale, a échoué de façon catastrophique et a été l’étincelle qui a provoqué la reprise du conflit dans le Nord-Kivu au cours des derniers mois de l’année 2007, avec son cortège d’atteintes massives aux droits humains et le déplacement de centaines de milliers de civils.

Complément d’information

Le Conseil de sécurité des Nations unies débat de possibles modifications à l’embargo existant sur les armes à destination de la RDC, embargo qui arrive à expiration le 31 mars 2008. Un projet actuellement à l’étude devant le Conseil prévoit de maintenir l’interdiction de livrer des armes et de fournir une aide militaire aux groupes armés opérant en RDC, mais envisage la levée des restrictions relatives à la fourniture d’armes et de matériel militaire aux brigades de l’armée non intégrées où qu’elles se trouvent en RDC et aux brigades en cours d’intégration dans l’est du pays. Le projet supprime également l’obligation faite au gouvernement de ne recevoir l’aide militaire que sur des « sites receveurs » soumis à l’inspection de la force de maintien de la paix des Nations unies, la MONUC.

Bien qu’une amélioration de la sécurité ait été constatée dans plusieurs régions du pays, le conflit en RDC n’est pas terminé, il se poursuit notamment dans la province orientale du Nord-Kivu. Dans tout le pays, des groupes armés et des membres des forces de sécurité gouvernementales continuent de recourir aux armes pour tuer, violer, torturer et piller. L’armée régulière (FARDC) et la police restent les principaux auteurs d’atteintes aux droits humains.

Le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies, le 19 février 2008, donne des exemples concrets de violations manifestes de l’embargo par le gouvernement de RDC et par des États ayant fourni des armes au gouvernement, et cite des cas dans lesquels le gouvernement n’a pas averti la MONUC de l’arrivée d’équipements militaires. Le groupe a recommandé un renforcement de la capacité de surveillance de la MONUC et que des efforts soient entrepris pour redémarrer un « processus effectif » de désarmement, démobilisation et réinsertion des membres des groupes armés illégaux.

Le programme national de réforme du secteur de la sécurité est au point mort dans le pays depuis la disparition de la CONADER, organisme d’État chargé de la démobilisation. Un autre organisme a été mis en place par le gouvernement pour remplacer la CONADER mais il ne fonctionne pas encore. On estime à 78 000 le nombre de combattants, principalement dans l’est du pays, qui attendent leur démobilisation ou leur entrée dans des brigades intégrées de l’armée. Beaucoup de ces unités non intégrées opèrent de facto comme des groupes armés, en dehors de tout contrôle de l’État et des structures de commandement de l’armée. C’est le cas par exemple de la 85ème brigade non intégrée dans le territoire de Walikale, dans la province du Nord-Kivu ; elle serait lourdement impliquée dans le trafic de cassitérite et autres minerais et est responsable de nombreuses atteintes aux droits humains.

Par l’Acte d’Engagement signé le 23 janvier 2008, les groupes armés congolais des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu se sont engagés à observer un cessez-le-feu et à mettre fin immédiatement aux exactions contre les civils, notamment aux homicides, aux violences sexuelles et au recrutement d’enfants. Le cessez-le-feu a cependant été rompu à de nombreuses reprises. Une délégation d’Amnesty International récemment de retour du Nord-Kivu a trouvé des indices sérieux montrant que ces groupes continuaient de recruter des enfants et que toutes les forces de la province, armée régulière comprise, continuaient de violer et de commettre d’autres atteintes aux droits humains en toute impunité. Entre le 1er et le 12 mars 2008, 13 civils ont été tués en toute illégalité par des groupes armés dans le Nord-Kivu.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit